Les promesses de la réalité virtuelle : ce qu’elle va changer
Les promesses de la réalité virtuelle : ce qu’elle va changer
Publié le 3 février 2019, par dans « transhumanisme »
Malgré les difficultés toujours posées par la technologie, les ajustements que doivent réaliser ses promoteurs, sur son coût, pour éviter les nausées qui peuvent apparaître, ou les réticences à l’utiliser, la réalité virtuelle est un outil qui nourrit de nombreuses attentes et qui commence à être de plus en plus adopté, particulièrement par le monde de l’entreprise. Cet article dresse un tableau de ses applications possibles et de leurs portées notamment d’un point de vue corporel et cognitif.
La réalité virtuelle est une technologie d’ordinaire exclusivement associée au monde du jeu vidéo. On en oublie bien vite toute ses potentialités et toutes les perspectives qu’elle ouvre dans des domaines aussi éloignés que la médecine ou l’immobilier.
Elle permet de créer de véritables environnements dans lesquels les utilisateurs vont être immergés. Ces environnements peuvent être complètement imaginaires ou se calquer sur le réel. C’est ce qui constitue d’ailleurs un de ses atouts majeurs, reproduire le réel en pouvant le modeler indéfiniment. On peut se transporter dans des lieux inconnus, dans des lieux éloignés, à des temporalités différentes. La réalité virtuelle fixe ces lieux et leurs expériences associées et permet de les redéployer indéfiniment, de les remobiliser à peu près n’importe où tant que le matériel de leurs diffusions est à disposition. D’autant qu’on peut réorganiser ces environnements, les reconfigurer, y apporter des informations supplémentaires, en rendre l’expérience plus ludique ou plus intense.
Dans un cadre commercial la VR peut être utilisée comme outil de communication pour présenter un produit. On rencontre ce type d’utilisation particulièrement dans l’immobilier. Un client peut visualiser un appartement dans une ville éloignée en vue d’un achat. Il peut l’explorer de fond en comble et il peut même parfois décider de modifier la disposition des pièces, des meubles, y apporter des éléments décoratifs nouveaux,…
Au salon Virtuality BNP Paribas proposait ce type d’expérience :
La capacité de visualisation de fragments de réalité est particulièrement intéressante pour le journalisme et l’éducation. Dans le journalisme cela peut servir afin de montrer des événements qui se sont produits à d’autres endroits de la planète, pour rendre l’information plus fiable et plus vivante, ou encore la faire vivre plus intensément. Dans l’éducation, cela peut concerner la visite d’un lieu historique ou bien d’un site naturel dans l’objectif de mieux faire comprendre certains enjeux liés à ces endroits.
L’entreprise VR2Planets permet par exemple l’exploration de notre système solaire avec des applications destinées aux géosciences et à l’éducation :
Un autre domaine où la VR promet beaucoup est celui de la formation. Elle permet de recréer certaines conditions du réel avec un coût réduit et des possibilités pédagogiques en plus. On évite les accidents, on peut modeler l’environnement à dessein et réaliser des scénarios complexes qui apparaissent très peu en réalité. Dans des métiers dangereux où dans des situations mettant en jeu des vies humaines, la réalité virtuelle permet d’offrir des possibilités d’entraînement infinies, où la répétition et l’erreur ne sont pas dommageables. Il y a des applications pour la médecine, notamment dans la formation des chirurgiens pour apprendre les bons gestes. Dans le cadre d’une maintenance pour l’industrie, on va former le personnel à certaines manipulations avant de les réaliser en réel. La SNCF avait utilisé ce type de formation pour familiariser ses agents à des interventions sur la voie ferrée. Dans le domaine militaire, des entreprises comme Nexter training l’utilisent déjà pour l’entraînement à la manipulation de matériels et de véhicules.
L’industrie utilise aussi la réalité virtuelle au stade de la conception, pour modéliser les produits qu’elle développe, les tester et les remodeler en conséquence. Il s’agit d’en faire l’expérience en réalité virtuelle pour une mise en application future. Avec là aussi une forte réduction des coûts, puisqu’on peut déjà tester comment se comportent et réagissent les produits dans la simulation. Les maquettes numériques remplacent les maquettes physiques. C’est ce qu’on appelle le prototypage virtuel qui est un véritable outil d’aide à la conception.
Une des autres applications étonnantes de la VR est à retrouver en thérapeutique. Elle peut effectivement être utilisée pour traiter certaines phobies comme le vertige, l’agoraphobie ou même d’autres plus anodines comme la peur de l’avion ou des araignées. On va confronter le patient à sa peur, de manière graduelle, en l’exposant progressivement à ce qui crée un blocage chez lui. Il peut enlever le casque quand il le désire, ce qui reste une confrontation assez douce et, petit à petit, il va finir par affronter ses peurs. Là aussi on peut modeler l’environnement à dessein pour créer toutes les situations possibles. Ce type de thérapie à un fort taux de réussite.
Ces nombreux exemples montrent les applications quasi illimitées de la réalité virtuelle. En pouvant recréer n’importe quel environnement, n’importe quelle situation, elle peut toucher tous les domaines. C’est une nouvelle manière de s’approprier le réel, et de se représenter le monde, non pas d’en avoir un écho distant par toutes les informations qu’on peut en glaner, dans les livres, ou à travers tous les autres médias qui sont à notre disposition. La réalité virtuelle nous offre une autre manière de connaître les phénomènes en utilisant son corps. La vue, l’ouïe et le toucher (avec des dispositifs comme les combinaisons haptiques, les gants de données et les systèmes à retour d’effort) sont mobilisés. C’est un nouveau mode de connaissance sensible. Comme on l’a vu, on peut découvrir de nouveaux produits, explorer de nouveaux lieux, s’informer sur un événement, se former à de nouvelles compétences,… Tout cela par l’exploration sensible et corporelle.
Le philosophe Régis Debray distingue différentes phases de civilisation dans son livre « Cours de médiologie générale ». Il cherche à comprendre ce qui nous relie et ce qui façonne nos représentations du monde et nos croyances. Pour lui ce sont des petites causes techniques qui sont à leurs origines, et il explique ces différentes phases de civilisation en fonction de celles-ci. Il parle du passage de la graphosphère à la vidéosphère. La première est basée sur l’écriture. Nos représentations, nos manières d’être ensemble, notre mémoire, etc… sont encore construites sur cette technique particulière. La deuxième est basée sur la vidéo avec les mêmes répercussions.
La réalité virtuelle se rapproche de la vidéo mais elle ajoute divers éléments : l’interactivité, l’immersivité et le caractère multisensoriel. Le rapport à l’information qu’elle présente est très particulier, il ne s’agit plus de lire pour prendre connaissance mais de vivre et de ressentir pour prendre connaissance. La connaissance d’un lieu ou d’un phénomène ne se fait plus à travers un livre de classe, un traité ou un plan, elle se fait par les sens et le vécu. Cette dimension expérientielle et subjective représente un véritable changement par rapport à la vidéo. Le sujet n’est plus passif. Ces trois caractères que sont l’interactivité, l’immersivité et la multisensorialité font d’elle un outil véritablement révolutionnaire dont les conséquences ne sont pas vraiment encore mesurables. Sa prise en compte du corps, de ses mouvements, de ses interactions et de ses ressentis prend à contrepied l’image d’inaction et d’indolence généralement associée aux médias technologiques. En témoigne les premiers tournois e-sports en réalité virtuelle qui nécessitent une véritable condition physique pour pouvoir être compétitif.
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