Le syndrome de Stockholm de la mortalité

Et si notre amour de la mort était celui d'otages pour leurs ravisseurs ?

Publié le 28 décembre 2016, par dans « Immortalité ? »

L’un des objectifs du transhumanisme est l’allongement de la durée de vie en bonne santé, voire l’amortalité (vivre sans limitation de durée). De nombreuses personnes rejettent cette idée de façon brutale, presque instinctive, comme si l’on s’attaquait à leurs valeurs les plus intimes.

Comment expliquer un tel empressement à prendre la défense de la mort ?

Lorsqu’un enfant découvre la mort (suite, par exemple, au décès d’un proche), c’est généralement un moment assez grave. Ses parents doivent lui expliquer longuement la situation, pour faire face à l’angoisse et à l’incompréhension. Certains parents préfèrent même mentir (« Mamie est partie en voyage ! ») pour retarder ce moment fatidique.

L’acceptation de la mort n’est donc en rien naturelle : elle commence par la découverte du concept de mort (donc la connaissance n’est pas instinctive ou innée), et est progressivement renforcée avec le temps.

Dans l’absolu, savoir accepter la mort est une bonne chose : tant que la mort sera présente, mieux vaut être préparé psychologiquement à cette éventualité. Même en étant amortel, il reste toujours possible de mourir dans un accident ! Dans un monde où le risque zéro n’existe pas, ne pas accepter la mort mène soit au déni de réalité, soit à une existence paranoïaque et au final bien morose.

Cependant, comment passe-t-on de l’acceptation philosophique de la mort à la défense de la mort, avec le même acharnement que certains déploient pour défendre la liberté ou la justice ?

L’acceptation de la mort est un parcours souvent difficile. Pour y parvenir, certains emploient des stratégies plus radicales que d’autres. Ce faisant, ils dépassent le stade de la sage acceptation, et vont jusqu’à embrasser et sacraliser la mort.

Cela fait penser au fameux syndrome de Stockholm, où des otages développent une forte empathie pour leurs ravisseurs, au point de les défendre lors de l’assaut des forces de l’ordre. Lorsque l’on est sous le joug d’un bourreau, une stratégie psychologique radicale pour échapper à la souffrance est de se convaincre que le bourreau est bon, que ce qu’il fait est dans l’ordre des choses, et donc que notre souffrance n’est pas vaine ou absurde.

Ainsi, si nous nous persuadons que la mort a un sens profond caché, qu’elle participe de ce fameux « ordre des choses », qu’elle est bonne, naturelle et nécessaire… il devient soudain beaucoup plus facile de l’accepter.

A cela s’ajoute un effet d’engagement, comparable à ce que l’on peut observer dans certains bizutages. « J’ai subi le bizutage, cela a été dur, mais je suis passé au travers. Il est donc important que je perpétue le bizutage sur la génération suivante – sinon, tout ce que j’ai subi serait vide de sens ! » C’est également vrai de l’acceptation de la mort : « Cette acceptation a été douloureuse pour moi, il est donc nécessaire que d’autres l’acceptent comme je l’ai acceptée. »

Ces deux mécanismes combinés (syndrome de Stockholm et effet d’engagement) peuvent mener à des réactions très violentes lorsqu’on parle d’extension de la durée de vie. Nous en faisons constamment l’expérience !

Nous invitons les personnes qui réagissent ainsi à prendre quelques instants pour réfléchir sur les causes de leur réaction : est-ce parce que la mort a une valeur réelle à leurs yeux ? Ou est-ce parce que l’on invente des vertus imaginaires à la mort pour ne plus en souffrir ? Ou est-ce pour perpétuer le plus vieux bizutage de l’humanité ?

 

Pour en savoir plus sur l’attitude psychologique face à la mort, voir notamment la Théorie de la gestion de la terreur (Terror Management Theory) sur Wikipédia et dans une lettre mensuelle de 2010 de l’association Heales « La mort de la mort ».

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Porte-parole et vice-président de l'Association Française Transhumaniste. Pour accéder à ma page perso (articles, chaîne YouTube, livre...), ou pour me contacter par e-mail, cliquez ici.