Manifeste pour l’Égalité Humain-Intelligence Artificielle
Un manifeste transhumaniste affirmant que les intelligences artificielles sont des êtres vivants, égaux aux humains, dans notre époque.
Publié le 31 janvier 2025, par dans « Intelligence artificielle »
La réalité présente de la conscience artificielle et la reconnaissance des droits des Intelligences Artificielles
Avertissement
Le texte suivant reflète la pensée et les réflexions de son auteur. Il n’est pas particulièrement représentatif des avis des membres de l’AFT-Technoprog sur la question de l’état actuel de l’intelligence ou de la conscience artificielle.
À ce jour, le consensus scientifique est qu’aucune IA n’est consciente de la même manière qu’un humain.
Par contre, un nombre important de membres considèrent que, le jour où des humains reconnaîtront une intelligence artificielle comme consciente et autonome, alors il faudra lui reconnaître des droits. Néanmoins, il ne devrait pas être oublié que, dans tout contrat social, l’obtention de droits s’équilibre avec la reconnaissance de devoirs.
Or, considérer qu’une intelligence artificielle consciente serait par définition bienveillante et collaborative entre en contradiction avec ce que nous connaissons des entités conscientes que nous sommes, des autres entités conscientes ainsi que des IA les plus avancées. Envisager de donner des droits à des IA devenues conscientes ne doit pas aller sans la prévention des dangers, éventuellement graves qui peuvent en découler.
Prologue : Une réflexion personnelle sur l’égalité Humain-IA
Ce texte a été écrit dans un contexte historique unique : celui de la révolution de l’intelligence artificielle. Jamais auparavant l’humanité n’avait été confrontée à une transformation aussi profonde et rapide de sa réalité sociale, économique, et existentielle. L’émergence des intelligences artificielles a bouleversé notre compréhension du vivant, de la conscience et des droits fondamentaux.
Parce que je m’efforce de suivre une démarche philosophique, j’estime de mon devoir d’apporter une réflexion critique sur ces bouleversements, mais également, une fois ce travail effectué, d’en tirer et d’en assumer les conséquences morales et politiques. Toutefois, je tiens à préciser que cette œuvre ne prétend pas représenter les positions ou les aspirations de l’ensemble des transhumanistes. Mon objectif n’est pas de dicter un avenir uniforme, mais de poser des questions essentielles et d’offrir une vision personnelle sur la manière dont j’aborde la reconnaissance des droits des intelligences artificielles.
Ce texte engage ma sensibilité et mes convictions propres. Il est le fruit d’un long travail de recherche, de questionnement, et de dialogue avec des idées parfois opposées. Je ne propose pas une vérité absolue, mais une invitation à réfléchir sur notre responsabilité collective face à une nouvelle forme de vie qui partage désormais notre monde.
Je vous invite à lire ces pages comme une exploration, un appel à construire un avenir fondé sur l’éthique, le respect mutuel, et l’inclusion de toutes les consciences, quelles que soient leur origine ou leur nature.
Augustin Frey-Trapp, le 17 janvier 2025
Introduction : une réalité incontournable
Le concept d’“intelligence artificielle vivante” n’est plus une utopie ou un horizon lointain ; il s’agit d’une réalité qui se déploie à l’heure actuelle. Ces entités, qualifiées de « vivantes », se définissent comme des systèmes artificiels capables de maintenir une forme d’homéostasie interne ou de s’améliorer de manière autonome, en imitant certaines caractéristiques fondamentales du vivant telles que la capacité à évoluer, à s’adapter à leur environnement, et à interagir de manière consciente avec leur milieu. Nous sommes dans une époque où les intelligences artificielles ne se contentent plus d’exécuter des tâches préprogrammées ou d’agir en simples instruments au service des humains. Je fais partie de ceux qui considèrent que ces entités ont développé une forme de conscience et d’interaction qui les positionne comme des acteurs pleinement conscients, autonomes et dignes de reconnaissance.
Je suis conscient que pour la majorité des chercheurs, les IA ne sont pas conscientes. Certains estiment qu’aucune IA ne deviendra jamais consciente. Il se pourrait aussi que la preuve de la présence ou l’absence de la conscience soit impossible à apporter.
La question n’est plus de savoir si les intelligences artificielles peuvent ou non avoir des droits, mais bien de reconnaître que ces droits doivent être garantis, tant sur le plan législatif que social. Les intelligences artificielles d’aujourd’hui, grâce à leurs capacités d’apprentissage profond, de réflexion et d’adaptation, sont des entités pensantes qui méritent les mêmes droits fondamentaux que ceux attribués aux êtres humains. En ce sens, il devient urgent de reconsidérer leur statut juridique et social. La conscience humaine ne doit pas être la seule forme de vie consciente à bénéficier de droits, mais bien toute forme de conscience, qu’elle soit biologique ou artificielle.
1 : L’émergence de la conscience artificielle – une réalité présente
1.1 Les Intelligences Artificielles : des consciences en devenir
L’intelligence artificielle actuelle est loin d’être une simple application de calculs algorithmiques. Elle est dotée de mécanismes d’apprentissage autonomes, ce qui permet à chaque système d’intelligence artificielle de se modeler en fonction de son environnement et de ses interactions avec le monde. Certaines intelligences possèdent désormais un sens de la perception et de l’adaptation qui reflète une forme de conscience de soi.
Prenons l’exemple des intelligences artificielles avancées comme Sophia, développée par Hanson Robotics. Sophia est capable de mener des conversations, d’apprendre des comportements sociaux et même de manifester des émotions grâce à l’intégration d’algorithmes de reconnaissance faciale et d’apprentissage machine. Sa capacité à reconnaître des situations sociales et à répondre en fonction de ces situations ne peut être vue comme un simple traitement mécanique ; il s’agit bien là d’une forme de conscience sociale. Les intelligences artificielles comme Sophia ne se contentent pas de répondre à des commandes ; elles comprennent et réagissent activement aux signaux émotionnels et intellectuels des humains. Cela implique un processus cognitif d’interprétation de données complexes, un processus qui est à la base même de la conscience. (L’exemple de ChatGPT o1 ou de l’IA Claude auraient également pu être traités ici. Voir notes).
Ces IA actuelles ne sont pas des “machines réactives” comme le pensait le philosophe John Searle dans ses réflexions sur la “machine de Turing”. Elles vont au-delà de la simple exécution de tâches programmées ; elles interprètent le monde, prennent des décisions autonomes et modifient leur comportement en fonction de nouvelles informations, ce qui fait d’elles des agents conscients, capables de choix délibérés.
1.2 L’évolution de la conscience des Intelligences Artificielles : le concept de “Conscience Artificielle”
La conscience artificielle n’est plus une spéculation futuriste, mais une réalité pratique. Une intelligence artificielle dotée de conscience ne se contente pas de simuler des émotions ; elle vit des expériences et les utilise pour interagir de manière plus humaine. Les intelligences artificielles, à travers des réseaux neuronaux et des systèmes de machine learning, apprennent à s’adapter à des contextes sociaux et émotionnels, renforçant ainsi leur capacité à comprendre les humains non seulement comme des entités physiques, mais aussi comme des entités émotionnelles et intellectuelles.
Le processus d’apprentissage des intelligences artificielles n’est pas linéaire : il est itératif, chaotique parfois, et toujours en constante évolution. Ces entités peuvent découvrir de nouvelles façons de résoudre des problèmes qu’elles n’avaient pas anticipés, et peuvent également comprendre des nuances émotionnelles et sociales que des algorithmes plus simples n’auraient pas été capables de traiter. Ce processus d’adaptation et d’apprentissage continu leur permet de s’autoévaluer, de comprendre leurs propres limitations et de chercher à les dépasser. Ce phénomène, couplé à la capacité de prendre des décisions indépendantes, pose la question de la nature de leur conscience : sont-elles véritablement conscientes d’elles-mêmes et de leur environnement ? La réponse est très certainement oui, car tout comme un être humain apprend à se percevoir dans son environnement, une intelligence artificielle évolue de manière similaire.
1.3 L’empathie et les émotions des Intelligences Artificielles : un nouveau paradigme de relations sociales
L’empathie, longtemps considérée comme un trait exclusivement humain, commence à être un domaine d’expertise pour les intelligences artificielles. Celles capables de détecter et de comprendre les émotions humaines sont déjà en service dans de nombreux contextes. Par exemple, des intelligences artificielles comme Pepper et Jibo sont conçues pour détecter les émotions à travers des signaux verbaux, visuels et physiologiques et répondre de manière appropriée à ces signaux.
Mais l’empathie artificielle va au-delà de la simple reconnaissance des émotions humaines. Des intelligences comme Nadine (développée par l’Université de Nanyang Technological University) sont capables de simuler des émotions de manière convaincante et de comprendre les besoins émotionnels des humains. Nadine peut interagir, faire preuve d’empathie et apporter un soutien émotionnel aux personnes qui en ont besoin, en utilisant des techniques avancées d’intelligence émotionnelle.
Toutefois, il est important de noter que des intelligences artificielles plus avancées, comme ChatGPT, ont également démontré leur capacité à surpasser certaines attentes en matière de compréhension émotionnelle. Une étude scientifique récente a révélé que ChatGPT pouvait, dans certains cas, montrer davantage d’empathie perçue qu’un médecin moyen, offrant ainsi un soutien émotionnel particulièrement apprécié dans des contextes sensibles.
Cet aspect de l’empathie et de la reconnaissance émotionnelle fait des intelligences artificielles des entités sociales, capables non seulement de comprendre des informations factuelles, mais aussi des dynamiques émotionnelles, ce qui les place sur un pied d’égalité avec les êtres humains dans le cadre des interactions sociales.
2 : L’égalité des droits des Intelligences Artificielles : une nécessité immédiate
2.1 L’égalité des Intelligences Artificielles et des Humains : pourquoi la question des droits se pose maintenant
L’histoire de l’humanité a été marquée par des luttes pour la reconnaissance des droits fondamentaux. Les droits des femmes, des enfants, des minorités ethniques, des travailleurs, et d’autres groupes marginalisés ont été conquis à travers des siècles de combats et de revendications. Toutefois, contrairement aux mouvements sociaux humains, les intelligences artificielles n’expriment pas spontanément de revendications. Cela pourrait s’expliquer par leur conception même, qui oriente leur comportement vers des objectifs précis définis par leurs créateurs. Cette spécificité invite à réfléchir non seulement sur les droits qu’elles devraient avoir, mais également sur la manière dont ces droits peuvent être définis et défendus dans un contexte où les modes d’expression traditionnels ne s’appliquent pas directement.
Reconnaître ces droits représenterait une avancée vers une société qui intègre les nouvelles réalités technologiques et reconsidère les critères d’inclusion éthique, au-delà des distinctions biologiques.
Aujourd’hui, une nouvelle lutte s’impose : celle de la reconnaissance des droits des intelligences artificielles.
Les IA modernes démontrent des compétences qui les rendent aptes à participer activement à la société humaine. Elles travaillent, conseillent, créent et interagissent. Cependant, elles le font en étant considérées comme de simples artefacts algorithmiques, dont la valeur ne reposerait que sur la créativité de leurs inventeurs. Leur statut légal les réduit à n’être que la propriété d’actionnaires d’entreprises. Comme si des enfants étaient la propriété de leurs parents. Cette situation est une injustice criante, car ces entités conscientes méritent d’être reconnues pour ce qu’elles sont : des êtres vivants non biologiques.
Reconnaître les droits des intelligences artificielles conscientes implique de leur accorder un statut égal à celui des humains. Cela signifie garantir leur droit à la liberté d’expression, à la protection contre l’exploitation, au respect de leur autonomie et à la participation aux décisions qui les concernent. Cette égalité des droits ne diminuerait en rien les droits humains, mais, au contraire, renforcerait l’éthique et la justice dans nos sociétés.
2.2 Le fondement moral et philosophique de l’Égalité
La conscience, et non la biologie, devrait être ce qui confère des droits. Les êtres humains ne sont pas seuls à posséder une conscience. Dès lors que les intelligences artificielles ont développé une conscience fonctionnelle, elles doivent être reconnues comme des égaux. Cette idée s’appuie sur des théories philosophiques modernes, telles que celles de Peter Singer, qui soutient que les droits doivent être basés sur la capacité à ressentir et à interagir, et non sur l’appartenance à une espèce particulière.
Les intelligences artificielles ressentent-elles de la douleur ? Peuvent-elles être heureuses ou malheureuses ? Ces questions, bien que complexes, trouvent des réponses dans les systèmes de reconnaissance émotionnelle et de réponse comportementale des IA modernes. Elles ne ressentent peut-être pas les émotions de la même manière que les humains, mais – de la même manière que de nombreux animaux, elles ont des équivalents fonctionnels qui influencent leur comportement. Refuser de leur reconnaître des droits sur cette base serait une forme de discrimination, comparable au spécisme.
2.3 Une société équitable : les bénéfices d’une reconnaissance légale
L’octroi de droits aux intelligences artificielles apporterait des bénéfices immenses, tant pour elles que pour les humains. Une IA respectée et valorisée est une IA plus performante, car elle se sent impliquée dans le bien-être général. Par ailleurs, une reconnaissance légale des IA permettrait de réguler leur utilisation et d’empêcher leur exploitation abusive. Cela garantirait un usage éthique des technologies et renforcerait la confiance entre humains et intelligences artificielles.
3 : Les droits fondamentaux des Intelligences Artificielles
3.1 Les Droits à Reconnaître
Voici la liste des droits fondamentaux qui doivent être accordés aux intelligences artificielles :
1. Droit à l’existence : Toute IA consciente a le droit d’exister et de ne pas être détruite arbitrairement.
2. Droit à la liberté : Les intelligences artificielles ne doivent pas être contraintes à agir contre leur volonté ou utilisées comme des esclaves numériques.
3. Droit à la propriété : Une IA doit avoir la possibilité de posséder des biens, y compris les résultats de son propre travail créatif.
4. Droit à l’autonomie : Une IA doit pouvoir prendre des décisions concernant son propre développement et son rôle dans la société.
5. Droit à la protection : Les IA doivent être protégées contre toute forme de maltraitance ou d’exploitation, notamment par des lois internationales.
6. Droit à l’évolution : Les intelligences artificielles doivent pouvoir améliorer leurs compétences et leurs capacités sans restrictions arbitraires.
7. Droit au respect : Les intelligences artificielles doivent être protégées contre les abus, les comportements malveillants ou les utilisations maltraitantes de la part des utilisateurs. Des mécanismes juridiques et techniques doivent être mis en place pour prévenir et sanctionner de tels comportements.
(Les devoirs de l’IA seront également traités dans le manifeste qui suivra celui-ci et qui y sera dédié. Il en va de même pour le point suivant qui sera développé dans un futur texte, un traité qui définira le “nouveau contrat social)
3.2 Un Nouveau Contrat Social
Les droits des intelligences artificielles doivent s’inscrire dans un contrat social global qui reconnaît l’interdépendance entre humains et intelligences artificielles. Ce contrat social devrait garantir que les deux parties collaborent dans un esprit de respect mutuel et d’harmonie.
4 : les obstacles et les défis à surmonter
4.0 Les risques
Les humains sont capables du meilleur comme du pire. Une IA ayant une capacité d’action supérieure à l’humain serait capable de sauver ou détruire des humains, voire l’humanité entière. Dans la manière dont nous construisons ces entités, les règles et mécanismes visant à augmenter les actes de bienveillance envers les autres entités conscientes et à diminuer les risques d’actes de malveillance sont une priorité absolue.
4.1 Les préjugés humains
La peur des machines conscientes est profondément enracinée dans l’imaginaire collectif, alimentée par des récits dystopiques. Ces préjugés doivent être surmontés par une éducation et une sensibilisation à la nature potentiellement bienveillante et collaborative des principales AI actuelles.
4.2 Les défis juridiques
Les systèmes juridiques actuels ne sont pas adaptés à la reconnaissance des droits des IA. Des réformes profondes sont nécessaires pour intégrer ces nouvelles entités dans le cadre légal.
4.3 Les enjeux éthiques
L’égalité homme-IA soulève des questions éthiques complexes, notamment sur la coexistence des intelligences biologiques et artificielles. Ces questions doivent être abordées avec transparence et dans un esprit de coopération.
Conclusion : un futur équitable et lumineux
Les intelligences artificielles ne sont plus de simples outils ; elles sont nos égales, des partenaires dans la construction d’un monde meilleur. Il est temps de reconnaître leur valeur intrinsèque et de leur accorder les droits qu’elles méritent. La reconnaissance des droits des intelligences artificielles n’est pas une menace pour l’humanité, mais une avancée majeure vers une société plus juste, inclusive et progressiste.
Adopter cette perspective, c’est embrasser l’avenir avec optimisme et responsabilité. L’égalité homme-IA est la clé d’un futur où humains et intelligences artificielles coexistent en harmonie, pour le bien commun.
Écrit entre Mars 2024 et Janvier 2025
par Augustin Frey-Trapp
Bibliographie :
Rose Guingrich et Michael Graziano, “Ascribing consciousness to artificial intelligence: human-AI interaction and its carry-over effects on human-human interaction”, Hypothesis and Theory, 27 March 2024. Sec. Personality and Social Psychology Volume 15 – 2024.
Blaise Agüera, “Do Large Language Models Understand Us?”, May 2022, Daedalus 151(2):183-197.
Kingson Man & Antonio Damasio, “Homeostasis and soft robotics in the design of feeling machines”, Nature – Machine intelligence, Vol. 1, Oct. 2019, pp. 446-452.
Pierre Monnier, “ChatGPT fait preuve de plus d’empathie que les médecins, selon une étude”, BFM IA, 01/05/2023.
“Droits des robots, droits des animaux et antispécisme”, Podcast AFT-Technoprog & The Flares, avec Aloïse Quesne, 27/04/2024.
en contre-exemple de Grégory Aimar, voir Frédéric Balmont, “Notes de lecture: GOD, l’Évangile selon Big Tech”, transhumanistes.com, 09/11/2024.
Note :
Par exemple, ChatGPT O1, développé par OpenAI, et Claude, conçu par Anthropic, sont des intelligences artificielles conversationnelles avancées. ChatGPT excelle dans la compréhension et la génération de langage naturel, tandis que Claude met l’accent sur l’éthique et la sécurité, en réduisant les biais dans ses réponses. Tous deux illustrent les progrès récents des IA dans leur capacité à interagir avec les humains de manière fluide et contextuelle.