Longévité individuelle et collective. La mort de la mort. Juin 2017. N° 99.

Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles écrivait, il y a 98 ans, Paul Valéry, au sortir de la première guerre mondiale.  Cette phrase forte était notamment l'illustration d'un monde où il devenait envisageable que les progrès technologiques mènent à la fin de notre histoire collective.

Publié le 29 juin 2017, par dans « Immortalité ? »

Les phrases étaient si éloquentes qu’il était difficile de résister au sentiment que des idées profondes et subtiles les sous-tendaient même si personne n’apercevait lesquelles. Nick Bostrom, la fable du dragon-tyran à propos de ceux justifiant le fait de ne pas lutter contre la mort par vieillissement.


Thème du mois. Longévité et risques existentiels
(risques pour l’ensemble de l’humanité)


Nous autres civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles écrivait, il y a 98 ans, Paul Valéry, au sortir de la première guerre mondiale.  Cette phrase forte était notamment l’illustration d’un monde où il devenait envisageable que les progrès technologiques mènent à la fin de notre histoire collective.

De quoi s’agit-il

L’angoisse d’une disparition, pas seulement d’une personne ou d’un groupe, mais de toute une civilisation voire de toute l’humanité, est une peur ancestrale, illustrée dans bien des contes et récits d’apocalypse ou de déluges. Dans ces récits, la catastrophe est souvent créée par les hommes -par une faute contre les dieux.

Le concept de « risque existentiel« , la peur du côté obscur du futur fait partie des plus anciens cauchemars de l’humanité, un récit qui contrebalance mais aussi fait écho aux rêves d’immortalité. L’être humain est le seul être vivant qui a conscience de l’inéluctabilité de sa mort. Il est également conscient des forces et des fragilités des futurs collectifs. S’il veut puiser dans la survivance du groupe une certaine acceptation de sa fin, il est néanmoins conscient que le groupe lui aussi peut « mourir ».

Dans le passé récent, le concept de risque existentiel a été très largement popularisé et théorisé par un philosophe suédois vivant à Oxford, Nick Bostrom. Celui-ci distingue les risques que l’humanité se crée à elle-même et les risques naturels (par exemple un astéroïde qui s’écraserait sur la Terre) et il considère qu’à court terme, ce sont les risques anthropiques qui sont les risques majeurs.

Pour les risques créés par l’humain, il y a malheureusement bien des catégories qui sont envisageables, notamment:

Et la liste est malheureusement largement incomplète, notamment parce qu’il existe presque certainement des risques dont nous n’avons pas encore conscience.

Malheureusement également, il est imaginable qu’un jour, compte tenu des progressions technologiques, la « démocratisation de la violence », l’accessibilité de moyens de destruction soit telle qu’un petit groupe, voire un individu isolé puisse détruire l’humanité.

Les optimistes rappellent que les grandes craintes technologiques du passé se sont révélées exagérées. Les pessimistes signalent notamment que le fait que nous sommes apparemment seuls dans l’Univers (ce qui s’appelle le paradoxe de Fermi) pourrait bien s’expliquer par le fait que les civilisations technologiques finissent par s’autodétruire. Ils rappellent aussi, par un trait d’humour, le parcours imaginaire de l’homme en train de tomber d’un gratte-ciel, qui croise au 15e étage un laveur de vitres et lui crie « Jusqu’ici tout va bien ».

Longévité individuelle – longévité collective – pulsion de mort

Certains ont parfois affirmé que la longueur de l’existence collective était facilitée par la brièveté des existences individuelles. A entendre ce raisonnement, la mort d’un individu ayant été productif serait plutôt une bonne chose parce qu’il laisse la place aux générations suivantes. Certains verront aussi dans la mort de l’individu, précédé de sa décrépitude, une garantie que le groupe reste plus important que l’individu, une garantie de faiblesse des individus qui évite que ces individus se dressent contre la collectivité.

Mais parfois, ce désir et cette apologie de la mort vont plus loin. L’idée de mort souhaitable s’étend au-delà des individus, au souhait de la disparition de populations entières voire même de l’humanité. Les raisons invoquées peuvent être le respect de la nature ou d’une volonté divine, la fin de la surpopulation, la cruauté des femmes et (surtout) des hommes ou encore pour mettre fin aux souffrances humaines. Quoi qu’il en soit, c’est une considération que l’être humain ne vaut pas la peine de persister. Ceci peut s’expliquer psychologiquement. La mort étant acceptée individuellement, elle en devient souhaitée collectivement.

Attention, ici le trait a cependant été forcé. Ces « pulsions de mort », souhaits de disparition collective sont des attirances-répulsions où presque toujours la vie l’emporte. C’est la fascination qui s’empare de nous au sommet d’une falaise qui nous pousse à faire un pas en avant, l’envie que nous avons de détruire ce que nous avons de plus précieux, c’est une pulsion de mort qui nous fascine mais presque jamais ne l’emporte.

Longévité individuelle et collective – pulsion de vie et prévention des risques

En fait, le raisonnement selon lequel la mort des individus est favorable à un meilleur équilibre de la civilisation est incorrect à bien des égards. Une vie beaucoup plus longue des individus diminue les autres risques de destruction de l’humanité. Voici quelques raisons.

Dans une société où la vie devient très longue et où même la mort de vieillesse devient rare, nous avons plus de temps et d’énergie à consacrer aux autres risques de décès.  L’intérêt va alors pouvoir se concentrer sur les causes de décès plus rares et dues aux actions humaines, notamment les risques existentiels.

Une société permettant une vie en bonne santé beaucoup plus longue à tous ceux qui le souhaitent rend la vie beaucoup plus précieuse. Une des causes majeures de risques existentiels est la violence humaine. Aujourd’hui, tuer son prochain ou même tuer l’ensemble de l’humanité n’est en fait que l’accélération d’un décès inéluctable. Tout le monde meurt. Si après-demain la vie humaine n’avait plus de terme prévisible, les tentations de meurtre et « d’auto-annihilation » collectives pourraient devenir non plus seulement inacceptables mais aussi inimaginables. En d’autres mots, plus la vie individuelle est précieuse, plus nous veillons à la préserver et plus la pérennité de la collectivité sera assurée.

Une société dans laquelle les individus avancent en âge est une société de plus en plus pacifique. Les statistiques pénales démontrent que les crimes violents sont commis principalement par des personnes jeunes (surtout des hommes d’ailleurs). La sagesse n’attend pas toujours le nombre des années, mais l’écoulement du temps pour l’apprentissage de la vie en société aide considérablement.

Conclusion

La vie vaut-elle la peine d’être vécue et pourquoi ? Voici au moins quelques millénaires (et probablement beaucoup plus) que nous nous posons collectivement la question, même si aucun être humain n’a jamais pu se la poser durant guère plus d’un siècle. Quasiment chacun d’entre nous y apporte ses propres réponses qui souvent varient au fil du temps.

La conclusion est, dans la majorité écrasante des cas, que le jeu en vaut la chandelle. Oui, nous voulons vivre. Et nul ne devrait avoir le droit de mettre fin de manière prématurée à l’existence d’autrui, collectivement ou individuellement, en utilisant des moyens de destruction massive… ou en refusant de la recherche pour la santé.


La bonne nouvelle du mois: des investissements et déclarations nouvelles pour la longévité dans le monde de l’entreprise


Le milliardaire britannique Jim Mellon a déclaré (traduction) Je crois que, au cours de la décennie à venir, nous serons témoins de la période de découverte scientifique et d’avancement de l’histoire humaine la plus significative. (…) Ceci, je crois, mènera à la nécessité pour l’industrie de la longévité de prendre de l’importance et de devenir la plus grande industrie du monde. Jim Mellon, qui achève un ouvrage intitulé Juvenescence: Investing in the Age of Longevity rejoint le groupe croissant d’investisseurs et de sociétés qui poursuivent des objectifs clairs en matière de longévité.

Dans le monde francophone, des scientifiques proches de la société Elvesys, persuadés que vieillir n’est pas inévitable, et fermement décidés à révolutionner son concept même, ont récemment créé un site d’information baptisé LongLongLife.

Les autorités publiques, elles, restent plus discrètes. Mais les investissements publics pour les recherches dans tous les domaines liés aux maladies liées au vieillissement sont considérables. A quand une vision plus globale à ce niveau également? Les changements de paradigmes peuvent être rapides!


Pour en savoir plus:

 

 

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Vice-président de l’AFT-Technoprog Je me définis comme un activiste du social essayant de promouvoir l’égalité et la solidarité à tous les niveaux notamment grâce aux progrès technologiques utiles qui nous permettent de vivre mieux, plus longtemps et d’échanger de plus en plus de connaissances. En savoir plus