La mort de la mort. Lettre de janvier 2016. Numéro 82.

Chaque nuit, sauf circonstances exceptionnelles, nous perdons conscience de nous-mêmes et les activités de notre cerveau deviennent presque indépendantes de l'environnement extérieur sauf si nos sens sont stimulés fortement. Le sommeil et la mort par vieillissement restent parmi les mécanismes les plus mystérieux du corps humain.

Publié le 29 janvier 2016, par dans « transhumanisme »

La mort attend sous l’oreiller
Que j’oublie de me réveiller
Pour mieux glacer le temps qui passe
La mort attend que mes amis
Me viennent voir en pleine nuit
Pour mieux se dire que le temps passe

Jacques Brel. La mort. 1959.

sisyphe1 Source de la bande dessinée :
http://cereales.lapin.org/


Thème du mois : Le sommeil et la mort


Chaque nuit, sauf circonstances exceptionnelles, nous perdons conscience de nous-mêmes et les activités de notre cerveau deviennent presque indépendantes de l’environnement extérieur sauf si nos sens sont stimulés fortement.

Le sommeil et la mort par vieillissement restent parmi les mécanismes les plus mystérieux du corps humain. En ce qui concerne l’endormissement, il est difficile de comprendre pourquoi l’évolution naturelle a favorisé un comportement qui nécessite pour presque tous les animaux d’une certaine complexité des périodes de repos et notamment de diminution des capacités de défense.

Un être humain, ou un autre mammifère qui ne dort pas, mourra à assez brève échéance des suites d’une dégradation de son métabolisme. Tant pour le vieillissement que pour le sommeil, la dégradation concerne l’ensemble de l’organisme. En ce qui concerne le sommeil, c’est le système nerveux qui sera le plus rapidement affecté, mais un manque de sommeil long affectera également toutes les autres fonctions vitales.

Tous les mammifères vieillissent et tous les mammifères doivent dormir pour survivre. Cependant, certains cétacés, comme le dauphin, ne dorment « qu’à moitié ». D’après les études faites, le sommeil chez ces animaux se fait séparément pour chaque hémisphère.  Un hémisphère reste en phase d’éveil pendant que l’autre est au repos puis c’est l’inverse. Sans cela, le dauphin se noierait.

Le sommeil se rapproche également de la mort parce que chaque nuit, nous perdons conscience de nous-mêmes tout comme nous perdrons définitivement conscience de nous-mêmes lors de  notre décès. La perte de conscience se produit également dans d’autres cas : évanouissements, anesthésies générales, épilepsies, narcolepsies, comas,… mais il s’agit alors d’évènements spécifiques et qui ne se produisent pas chez tout être humain.

Nous ne nous étendrons pas ici sur les différentes phases du sommeil (sommeil léger, sommeil profond, sommeil paradoxal). Le sommeil est notamment indispensable pour les processus neuronaux dont ceux nécessaires à la mémorisation. De manière générale, il permet aussi une certaine régénération de processus physiologiques.

Un humoriste disait qu’il ne fallait pas dormir, surtout dans son lit, parce que c’est un lieu fréquent de décès. Mais rêver de sa propre mort ne l’entraînera pas, même si c’est une idée souvent exprimée dans des récits de fiction. En fait, lorsqu’il est annoncé qu’une personne est « morte durant son sommeil », il s’agit de quelqu’un ayant eu, pendant son sommeil, une détérioration brutale de son état de santé entraînant la mort presque immédiate (arrêt cardiaque, rupture d’anévrisme,…)

Les personnes qui travaillent la nuit ont une espérance de vie diminuée. Selon des études, la différence de durée de vie ne devient importante que lorsque le temps de sommeil est de moins de six heures. Ceux qui dorment seulement un peu moins que le temps de sommeil le plus « normal » (aux alentours de huit heures) peuvent se dire qu’en termes de temps éveillé, ils peuvent être globalement bénéficiaires. En effet, un sommeil de sept heures au lieu de huit heures de 15 à 87 ans correspondra à trois années éveillées en plus. Mais la qualité de ce temps éveillé diminue bien sûr si la fatigue s’accumule.

Apparemment dormir trop a également un effet néfaste en termes de durée de vie. Cependant, les éléments d’étude dans ce cadre sont à prendre avec précaution, car un excès de sommeil (plus de 9 ou 10 heures en moyenne) sera très souvent révélateur d’un problème de santé, par exemple une dépression.

Une différence fondamentale entre le sommeil et la mort, c’est bien évidemment la réversibilité. Dans des circonstances permettant un sommeil idéal, le besoin de repos qui s’accumule en journée sera totalement satisfait durant la nuit et les régénérations et mémorisations seront parfaites. Par contre, les processus de vieillissement ne permettent aujourd’hui que des « réparations » partielles. Chaque jour qui passe nous rapproche du point de non-retour, entraînant, pour autant que nous le sachions, une perte de conscience totale et définitive.

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Dans la littérature depuis des millénaires, le sommeil et la nuit ont été associés à la mort. Dans la mythologie grecque, Hypnos, dieu du Sommeil est le frère jumeau de Thanatos, dieu de la mort. Le caractère temporaire de cet état mystérieux est l’une des raisons qui peut nous faire espérer que la mort ne soit qu’une situation temporaire. L’espoir de la Belle au bois dormant ne s’est jamais tout à fait éteint. Mais la science nous fait comprendre que la plupart des contes de fées ne deviennent réalité qu’avec son aide, l’aide du progrès scientifique. Pour que la ville ne dorme jamais, il a fallu la bougie, le gaz, l’électricité. Pour éloigner notre dernier sommeil, il a fallu bien des chirurgies, des vaccinations, des « miracles » de la médecine. Il en faudra encore bien d’autres avant que nous puissions envisager une réjuvénation contre la sénescence aussi efficace que celle que nous apporte un sommeil réparateur.


La (relativement) mauvaise nouvelle du mois : décroissance de l’espérance de vie en France en 2015


Pour la première fois depuis 1969, l’espérance de vie a diminué en France tant pour les femmes que pour les hommes. Ceci est dû notamment à une forte épidémie de grippe en février et mars de l’année 2015. Alors que, globalement, la durée de vie progresse presque partout dans le monde, il arrive qu’au cours d’une année, dans un pays, il y ait une diminution temporaire. Cela a été par exemple le cas, il y a quelques années, aux États-Unis et en Belgique, mais cela n’a pas empêché l’évolution globale positive dans les deux pays au cours des 10 dernières années. Ce qui est regrettable, c’est que de nombreux journalistes et citoyens « bioconservateurs » citent abondamment les chiffres négatifs alors que, chaque fois que l’espérance de vie progresse, les mêmes personnes se taisent ou contestent les statistiques. Ceci donne à certains l’image totalement incorrecte d’une situation de dégradation. L’espérance de vie en France en 2015 est de 85 ans pour les femmes et de 78,9 ans pour les hommes. Il y a 10 ans, elle était de 83,8 ans pour les femmes et de 73,8 ans pour les hommes.

Il n’en reste pas moins que ce recul ponctuel en France est préoccupant. Pour aller encore un peu plus loin, nous pouvons faire plus de la même chose (meilleure hygiène de vie, ne pas fumer, médecine plus efficace, vaccinations plus régulières, …). Mais pour aller beaucoup plus loin, au-delà de 90 ou de 100 ans, pour ceux qui le souhaitent, il faudra des produits nouveaux, des thérapies géniques, des approches biomédicales nouvelles. Il faudra des moyens supplémentaires pour les recherches scientifiques, la mobilisation de nos intelligences et de notre inventivité.


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Vice-président de l’AFT-Technoprog Je me définis comme un activiste du social essayant de promouvoir l’égalité et la solidarité à tous les niveaux notamment grâce aux progrès technologiques utiles qui nous permettent de vivre mieux, plus longtemps et d’échanger de plus en plus de connaissances. En savoir plus