Cellules souches d’embryon humain : pourquoi faut-il en permettre la recherche ?

Dans le cadre de sa campagne pour le premier tour des élections, l'actuel président de la République, M. François Hollande avait fait une déclaration qui intéresse le transhumanisme.

Publié le 18 août 2012, par dans « Question sociale »

Il a en effet annoncé que, une fois élu, il proposerait de faciliter la recherche sur les cellules souches embryonnaires, sous entendu : humaine (CSEh) (L’Express, 22/02/2012).

Cette annonce venait rappeler, judicieusement selon nous, que la France, par la voie de la représentation parlementaire, avait choisi en 2011 de maintenir l’interdiction formelle de toute recherche sur les CSEh (à l’exception de très rares dérogations). C’était une situation que le transhumanisme ne pouvait que dénoncer. Récemment, le Sénat vient de voter en faveur de la légalisation de ces recherches (voir par exemple cet article).

Intérêt de la recherche sur les CSEh

En effet, les CSEh de premières générations sont les seules à avoir démontré, à ce jour, des qualités de cellules totipotentes, c’est-à-dire susceptible de se différencier en n’importe quelles autres cellules de notre organisme, ce qui leur donne des capacités de régénérations uniques. Dans un premier temps, l’intérêt de l’usage ces cellules dans un but thérapeutique ou de médecine régénérative paraît évident, mais à plus long terme, la compréhension des mécanismes qui régissent leurs capacités pourrait déboucher sur des perspectives entrant dans la logique transhumaniste de dépassement de notre condition physiologique. Pouvons-nous imaginer, par exemple, de nous doter d’une capacité à régénérer nos membres analogue à celle d’amphibien comme la salamandre … ?

Les arguments des opposants ne sont pas rationnellement recevables

Au passage, notons que l’argument souvent donné par les opposants à la recherche sur les CSEh est qu’il serait possible d’obtenir des résultats équivalents avec des cellules souches adultes (prélevées dans la moelle osseuse ou ailleurs -> Voir cette thérapie récente de paraplégie chez le chien), voire avec des cellules souches de sang de cordon ombilical. Mais outre le fait que certaines recherches récentes contredisent pour l’instant ces prétentions, cette argumentation omet en général de préciser l’origine de la volonté de la majorité de ses défenseurs. Car pourquoi vouloir à tout prix interdire ces recherches ? C’est que, bien souvent, au-delà d’une préoccupation éthique, se trouve, plus ou moins assumée, une pensée religieuse.

Deux motivations sont en général à l’œuvre, mais ni l’une ni l’autre ne me paraissent rationnellement recevables.

La plus valable des deux est, à mon avis, celle qui se préoccupe du risque de marchandisation du corps ou des parties du corps humain. Cette dérive là existe dès aujourd’hui et aboutit aux horreurs du trafic d’organes (http://www.lematin.ch/high-tech/Un-lyceen-chinois-vend-un-rein-pour-s-acheter-un-iPhone/story/29140961 ). Mais l’interdiction de la recherche sur les CSEh ne change absolument rien à ce problème et ses solutions se trouvent ailleurs : lutte contre les trafics, défense du principe de la gratuité des dons, développement de la culture d’organe à partir de ses propres cellules (Médecine régénérative) … Comme le précisait l’ex-candidat, il est possible d’encadrer strictement la recherche de manière à se rapprocher des espoirs qu’elle permet légitimement de nourrir, tout en limitant les dérives à de rares exceptions.

Mais le fond, avoué ou non, de ceux qui s’opposent, parfois avec acharnement à la recherche sur les cellules souches embryonnaires d’origine humaine est un argument de nature métaphysique, une pensée d’essence religieuse.

Tout est lié au fait qu’ils considèrent que nous avons affaire à un individu humain, d’une personne « digne de droit », et surtout du droit à la « Vie », dès l’instant de la fécondation. Or, cette vie est considérée comme sacrée. Œuvre de dieu, attenter à son existence devient un péché (voir encore cette année ce débat sur Newsring).

Sacraliser la conscience plus que le vivant ?

Du point de vue rationaliste et matérialiste qui est celui des transhumanistes techno-progressistes de l’AFT, un tel argument n’est évidemment pas recevable.

D’une part parce que l’ovocyte fécondé ne rentre pas dans les critères de ce que la raison issue de l’humaniste des lumières défini comme une « personne digne de droit ». Il n’est pas autonome. Il est incapable d’émotions, de sentiments, de sensations même, ne parlons pas d’interactions sociales. De fait, il est entièrement une partie de la seule personne digne de droit qui existe en cette affaire : la femme enceinte.

D’autre part parce que nous mettons en question la pertinence de tenir pour « sacré » tout ce qui relève de la « Vie » humaine. S’il y avait à faire porter le poids du sacré sur quelque chose, disons dans une acception non religieuse si cela peut être, je considère pour ma part que cela pourrait concerner la conscience, ou la pensée. Et encore, de manière temporaire, pour autant que nous constatons que c’est ce qui nous permet de donner un sens à nos existences.

Évidemment, une telle conception n’entraverait nullement la recherche sur les CSEh. Au contraire, elle permettrait de l’encourager.

Porte-parole de l’Association Française Transhumaniste : Technoprog, chercheur affilié à l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (IEET). En savoir plus