Extension du domaine du choix

Un sujet à la périphérie du technoprogressisme.

Publié le 19 octobre 2017, par dans « transhumanisme »

Quand ma fille était enfant, ma tante s’étonnait de la voir ouvrir le frigo et choisir son yaourt, fraise, banane ou chocolat. Il lui est arrivé de s’impatienter –le choix pouvait prendre un certain temps, les frigories s’échappaient- me disait qu’à cet âge ses enfants avaient le yaourt qu’on leur donnait, et qu’ils le mangeaient, voilà.

Ma fille a grandi. Dans sa classe de terminale, deux de ses camarades sont transgenre. Beaucoup de personnes ont en réalité une identité de genre indéterminée ou peu déterminée (qui se sentent-ils ?) mais aussi une orientation sexuelle beaucoup moins simple qu’hétérosexuel-le, homosexuel-le ou même bisexuel-le. Ils n’en sont simplement pas ou peu conscients parce qu’on ne leur a jamais ouvert la porte du frigo en leur disant qu’ils avaient le choix. Ils sont plus ou moins à l’étroit dans leur vie, ils sous-existent, jusqu’au moment où les coutures craquent et qu’il leur faut bien reconnaître qui ils sont et ce qu’il leur faut, mais plus tard ou bien trop tard.

Doit-on le préciser, il ne s’agit pas d’androgynie ou d’indifférenciation. Au contraire, en affinant l’identité de genre on s’éloigne de l’indifférenciation : tous différents, vraiment différents. Et, un bienfait n’arrivant jamais seul, plus de différence ouvre la voie à l’égalité (il est moins facile de désigner des marginaux quand personne ne se ressemble).

Nos sociétés sont normatives, c’est un lieu commun. On parle moins de la normativité de certains professionnels de la santé mentale. Considérer les moeurs de leur époque et de leur lieu de vie avec la distance nécessaire pour distinguer correctement la notion d’humain et celle d’adaptation à la société fait rarement partie de leurs compétences.

Je suis convaincue que l’espèce humaine, malgré des reculs occasionnels, évolue positivement. Entre autres, nous évoluons vers un humain moins normé. Lentement mais sûrement. Mais trop lentement. C’est un des éléments qui justifient le transhumanisme- cette lenteur tragique de notre évolution : science et technologie bien comprises peuvent nous permettre d’aller plus vite (et non trop vite).

On reproche parfois au transhumanisme de viser la fabrication de cyborgs ou de clones parfaits. A l’opposé de ce vieux cliché, science et technologie peuvent et doivent continuer à élargir le champ des possibilités en intervenant avec plus de facilité et de sécurité sur nos corps et/ou sur nos cerveaux pour devenir ce que nous voulons être. Et même si on ne se transforme pas, le seul accès à cette possibilité nous changera car il sera, en temps utile, une porte ouverte.

VS

Pour tous ceux qui sous-existent, et ils sont bien plus nombreux qu’ils le croient.

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