Cybathlon 2016 : entre sport, handicap et transhumanisme

Le Cybathlon inaugure les premiers "JO de cyborgs". Une vitrine technologique pour l'aide au handicap, mais aussi la perspectives d'application futures plus larges. C'est par ailleurs une invitation à repenser nos catégories sportives.

Publié le 6 octobre 2016, par dans « transhumanisme »

Le samedi 8 octobre 2016 aura lieu le premier Cybathlon, à Zurich (Suisse).

Contrairement aux jeux paralympiques, qui ne font appel qu’à des prothèses non-motorisées, le Cybathlon fera appel à des prothèses motorisées, ainsi qu’à du contrôle par la pensée ou par impulsion électrique. A l’instar de la course de Formule 1, les athlètes seront récompensés au même titre que les équipes de recherche derrière leurs prothèses et équipements.

Il s’agit donc d’un champ de compétition entièrement nouveau. Pour se faire une idée plus précise, on y verra apparaître les disciplines suivantes. Chaque discipline est illustrée par une brève vidéo YouTube :

Le but premier de cet événement est de favoriser l’émancipation des personnes handicapées, en étendant le champ de leurs possibilités. Il fait également office de vitrine pour des technologies qui pourront aider les handicapés dans la vie de tous les jours, et stimule la compétition des entreprises et laboratoires de recherche dans ce domaine.

Mais le champ d’application de ces technologies va bien au-delà du handicap. Le contrôle par la pensée, notamment, ouvre des possibilités vertigineuses : on peut imaginer surfer sur internet, taper au clavier, conduire une voiture, jouer à des jeux vidéo, piloter une machine… tout cela par la simple pensée. Les prothèses et exosquelettes pourraient par ailleurs grandement faciliter les métiers physiquement éprouvants : pompier, porteur de charge, ouvrier de chantier…

Une fois de plus, la réparation permet de redonner de la liberté et de l’autonomie à des personnes handicapées. Mais elle permet également d’ouvrir de nouvelles voies d’augmentation qui pourraient bénéficier à la société dans son ensemble.

 

Marc Roux, président de l’Association Française Transhumaniste, s’exprime à ce sujet :

 

« Le sport bionique illustre à merveille l’idée selon laquelle nos catégories sportives sont – comme toutes catégories – le résultat de l’arbitraire. La comparaison sportive ne peut se faire qu’à l’intérieur d’un cadre arbitrairement prédéterminé, et c’est en référence à ce cadre seul que l’on peut parler de triche, de respect ou non respect des règles. Le dopage d’une discipline n’est pas celui d’une autre.

De même, tout sport a son environnement technique et médical. Il pourrait bien un jour être envisagé de distribuer une médaille au sportif et une autre à son médecin, de la même manière qu’on remet une coupe au meilleur pilote de F1 et une autre au constructeur de sa voiture. C’est ce qui sera fait dans le cadre du Cybathlon 2016, à raison.

L’idéal olympique de Pierre de Coubertin, celui dans lequel seul l’effort et l’entraînement devaient permettre d’aller toujours plus vite, plus loin, plus fort, a toujours péché par son refus des réalités. Les humains sont rarement sur un pied d’égalité en terme de capacités sportives, que ce soit par leur naissance ou par leur environnement culturel et économique. Par conséquent, les catégories sportives sont toujours délimitées de manière artificielle pour permettre une comparaison à peu près équitable. Elles n’ont rien de naturelles. Ces dernières années, avec les cas comme celui de Casper Semenya, même la distinction homme-femme se révèle pour ce qu’elle est : une construction en grande partie culturelle.

D’autre part, de l’olympisme grec antique à nos jours, les pratiques sportives ont toujours été accompagnées de méthodes techniques, médicales ou nutritionnelles ayant pour but de donner un avantage à ceux qui s’en servaient, sans se contenter d’efforts et d’entraînement. Jadis, les lutteurs enduisaient leur peau d’huile afin d’être plus difficiles à saisir par leur adversaire. Quant à Spyridon Louis, le premier vainqueur grec du marathon moderne de 1896, porteur d’eau de la région Attique, il reste fortement soupçonné d’avoir emprunté un raccourci. Fi des équipes médicales et des armées de coaches : on a les formules dopantes qu’on peut !

Par ailleurs, d’un point de vue transhumaniste, le Cybathlon est bien plus qu’une opération permettant de promouvoir les technologies utiles aux personnes souffrant de handicaps (et il ne s’en cache pas). Il marquera peut-être dans le sport ce moment où nous assumons collectivement notre dimension anthropo-technique. Autrement dit, nous prenons conscience que nos technologies, nos techniques, notre médecine, notre diététique et notre « nature » humaine ne font qu’un.

Appliquée au sport, cela revient à dire que la fusion humain-machine, comme la fusion humain-ordinateur, pourra donner naissance à une profusion de nouvelles pratiques, toujours renouvelée. À chaque fois, nous définirons au mieux des catégories et nous proposerons des comparaisons de performances entre des individus faisant valoir leurs mérites propres dans le cadre de règles communément admises.

Au fond, les véritables valeurs d’origine de l’olympisme pourraient s’en trouver revivifiées. En effet, leur but principal n’était pas la glorification de la performance ni celle d’un corps idéalisé mais, une fois tous les quatre ans, d’amener la paix aux cités grecques et de rappeler à tous leur communauté de destin. »

 

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