Diagnostics préimplantatoire et prénatal – Etats Généraux de la Bioéthique
Peut-on décider que la vie humaine ne vaut la peine d'être vécue que si l'on est en bonne santé ?
Publié le 9 juin 2009, par dans « Homme augmenté • Question sociale • Risques • transhumanisme »
Cela demande de définir ce que signifie « en bonne santé », le qualificatif « bonne » étant éminemment subjectif.
L’Association Française Transhumaniste considère qu’on peut laisser se développer tout embryon, sauf à prendre en compte les facteurs sociaux comme la souffrance des familles. Mais on peut aussi chercher à « améliorer » les individus à naître dans l’objectif, par exemple, de donner plus de chance de survie à long terme à l’espèce humaine. Le choix, en définitive, doit d’abord revenir à la famille (aux parents).
Car il ne s’agit pas de décider qui doit naître (un fœtus n’est pas une personne) mais bien d’éviter à ses futurs enfants des difficultés qui peuvent être évitées. Il ne s’agit pas d’agir sur des personnes vivantes en jugeant leur vie, mais bien de faciliter la vie aux générations futures.
Qui cherche-t-on véritablement à protéger de la souffrance : l’enfant ou ses parents ?
Il semble difficile de préjuger de la souffrance d’un individu à venir. On peut concevoir à l’avance des difficultés d’intégration, mais la construction de l’identité d’une personne dans la différence ne paraît pas être un critère suffisant de discrimination.
Par contre, la souffrance de la famille est aisément imaginable et ce facteur est suffisant pour prendre la décision de choisir de faire naître un individu plus sain.
Se pose de plus la question de la responsabilité de non-action. Quand le choix est possible, ne pas choisir/agir est aussi un choix avec la responsabilité qui en découle.
Les Parents ne « nuisent » pas à leurs enfants en les mettant au monde avec des handicaps. Tant qu’un enfant à une chance d’avoir une vie riche et belle c’est une bonne chose de l’avoir mis au monde. Mais si quelqu’un avait pu rendre sa vie plus facile, sinon meilleure, et ne l’a délibérément pas fait, comment appeler cela ?
Si l’on refuse la naissance d’enfants atteints de graves maladies, quelle place accorder aux personnes handicapées par exemple ?
Il y a une nette différence entre le refus de voir arriver quelque chose, ou quelqu’un, qui n’existe pas encore et le refus de voir vivre un individu déjà existant. C’est à notre avis une différence essentielle. Le critère valable de discrimination est la Conscience (dans son sens de conscience de soi). Le second est considéré comme conscient, soit a été conscient, soit est supposé pouvoir donner un jour des signes de conscience. Dans tous ces cas, le rapport à la Conscience établit l’individu comme personne sujet de droit. Ce n’est pas le cas de l’embryon, ni du fœtus.
Nous considérons que tout le monde a la même valeur, handicapé ou non. Réparer des jambes cassées n’est pas une attaque contre les personnes en chaise roulante. Si choisir de mettre au monde un enfant sans maladie est une atteinte contre les gens handicapées, pourquoi tente-t-on de guérir ces handicaps ?
Essayer de guérir un handicap quand on le peut n’est pas préférer les non handicapés aux handicapés en tant que personnes.
Cette démarche résulte uniquement de la volonté d’améliorer les conditions de vie des gens. Elle ne résulte pas d’un dégoût envers les personnes qui ont ces handicaps mais bien de la conviction qu’un handicap complique la vie.
Jusqu’où le rejet de la maladie va-t-il aller dans la sélection des êtres humains ?
Selon les prémisses avancées, pour les parents qui en feraient la demande, la sélection des êtres humains relève d’abord du libre choix individuel. Du point de vue de la femme (jusqu’à ce jour), cela relève même du droit à disposer librement de son corps.
Cette liberté ne peut à notre avis être limitée que par deux choses :
- le respect de la dignité humaine/des êtres conscients*
- le respect des chances de survie de l’espèce, voire de la Conscience humaine*
*dignité humaine/des êtres conscients : notion délicate à définir car fluctuante, subjective.
*le respect de la pérennisation de la Conscience humaine implique par exemple d’empêcher qu’une pratique systématiquement eugéniste débouche sur un appauvrissement tel du patrimoine génétique humain qu’il mettrait en danger l’existence de l’espèce.
Il s’agit à notre avis de ce qui fait qu’un humain est considéré comme humain par sa communauté. Cette notion devra être élargie à l’ensemble des êtres considérés comme conscients.
En pratique, cela implique la liberté de l’individu, sa reconnaissance comme personne et non comme chose (il ne peut pas être vendu et acheté), la reconnaissance de ses droits dans les principes d’Égalité et de Fraternité (il ne peut pas être mis à mort comme un animal, ni être condamné au travail, ni être abandonné à la maladie, à la souffrance, à la faim, voire au désespoir par la communauté).
Ceci interdit donc de sélectionner des embryons pour en faire des êtres indignes de l’humanité.
Mais l’on peut signaler que nous sommes très loin d’un tel risque. D’autre part, l’intervention génétique pourrait tout aussi bien garantir la diversité et la richesse du patrimoine.
Le risque de dérive eugénique fait peur.
Au lieu de ressasser ce réflexe irrationnel, il nous semble temps d’affirmer, ou plutôt de réaffirmer (car c’était déjà le premier message des humanistes de la Renaissance) que l’humain est à présent maître de sa destinée en tant qu’espèce.
Il nous faut assumer notre capacité à orienter notre évolution, et nous demander : « améliorer » l’espèce, pour quoi ? puis en quoi ?
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