Et si on arrêtait de dormir ? (épisode 2)
Quelques techniques transhumanistes pour dormir mieux, moins, ou simplement comprendre les mécanismes du sommeil.
Publié le 24 novembre 2021, par dans « transhumanisme »
Selon l’Inserm, 13% des 25-45 ans considèrent que dormir est une perte de temps, et j’en fais partie. Jugeant l’(in)activité de sommeil peu productive, j’évoquais dans un précédent article, l’hypothèse d’une existence sans dormir. Rester éveillé tout au long de notre vie nous ferait “gagner” environ ⅓ de notre existence. Ne serait-ce pas un moyen d’augmenter notre longévité ? Alors, une vie sans jamais ressentir ce besoin vital de sommeil, ça vous tente ?
Et bien, malheureusement la solution n’existe pas encore. Comme nous l’avons constaté dans le précédent article, l’action de dormir nous est indispensable pour “nettoyer” notre cerveau mais joue également un rôle sur notre mémoire, apprentissage, métabolisme, immunité…
Néanmoins, voici quelques outils et méthodes connus à ce jour qui permettraient de tendre vers un sommeil réduit.
Le sommeil polyphasique (cf. Et si on arrêtait de dormir)
Le sommeil polyphasique n’est plus à présenter. Pour rappel, l’idée est de fractionner son sommeil dans l’optique de le réduire. Théoriquement, cela semble idéal et parfait mais la réalité est tout autre.
En effet, toutes les personnes ayant tenté l’expérience sont finalement revenues à leur sommeil monophasique (ou biphasique s’ils pratiquent une sieste régulièrement). Explications :
Cette méthode n’est pas viable sur le long terme. D’une part, la dette de sommeil s’accumule au fil des jours et ce qui semblait être la solution parfaite pour vivre plus longtemps devient très vite intenable pour l’être humain. D’autre part, bien que cela puisse être remodelé, notre société actuelle ne s’organise pas de façon à laisser le temps libre aux siestes répétitives la journée (activités communes, horaires de travail, etc…)
Le sommeil polyphasique est donc un bon moyen de réduire drastiquement sa durée d’inactivité, à condition de vivre sur une autre planète.
La caféine
Nombreuses sont les personnes qui ne peuvent démarrer la journée sans leur tasse (ou bol ?) de café au réveil.
La caféine contenue dans ces boissons est la substance psychotrope la plus répandue au monde : en 2018, 83% des français consomment du café.
Boisson de convivialité, cette substance est essentiellement connue pour ses propriétés éveillantes qui se manifestent par un blocage des récepteurs de l’adénosine, neurotransmetteur inhibiteur. A noter que l’on retrouve également la caféine dans le thé, le chocolat ou encore le cola :
Type de boisson | Quantité | Quantité de caféine | Dose de caféine maximale recommandée par jour |
Café | 1 tasse | 100-150 mg | 400 mg |
Café décaféiné | 1 tasse | 1-5 mg | |
Thé | 1 tasse | 60-70 mg | |
Cola | 1 boîte | 40-50 mg |
Une fois ingérée, la caféine met 5 minutes pour parvenir au système nerveux, entraînant un effet positif sur l’humeur et retardant la fatigue. Elle joue également un rôle sur l’accomplissement des tâches cognitives simples (accroissement de la vigilance, des réflexes) et les tâches physiques qui demandent de l’endurance.
Pour ce qui est de son élimination, sa demi-vie est de 4 à 6 heures (3h30 chez le fumeur). Elle est accrue dans les affections hépatiques et en cas d’utilisation des contraceptifs oraux.
Nous pourrions alors supposer que prendre une grande dose de caféine avant de dormir nous permettrait d’étendre notre éveil et indirectement notre durée de vie.
C’est vrai, l’ingestion de caféine 30 à 60 minutes avant l’endormissement raccourcit notre durée de sommeil. En contrepartie, un excès de caféine peut aussi provoquer des maux de tête, ou d’estomac, de la nervosité ou encore une accélération du rythme cardiaque. Vous vous êtes sûrement déjà senti stressé ou énervé après un trop plein de caféine.
En conclusion, bien que cette substance joue un rôle sur l’endormissement, les effets que cela peut provoquer à forte dose ne sont pas sans danger.
A noter également que d’autres substances ont des effets similaires, c’est le cas par exemple de la nicotine, des amphétamines, de l’ecstasy ou encore de la cocaïne.
Les psychostimulants
Les amphétamines étaient utilisées pour rester éveillé et avoir plus d’énergie. Les principaux consommateurs étaient les chauffeurs de camion, les étudiants mais aussi les athlètes. Les soldats consommaient aussi cette substance pour accroître leur endurance lors des combats.
Les amphétamines réduisent certes la fatigue mais tout comme les autres substances, l’impact négatif sur la santé est bien présent : troubles physiques et mentaux, le coma voire la mort.
L’idée étant d’allonger la durée de vie, la réduire en prenant de telles substances ne semble donc pas une très bonne idée…
Pilule anti-sommeil
On connaît les médicaments favorisant l’endormissement, notamment les somnifères. Sachez qu’aujourd’hui, il existe bien une pilule pour contrer le sommeil : il s’agit du Modafinil plus exactement. (Modiodal® en France)
Ce comprimé, commercialisé en 2013, est en réalité destiné aux patients souffrant de narcolepsie, un trouble du sommeil caractérisé par un sommeil nocturne de durée normale mais de qualité médiocre, une somnolence diurne excessive et des endormissements irrépressibles qui peuvent survenir à tout moment de la journée, même en pleine activité.
Naturellement, son usage est donc très réglementé. Il n’est délivré que sur prescription restreinte, établie par un médecin neurologue dans un premier temps.
Mais l’on peut facilement imaginer un usage détourné de ce comprimé (comme cela a pu être le cas dans l’armée française) et qui se transformerait alors en produit dopant. D’ailleurs, ce médicament contient une substance susceptible de rendre positifs certains tests antidopages. A court terme, l’usage de Modafinil ne semble pas avoir d’effets néfastes sur la santé. Une dépendance peut toutefois s’installer en cas d’utilisation à long terme. Aujourd’hui, l’armée française a opté pour une autre molécule : la caféine à longue durée d’action (LP) sous la forme d’un comprimé de 300 mg
En sommes, ce comprimé semble donc une meilleure option, occasionnellement, que les amphétamines. Mais ce n’est pas non plus la solution parfaite. En fait, le remède idéal n’existe pas, ou pas encore.
L’importance du sommeil
Chaque être humain a ce besoin vital de dormir en moyenne durant 7 heures pour une récupération optimale. Pourtant, depuis plusieurs années on observe une réduction du temps de sommeil moyen chez les français. En effet, 36% d’entre-eux dorment moins de 6 heures (en moyenne, les Français de 18 à 75 ans dorment 6h45 par nuit – étude Santé Publique France) ce qui a pour conséquence de favoriser le risque de diabète de type 2, l’obésité, ou encore l’hypertension.
Un manque de sommeil réduit également la vigilance dans la journée et augmente l’irritabilité.
Au final, la solution pour vivre plus longtemps en agissant sur le sommeil, résiderait peut-être dans le simple fait de garantir à notre corps un sommeil réparateur en termes de qualité et de quantité. Mais comment ?
Les cycles du sommeil
Le sommeil correspond à une succession de 3 à 6 cycles, de 60 à 120 minutes chacun. Un cycle consiste dans une alternance de sommeil lent et de sommeil paradoxal. Chacun correspond à une activité cérébrale différente
Chaque stade du sommeil a son rôle à jouer, mais le moment clé de notre nuit se déroule lors du sommeil lent profond (SLP). Pour l’atteindre, notre cerveau passe d’abord par une transition éveil-sommeil (stade 1), puis un sommeil lent léger (stade 2)
Le sommeil lent profond (SLP) est la période la plus réparatrice pour l’organisme. Pourtant elle ne représente que 16 à 20% du temps de sommeil d’après le graphique. Durant ce stade, l’activité cérébrale ralentit, permettant une sorte de remise à zéro. Alors pour améliorer la qualité de son sommeil et indirectement sa santé et donc sa longévité, la clé résiderait dans un SLP de qualité.
Sommeil et hygiène de vie
Afin de favoriser un SLP de qualité, il est recommandé de pratiquer une activité physique régulière. Mais pour être réellement efficace, plusieurs déterminants sont présents :
- celle-ci doit être une activité d’endurance (course, natation, vélo, marche à pied),
- la fréquence doit être au minium de 3 à 4 fois par semaine,
- l’activité doit être pratiquée en fin d’après-midi avant 19 heures.
D’autres recommandations pour un sommeil de qualité sont données par l’Institut National du Sommeil et de la Vigilance (INSV). Par exemple :
- Horaires de sommeil réguliers
- Courte sieste en début d’après-midi (20 minutes maximum)
- Eviter les excitants après 16 heures
- Eviter l’alcool et le tabac le soir
Une autre technologie, récente, permet d’influer sur son SLP : il s’agit du bandeau Dreem
Le bandeau Dreem
Dans une étude menée en laboratoire sur 13 adultes de plus de 60 ans, les scientifiques montrent qu’émettre un mix équilibré de sons de haute et basses fréquences (appelé bruit rose) pendant le SLP, permet d’amplifier les ondes émises par notre cerveau à ce moment-là.
Ainsi, c’est ce que propose le casque Dreem : émettre un son (conduction osseuse) pour améliorer le SLP, entre autres. Ce dispositif se présente sous la forme d’un bandeau flexible et élastique. Il s’installe sur la tête, au moment du coucher, après l’avoir connecté à l’application dédiée.
Durant la nuit, des capteurs vont analyser le sommeil en mesurer l’activité cérébrale, la fréquence cardiaque et respiratoire.
Résultats
Après 7 nuits d’analyse, 3 programmes sont proposés à l’utilisateur :
- Regain de sommeil
- Thérapie cognitivo-comportementale
- Rituels
Des exercices sont également proposés permettant :
- d’améliorer la phase d’endormissement par le biais du casque qui envoie des sons,
- d’approfondir la phase de SLP grâce à des sons envoyés par le bandeau
- de bénéficier d’un réveil progressif au moment le plus opportun selon votre souhait
Enfin, des conseils sont également donnés pour la journée.
Des mises à jour régulières permettent d’augmenter la précision de calcul des algorithmes. De plus, le dispositif est également utilisé lors d’essais cliniques en lien avec le sommeil
Le premier essai clinique a eu lieu sur 20 dormeurs. Ils ont passé plusieurs nuits chez eux, équipés à la fois du bandeau et d’un système d’enregistrement médical (polysomnographie) miniaturisé.
En phase de SLP, le bandeau a envoyé (ou non) des sons de « bruit rose ».
Les résultats démontrent que le bandeau a détecté la phase de SLP avec une sensibilité de 70% et une spécificité de 90% (par comparaison avec la polysomnographie). Les sons ont augmenté de 43,9% l’amplitude et la fréquence des ondes lentes chez le dormeur.
Conclusion
En conclusion, comme nous avons pu le voir, le sommeil est crucial pour de nombreuses fonctions biologiques. Il est déterminant pour la croissance, la maturation cérébrale, le développement et la préservation de nos capacités cognitives. Il est essentiel pour l’ajustement de nombreuses sécrétions hormonales et pour le maintien de notre température interne. Et nous savons aujourd’hui que la réduction du temps de sommeil ou l’altération de sa qualité favorisent la prise de poids et l’obésité. Alors plutôt que d’utiliser des moyens pour l’empêcher, il semble préférable de se pencher sur des techniques permettant d’en améliorer sa qualité et sa quantité.
Et qui sait, peut-être qu’à terme un sommeil d’excellente qualité nous permettrait d’en réduire la quantité ?
Encore une fois, bonne nuit !
Auteure de l’article :
Fanny Hermez, membre de l’association.
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