La mort de la mort. Lettre de décembre 2014. Numéro 69.

Nous publions la lettre mensuelle de Heales (Healthy Life extension Society). Celle de décembre 2014 parle des "lois" de la longévité et du vieillissement.

Publié le 26 décembre 2014, par dans « transhumanisme »

jardindesdelicesdetailOn se pourrait exempter d’une infinité de maladies, tant du corps que de l’esprit, et même aussi peut-être de l’affaiblissement de la vieillesse, si on avait assez de connaissance de leurs causes, et de tous les remèdes dont la nature nous a pourvus. Descartes. Discours de la méthode 1637.


Thème du mois: Les « lois » de la longévité et du vieillissement


Nous avons tous entendu l’expression « les lois de la nature ». Nous avons tous également entendu annoncer des « règles » plus spécifiques, telles les lois de Newton ou la loi de Moore.

Dans l’acception courante, l’expression « loi de la nature » désigne un phénomène physique, phénomène qui peut être précis et sans exception (loi de la gravitation universelle) ou désigner une évolution générale (loi de l’hérédité). Dans le domaine de la biologie, comme dans tous les domaines des explications des phénomènes naturels, certains estiment que les « lois » de la nature sont des obligations pour les êtres humains. Parfois, les obligations sont supposées fixées par une puissance divine, parfois elles sont censées être purement et simplement « naturelles », légitimes de par leur existence immémoriale, avérée ou supposée.

En réalité, les femmes et les hommes, de tous temps ont cherché à dépasser les lois de la nature, créant progressivement des situations autres, voire contraires à ce qui a toujours existé, pour permettre souvent -mais pas toujours- plus de bonheur et de bien-être. Le rêve d’Icare peut mener à l’envol, mais il n’est pas sans risque de chute.

La présente lettre n’abordera ci-dessous les « lois » de la longévité que dans l’optique de phénomènes réguliers observables dans la nature ou dans nos sociétés.

Lois de la longévité pour les espèces animales en général

La sénescence concerne toutes les espèces animales ou presque toutes (en ce qui concerne les éventuelles exceptions, voir la lettre de 2011 « Les êtres vivants sans vieillissement »). La durée de vie habituelle d’un individu qui échappe à la prédation et aux maladies, varie de quelques jours à quelques siècles. Trois règles globales agissant sur la longévité peuvent être observées:

  • Le niveau de prédation
  • La taille
  • La rapidité du métabolisme

Ces trois règles se combinent et aucune règle n’est absolue. De manière générale, les trois éléments cités sont de bons déterminants de la durée de vie. Les baleines et les rorquals sont des animaux de très grande taille, sans prédateurs à l’âge adulte et avec un métabolisme lent. Ce sont les animaux à la durée de vie la plus longue parmi les mammifères. Les musaraignes sont des animaux de très petite taille, avec de nombreux prédateurs et un métabolisme très rapide. Ils ont la durée de vie probablement la plus courte parmi les mammifères.

Certains avaient traduit la règle relative au métabolisme en calculant le nombre de battements du cœur au cours d’une vie. Un animal, en tout cas un mammifère, aurait environ un milliard de pulsations cardiaques avant de s’éteindre. En fait, des animaux de petite taille à longévité importante, comme certaines chauves-souris ou certains écureuils ont un rythme cardiaque assez élevé et donc un total de pulsations nettement supérieur.

C’est probablement le niveau de prédation et les autres facteurs de mortalité qui sont les éléments qui peuvent influencer le plus rapidement, par la sélection naturelle, la durée de vie d’une espèce, même lorsque les individus sont soustraits aux facteurs de mortalité. Ainsi, il existe des espèces de poissons et de reptiles vivant dans des environnements qui ne permettent pas la survie au cours de l’année entière. Durant la saison sèche, tous les individus meurent, soit par assèchement des mares dans lesquels ils vivent, soit par épuisement de la nourriture. Lorsque des animaux de ces espèces sont maintenus en captivité dans des conditions matérielles permettant la survie, ils mourront tout de même de sénescence accélérée. Ce sont donc les particularités génétiques de ces espèces de poissons (certaines espèces de « killies ») et de reptiles (un caméléon appelé Furcifer labordi) qui provoquent la mort accélérée. La sélection naturelle a « abandonné » ce qui permet l’entretien du corps, un peu comme elle a « abandonné » la vision pour des animaux cavernicoles ou la possibilité de voler pour le célèbre dodo de l’île Maurice, aujourd’hui disparu.

C’est probablement également le niveau de prédation qui explique que les animaux qui  ont la plus grande durée de vie connue soient des mollusques, protégés par leur coquille. Un quahog nordique, péché dans les eaux de l’Islande, a vécu 500 ans. Mais la longévité des mollusques, comme de nombreuses autres espèces qui ne peuvent que peu réguler leur température interne, varie également selon la chaleur de l’environnement et, par conséquent, selon la rapidité du métabolisme.

Le facteur favorable de la taille ne semble pas être d’une influence positive considérable pour les individus d’une espèce donnée. Pour certaines espèces, cela semble même le contraire (chiens, chevaux), mais il s’agit d’animaux pour lesquels la sélection génétique est fortement déterminée par l’homme. La lenteur du métabolisme, pour les individus d’une espèce donnée, a par contre probablement une influence globalement positive, en tout cas pour les animaux poïkilothermes (« à sang froid »).

Une autre loi avait également été assez fréquemment postulée, celle du rapport inverse entre le nombre de descendants et la longévité. Il y aurait une sorte de « quantité » d’énergie disponible chez un individu pour vivre et pour générer des descendants, la quantité de l’un influençant négativement sur la quantité de l’autre. En fait, la sélection naturelle élimine les espèces qui ont une vie courte et peu de descendance, mais beaucoup d’espèces ont une descendance abondante et une vie longue, par exemple les mollusques déjà cités, les fourmis et d’autres insectes sociaux.

Lois de la longévité pour les humains

La première règle concerne les êtres humains et aussi d’autres espèces animales. Il s’agit de la loi de Gompertz-Makeham, une mesure de la probabilité de décès selon l’âge. Le nombre de décès d’individus d’une espèce donnée augmente de manière exponentielle avec l’âge. Il double à intervalles réguliers.

Pour les femmes et les hommes, ce doublement se produit environ tous les 8 ans. Autrement dit, une personne de 68 ans a deux fois plus de risque de décéder qu’une personne de 60 ans.

Cette règle est utile pour les personnes qui calculent les multiples éléments économiques influencés par la durée moyenne de vie, des primes d’assurance au financement de la sécurité sociale en passant par les perspectives démographiques. La règle est aussi et surtout utile parce qu’elle s’applique également à d’autres espèces animales, notamment les souris, mais dans ce cas avec une période de doublement de mortalité nettement plus courte. En connaissant les tables de mortalité de ces rongeurs, il est possible d’évaluer l’efficacité d’une thérapie pour lutter contre le vieillissement en examinant les courbes de décès avec ou sans cette thérapie, sans devoir attendre la fin de vie des animaux les plus âgés pour mesurer les premiers résultats.

Il semble que la loi de Gompertz-Makeham soit même partiellement indépendante des progrès de la médecine. Lorsque l’espérance de vie croît, les courbes de la mortalité obéissent globalement aux mêmes logiques qu’auparavant, mais à partir d’un âge plus élevé.

Depuis plus d’un siècle, et ceci est spécifique à l’espèce humaine, l’espérance de vie progresse. Il peut exister des années comportant moins de progression et d’autres avec une plus forte progression, mais, en tout cas dans les pays de l’Union européenne, la croissance est tellement régulière sur le moyen terme que l’on peut y voir une sorte de loi liée à un ensemble de progressions économiques, technologiques, médicales et  d’hygiène. Les périodes de crise, comme dans les années 70 ou durant ces dernières années n’interrompent pas cette évolution. La durée de vie continue de croître de 2 à 3 mois par année.

Cette évolution ne se produit cependant pas partout dans le monde. Ainsi, dans certains pays de l’Europe orientale et d’Afrique subsaharienne, l’espérance de vie a diminué à la fin du 20ème siècle tandis que dans des pays du Sud, plus nombreux, l’espérance de vie croit plus rapidement ces dernières décennies qu’auparavant et qu’en Europe.

Le meilleur déterminant de l’espérance de vie dans un pays donné est donc, de très loin, la date de la naissance. Mieux vaut naitre aujourd’hui qu’il y a dix ans et, sauf bouleversement négatif, mieux vaudra naître dans dix ans qu’aujourd’hui.

Il y a enfin deux autres éléments qui exercent une influence importante sur la longévité et qu’il est difficile à un citoyen ordinaire de modifier:

  • Le sexe: les femmes vivent plus longtemps que les hommes.
  • Le revenu et le niveau d’instruction: les personnes aisées et les personnes ayant fait des études plus longues vivent plus longtemps. Selon l’INSEE, durant les années 1990, l’espérance de vie à 35 ans des femmes cadres dépassait de 3 ans celle des ouvrières, et l’espérance de vie des hommes cadres dépassait de 7 ans celle des ouvriers.

Pour conclure cette lettre, il reste à vous signaler, lecteur de ces lignes, que vous pouvez appliquer des dizaines de « lois » pour augmenter vos chances de vivre plus longtemps: vous abstenir de fumer, de manger trop ou beaucoup trop peu, de boire trop d’alcool, faire de l’exercice, être heureux, avoir une vie sociale riche dans un environnement varié, en évitant les sources de pollution…

Vous pouvez également tenter de favoriser les recherches médicales qui permettront demain une vie en bonne santé beaucoup plus longue, parce que sinon, malheureusement, la réalité est que les chances de finir de la maladie d’Alzheimer augmentent chaque jour.


La bonne nouvelle du mois : six années de vie gagnées dans le monde depuis 1990


Le journal médical le plus prestigieux, le Lancet, vient de publier, le 17 décembre 2014, une étude basée sur des données médicales mondiales à propos de l’espérance de vie et des causes de mortalité. Il y est notamment exposé que, dans la plupart des pays du monde, la durée de vie croit. Les causes sont multiples: diminution rapide de la mortalité infantile, diminution forte de la mortalité cardio-vasculaire, recul généralisé du paludisme, durée de vie de plus en plus longue des personnes atteintes du Sida,… Petit à petit, partout dans le monde, seules les maladies non transmissibles résistent aux progrès médicaux et économiques, les maladies dégénératives et certains cancers progressant même du fait de l’avancée en âge des populations.

Le lendemain de cette publication, Bill Maris, déclara que nous ne devons pas être effrayés par la perspective de vivre toujours. Bill Marris est le responsable de Google Ventures, le fonds de placement créé par Google pour investir dans des entreprises pionnières dans le domaine des nouvelles technologies.


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Vice-président de l’AFT-Technoprog Je me définis comme un activiste du social essayant de promouvoir l’égalité et la solidarité à tous les niveaux notamment grâce aux progrès technologiques utiles qui nous permettent de vivre mieux, plus longtemps et d’échanger de plus en plus de connaissances. En savoir plus