La mort de la mort. Lettre de novembre 2013. Numéro 56

Depuis plusieurs années, Didier Coeurnelle, vice-président de Technoprog! mais aussi co-fondateur de l'organisation internationale HEALES, publie une lettre mensuelle intitulée "La mort de la mort". Voici le #56 dédié à la question de la Sérendipité et au progrès scientifiques dans le domaine de la santé.

Publié le 5 janvier 2014, par dans « transhumanisme »

Nous sommes finalement arrivés à un point de l’histoire humaine où nous sommes réellement en train de trouver les outils pour vivre plus longtemps et en meilleure santé. Nous devons donc commencer à penser à ce à quoi l’avenir va ressembler. (…) Les histoires que nous nous racontons, comme élément de notre culture, sont une façon d’élaborer ces scénarios dans nos esprits. (…). Jusqu’à présent, Hollywood ne s’est pas saisi de cela. Mais ils ont réellement besoin de le faire. Sonia Arrison (traduction, auteur du livre How the Coming Age of Longevity Will Change Everything, From Careers and Relationships to Family and Faith).

Thème du mois: Sérendipité et progrès scientifiques dans le domaine de la santé

La sérendipité, dans le domaine scientifique, désigne une découverte faite de manière fortuite, généralement dans le cadre d’une autre recherche. Le terme « sérendipité » s’utilise aussi plus largement, pour tout ce qui est trouvé ou retrouvé par hasard dans les domaines de la vie courante.

Pour ce qui concerne les recherches relatives à la santé, l’exemple le plus connu et le plus importante à ce jour de découverte par sérendipité est celui de la découverte de la pénicilline. Alexander Fleming était un scientifique brillant, mais parfois distrait qui testait des agents antibactériens. Il devait nettoyer des boîtes de culture envahies de moisissures en les plongeant dans du désinfectant.
Certains récipients étaient incomplètement immergés dans le désinfectant et donc les moisissures subsistaient. Le 3 septembre 1928, le chercheur s’aperçut que, sur les parties des boîtes proches des moisissures subsistantes, les bactéries ne se développaient pas. Il constata plus tard, en examinant les moisissures concernées, qu’elles contenaient une substance bactéricide, qu’il appellera pénicilline. Aujourd’hui, cette substance a sauvé des dizaines voire des centaines de millions de vie.

Chaque avancée scientifique est le fruit de nombreux éléments. Par définition, un chercheur effectuant des expérimentations ne sait pas exactement s’il va constater ce qu’il souhaite, sinon il ne serait plus scientifique, mais simple vérificateur. Le scientifique a cependant généralement une idée assez précise du résultat potentiel de ses expérimentations. Mais dans d’innombrables cas, ce qui est constaté est fort différent de ce qui était attendu. Ce qui est trouvé ou ce qui se passe n’est donc pas directement utile dans le contexte concerné, mais l’est dans d’autres domaines. Ce n’est donc pas seulement le hasard qui « fait bien les choses », il faut aussi une utilisation adéquate d’informations dans un cadre autre que celui prévu au départ.

La sérendipité aujourd’hui reste-t-elle aussi importante qu’hier? La multiplication des recherches et des publications scientifiques semble rendre improbable une découverte majeure en dehors des « sentiers battus ». Mais, en fait, dans les domaines de la longévité, les champs de connaissance scientifique insuffisante restent très nombreux. Pour n’en citer que quelques-uns, nous ne savons toujours pas avec certitude:

  • pourquoi les femmes vivent plus longtemps
  • à quel degré le sport et l’exercice favorisent la longévité
  • si nous aurons tous la maladie d’Alzheimer si nous vivons suffisamment longtemps
  • quelles sont les véritables causes des maladies neurodégénératives
  • et tout simplement pourquoi nous vieillissons.

Des centaines de facteurs qui semblent avoir une influence positive ou négative sur la longévité sont examinés, testés, expliqués. Chaque chercheur travaillant dans le domaine de la longévité a son avis, ses convictions, …

Il y a peu de certitudes si ce n’est que les processus de dégradation que nous appelons le vieillissement varient fortement selon les individus. Cela signifie très probablement que la longévité dépend d’une combinaison de nombreux éléments dont beaucoup jouent un rôle important. Il est également fort probable que la combinaison de divers éléments relatifs à la longévité a des effets spécifiques, éloignés d’une simple addition de conséquences.

Les combinaisons des différents facteurs ne peuvent être examinées systématiquement. Mais des milliers de scientifiques qui ne travaillent pas dans des domaines spécifiques à la recherche de longévité, recueillent des données potentiellement utiles: chercheurs travaillant pour la prévention des risques chimiques et industriels, statisticiens déterminant les probabilités de décès, économistes mesurant les taux de morbidité, d’incapacité, …

A terme prévisible, la progression des connaissances dans le domaine de la longévité continuera à comprendre une part importante d’imprévu. Si, chez la majorité des chercheurs, la détection de mécanismes « anormaux », « accidentels », « illogiques » relatifs à la longévité reste présente, à l’arrière-plan du travail principal, les potentialités de progressions en faveur d’une vie plus longue en bonne santé s’étendront encore.

 

Bonne nouvelle du mois: Google engage une spécialiste mondiale de la recherche contre le vieillissement

La société Calico, créée par Google en septembre, vient d’engager quatre scientifiques brillants. Parmi ceux-ci la biogérontologiste américaine Cynthia Kenyon. Madame Kenyon est notamment célèbre pour avoir effectué des tests sur le nématode Caenorhabditis elegans. Elle était parvenue, par une combinaison de mutations génétiques et de restriction calorique à multiplier par six la durée de vie de vie de certains de ces animaux.

Cynthia Kenyon est une défenderesse convaincue des progrès en matière de longévité en bonne santé pour les femmes et les hommes. Elle a donné de nombreuses interviews et conférences à ce sujet et a testé sur elle-même la restriction calorique. Elle devrait disposer sous peu de moyens financiers considérables pour poursuivre les recherches en matière de longévité des nématodes mais aussi et surtout des êtres humains.

 

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Pour en savoir plus

De manière générale, voir notamment: http://heales.org, http://sens.org et http://longecity.org

Source de la citation:
http://link.brightcove.com/services/player/bcpid2238051064001?bckey=AQ~~,AAAAAASoY90~,_gW1ZHvKG_207ZOHThEdgoRdhNGTWz7m&bctid=2766952597001

A propos de Cynthia Kenyon (en anglais) :
http://en.wikipedia.org/wiki/Cynthia_Kenyon et http://www.ted.com/talks/cynthia_kenyon_experiments_that_hint_of_longer_lives.html

A propos de la sérendipité:
http://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9

Source de l’illustration:
timbre représentant Alexander Fleming

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