Une interprétation chrétienne du transhumanisme
Et si le transhumanisme n'était pas incompatible avec la religion chrétienne ?
Publié le 27 décembre 2015, par dans « transhumanisme »
Note : Le but de cet article n’est pas de promouvoir une approche mystique du transhumanisme, mais de montrer que l’on peut faire une lecture transhumaniste de la religion chrétienne.
Aujourd’hui, la position de nombre de chrétiens vis à vis du transhumanisme est la méfiance, voire l’hostilité. Une analyse du christianisme des origines permet pourtant de se rendre compte que le transhumanisme peut être considéré comme une possible émanation de la vision chrétienne de la Vie, de l’Univers et peut constituer une sorte d’aboutissement du christianisme.
La religion chrétienne postule que l’Homme est à l’image de Dieu.
Dans la Bible on peut lire “ Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre… “
La Nature a pour vocation d’être maîtrisée, domptée par l’ Homme.
La divinité de Jésus et les mystères de la Trinité peuvent sembler étranges pour un non croyant. Comment un Homme peut-il être considéré comme un Dieu ?
Cette notion, centrale dans le christianisme, est la source d’une ambition très importante : L’Homme doit devenir Dieu.
Saint Athanase d’Alexandrie, Père de l’Eglise selon les catholiques, écrit : « Dieu s’est fait homme afin que l’homme devienne dieu ».
L’ambition divine de l’Homme, déjà présente dans la Genèse, s’en trouve renforcée.
Cette ambition s’exprime dans la notion de Théosis, qui est le but ultime du christianisme. La Théosis est l’union de l’Humanité avec Dieu et la divinisation de la matière.
L’Humanité est donc amenée à se doter des attributs de Dieu : l’éternité, l’omniscience…
De nombreux alchimistes étaient de fervents chrétiens et voyaient dans la recherche de la pierre philosophale (l’immortalité) une quête mystique chrétienne.
Plus récemment, le courant du cosmisme russe, développé par le mystique Nikolai Fedorov (1828—1906) fixait pour but à l’Humanité et aux chrétiens la recherche du prolongement de la vie, de l’immortalité physique et de la résurrection des morts par des moyens scientifiques. Le disciple de Fedorov, Constantin Tsiolkovski (1857—1935) fut le père de l’astronautique russe.
Enfin, en France, le père jésuite Pierre Teilhard de Chardin, influencé par Bergson, développa une mystique chrétienne transhumaniste avec le concept de noosphère et de point oméga. Sa vision est celle de « L’Homme, non pas centre statique du Monde, – comme il s’est cru longtemps – mais axe et flèche de l’Évolution… ».
Teilhard exprime une vision profondément et explicitement transhumaniste. Ainsi dans son ouvrage “le Phénomène Humain”, il écrit :
“Jadis, les précurseurs de nos chimistes s’acharnaient à trouver la pierre philosophale. Aujourd’hui notre ambition a grandi. Non plus faire de l’or, — mais de la Vie !
Et qui donc oserait dire, à voir ce qui se passe depuis cinquante ans. que ce soit là un simple mirage ?… Par la connaissance des hormones, ne sommes-nous pas à la veille de mettre la main sur le développement de notre corps, — et du cerveau lui-même ? Par la découverte des gènes, n’allons-nous pas bientôt contrôler le mécanisme des hérédités organiques ? Et, par la synthèse imminente des albuminoïdes, n’allons-nous pas être capables, un jour, de provoquer ce que la Terre, laissée à elle-même, ne semble plus pouvoir opérer : une nouvelle vague d’organismes, — une Néo vie, artificiellement suscitée ? Au vrai, quelque immense et prolongé ait été, depuis les origines, le tâtonnement universel, bien des combinaisons possibles ont pu échapper au jeu des chances qu’il était réservé aux démarches calculées de l’Homme de faire apparaître. La Pensée perfectionnant artificieusement l’organe même de sa pensée. La Vie rebondissant en avant sous l’effet collectif de sa Réflexion… Oui ; le rêve dont se nourrit obscurément la Recherche humaine, c’est, au fond, de parvenir à maîtriser, par delà toutes affinités atomiques ou moléculaires, l’Énergie de fond dont toutes les autres énergies ne sont que les servantes : saisir, réunis tous ensemble, la barre du Monde, en mettant la main sur le Ressort même de l’Évolution.
A ceux qui ont le courage de s’avouer que leurs espérances vont jusque là, je dirai qu’ils sont les plus hommes des hommes, — et qu’il y a moins de différence qu’on ne pense entre Recherche et Adoration.”
On voit ainsi que l’horizon de l’ Homme selon le christianisme est l’infini et non le maintien dans une condition « finie ».
Le défi du christianisme aujourd’hui est de dépoussiérer la religion pour retrouver la foi. Il faut analyser ce qui dans la tradition relève des coutumes et autres comportements « sociaux », ce qui a été institutionnalisé (selon les pressions politiques du moment, par exemple lors des conciles), et la foi qui relève de la mystique et qui exprime notre conception de la Vie et de son sens, ainsi que la place de l’Homme dans l’univers.
Le christianisme a une ambition pour l’Humanité, la plus haute qui soit, celle de devenir Dieu. Cette ambition implique une responsabilité et un sens du devoir à la hauteur de son but. Il ne faut pas s’arrêter aux dogmes, aux apparences de la religion et essayer d’aller à l’essence même de la foi.
— Grégoire
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