Manifeste viridien : Propositions technoprogressistes et écologistes
Un avenir technoprogressiste ne se conçoit, dans les décennies à venir, que dans un environnement indéfiniment durable. Le changement nécessaire, pour qu'il se fasse "vers le haut" nécessite des progrès technologiques et des modifications sociétales.
Publié le 26 février 2020, par dans « Homme augmenté • Question sociale • Risques • transhumanisme »
Un avenir technoprogressiste ne se conçoit, dans les décennies à venir, que dans un environnement indéfiniment durable.
Le changement nécessaire, pour qu’il se fasse « vers le haut » nécessite des progrès technologiques et des modifications sociétales profondes. Pour cela, devenir plus humain en nous améliorant nous-mêmes est un atout.
Une option « viridienne » c’est-à-dire écologiste, technologique et non destructrice de l’humanité suppose des transitions radicales.
Les transhumanistes technoprogressistes considèrent qu’il est indispensable de modifier nos comportements, pour arrêter le réchauffement climatique, la chute de la biodiversité et l’utilisation de ressources non renouvelables.
Voici la synthèse des propositions de ce manifeste :
Recherches collectives
- Investir massivement dans la recherche en matière de développement durable, d’abord publique,
Energies renouvelables
- Améliorer notre capacité à capter et stocker les abondantes ressources renouvelables,
- Sur le nucléaire, le limiter de manière pragmatique,
Réutilisation et dépollution
- Limiter les pollutions à la source, assurer le recyclage, développer les technologies de dépollution.
- Faire décroître radicalement l’utilisation des ressources non renouvelables et polluantes.
- Accroître considérablement la prévention, d’abord par la recherche sur les pollutions.
- N’utiliser la géo-ingénierie que lorsque nous savons que les moyens envisagés peuvent être réversibles sans technologie nouvelle.
Réflexions et décisions collectives
- Développer l’automatisation, la robotisation pour des cultures ciblées et diversifiées, la réutilisation des déchets biocompostables, la culture hors-sol, la nourriture in vitro et sans souffrance animale,
- Favoriser l’utilisation efficace de l’intelligence artificielle et des imprimantes 3D.
- Restreindre les pratiques commerciales encourageant à la surconsommation.
- Choisir la mise en commun des connaissances dans une économie « open source » des savoirs.
- Investir dans l’amélioration de la grande longévité, laquelle permet de ralentir voire inverser la croissance de la population, et donc de la consommation.
- Étendre les programmes d’éducation favorisant la libération de la femme ainsi que la prise de conscience transhumaniste dans les problématiques environnementales,
- Développer les neurosciences afin que chacun puisse choisir de mieux contrôler les prédispositions qui tendent à nous rendre écologiquement irresponsables.
Texte intégral
Homo sapiens parcourt la terre depuis environ 300.000 ans. Il a probablement toujours rêvé de « maîtriser » la nature. Il est probablement responsable de la disparition d’espèces animales depuis le début de son développement. Cela débuta même avant que l’humain ne soit pleinement humain. La pollution, au sens contemporain, est considérable par certains aspects depuis des millénaires. La pollution au plomb créée durant l’empire romain est mesurable aujourd’hui encore dans les glaciers du Groenland.
Que nous le voulions ou non, nous avons totalement modifié le monde. Rien n’est plus artificiel qu’un paysage de nos campagnes, typique du 19ème ou 20ème siècle. Même une bonne part de la forêt vierge de l’Amazonie a été cultivée il y a quelques siècles et les espèces de plantes qui y poussent sont en partie issues de l’agriculture.
Recherches collectives
Ce qui est nouveau, c’est bien sûr l’ampleur de l’impact, mais aussi l’ampleur de la prise de conscience et, grâce aux progrès technologiques notamment, la précision de sa mesure. Ainsi, l’atmosphère est beaucoup moins radioactive qu’il y a 50 ans quand la Chine et la France faisaient encore des essais nucléaires à ciel ouvert, mais les instruments de mesure de la radioactivité sont bien plus perfectionnés aujourd’hui.
Cependant malgré l’ampleur des recherches et parce que les obstacles sont considérables (notamment les fraudes et le green washing, mais aussi parfois la volonté de faire peur), il est nécessaire d’avoir des investissements considérables en termes d’études. Ceci doit d’abord être fait avec des moyens publics garantissant la transparence et l’efficacité, et avec les moyens les plus performants (dont l’intelligence artificielle).
La nécessité de recherche ne peut cependant pas être un alibi pour ralentir les modifications de comportement. Certains éléments ne font pas de doute. Il en va ainsi:
= de la disparition rapide de nombreuses espèces vivantes à commencer par les insectes,
= du réchauffement climatique ; plus précisément il ne fait aucun doute que la libération de gaz à effet de serre suite à l’activité humaine est effective,
= de l’utilisation rapide de ressources non renouvelables.
Energies renouvelables
En ce qui concerne la question de l’énergie, il faut d’abord savoir que les sources d’énergie renouvelables : éolienne, marémotrice, hydraulique, solaire, géothermique, libèrent chacune dans la nature des quantités d’énergie infiniment supérieures à ce qui est nécessaire aux activités humaines. L’exemple souvent cité est celui de l’énergie solaire arrivant sur la terre dont une heure suffirait à couvrir les besoins de toute la population humaine durant une année.
Les trois questions majeures sont
- Comment assurer la transition rapide vers des technologies captant ces sources d’énergie d’une manière plus efficiente et couvrant tous les besoins humains ? C’est la priorité absolue.
- Comment capter ces sources d’énergie ?
- Comment stocker l’énergie ?
Le choix concernant le nucléaire est complexe. D’une part les technoprogressistes savent que les risques avérés, à court et moyen termes, sont moindres que ceux de bien d’autres sources d’énergie (particulièrement les énergies fossiles) et moindres que ceux perçus par l’opinion publique. D’autre part, des dangers subsistent en termes d’utilisation nucléaire à court et moyen terme et d’utilisation militaire. Le démantèlement des centrales est un processus coûteux et complexe et rarement effectué à ce jour, avec une gestion des déchets dont certains vont subsister pendant des dizaines de milliers d’années. Enfin, même s’il faut, dans une vision à long terme, poursuivre la recherche concernant la fusion, c’est une perspective éloignée alors que les défis énergétiques sont urgents.
Réutiliser et dépolluer
En ce qui concerne les matières premières et les pollutions à venir, la question première est : Comment assurer une transition vers une réutilisation de tous les produits qui parviennent au bout de leur cycle d’utilisation en débutant par les produits les plus nocifs à l’environnement et les plus rares. Il faut aussi, bien sûr, veiller à limiter la production des biens à usage unique, à l’utilité sociale réduite et/ou au coût écologique élevé.
En ce domaine, comme dans d’autres, les évolutions récentes sont positives, mais insuffisamment rapides.
En même temps que la question du futur, il y a la gestion de l’acquis négatif, la gestion des pollutions. Il s’agit, le plus rapidement possible et de la manière la plus objective possible, de déterminer quels sont les produits libérés dans l’atmosphère, l’eau, la terre qui sont les plus toxiques. Pour déterminer la dangerosité et pour ensuite éliminer les plus nocifs, des moyens publics importants sont nécessaires et des recherches scientifiques qui permettront de diminuer ces coûts.
La recherche scientifique est particulièrement nécessaire pour tout ce qui concerne :
-les « cocktails toxiques » (plusieurs produits peu ou pas nocifs séparément qui le deviennent en combinaison),
-les nanoparticules (car elles sont peu connues, généralement de production récente et pouvant s’accumuler en franchissant toutes les frontières internes chez l’humain),
La pollution, particulièrement la pollution atmosphérique, pourrait être un élément déterminant de la stagnation de l’espérance de vie dans les pays les plus riches.
Dans tous les domaines environnementaux, la recherche doit évidemment concerner d’abord les humains, mais immédiatement ensuite les autres êtres vivants. Il est notamment urgent de comprendre, puis de trouver comment pallier la disparition rapide des oiseaux (diminution surtout du nombre d’individus par espèce, outre la disparition d’espèces). Il en va de même pour la disparition, plus rapide et plus inquiétante encore des insectes. Enfin, dans certains cas plus rares mais également importants, des substances ou conséquences des activités humaines peuvent également être positives, de manière collatérale, c’est-à-dire sans que cet effet soit voulu. Ces effets doivent également être compris pour pouvoir être ensuite répliqués.
Pour ce qui concerne la gestion du réchauffement climatique déjà en cours, la question de la géo-ingénierie se pose. Faut-il tenter de modifier le climat dans l’autre sens ? Étant donné notamment les degrés d’incertitude à ce sujet, à court et moyen terme, seuls les moyens dont nous savons qu’ils peuvent être réversibles sans technologie nouvelle sont raisonnables (ex : plantation agissant sur l’albédo…). L’injection massive de CO2 dans l’atmosphère a constitué une sorte d’anti géo-ingénierie aveugle. La captation du carbone est une manière de nous ingénier à retrouver de meilleurs équilibres.
Réflexions et décisions collectives
Comme l’écrivait Michel Serre, le pessimisme fait vendre, l’optimisme (et les propositions concrètes) c’est pour la lutte. La collapsologie est un exercice de pensée utile quand l’effondrement n’est pas pensé comme inévitable. Rappelons que de nombreuses prévisions catastrophistes passées se sont révélées fausses (surpopulation, pluies acides, pollutions nucléaires), ceci ne signifiant pas que le risque de catastrophe à venir est faible. Des ruptures environnementales catastrophiques ne sont pas exclues, notamment des effets de type « boules de neige”, en particulier le risque d’emballement exponentiel du réchauffement climatique.
Dans le domaine de l’agriculture, la technologie a créé des miracles alimentaires et des catastrophes écologiques. Un retour de l’agriculture du « temps de nos grands-parents » signifierait presque certainement la mort de dizaines voire de centaines de millions de personnes, à commencer par les plus pauvres ! Il faut une agriculture biologique moderne. L’automatisation, la robotisation pour des cultures ciblées et diversifiées et pour faciliter la réutilisation de tous les déchets biocompostables, la culture hors-sol, la création de nourriture (« viande artificielle ») in vitro et sans souffrance animale font partie des moyens pour nourrir les citoyens en laissant de l’espace pour la biodiversité.
Tout effet collatéral, toute modification non voulue de l’environnement n’est pas un dommage. Tant pour les produits nouveaux que pour les conséquences déjà en cours, il est utile d’analyser aussi si, dans certains cas (qui ne seront pas les plus fréquents), il n’y a pas également des conséquences positives pouvant aboutir à des progrès thérapeutiques, à une vie de plus en plus longue et en bonne santé.
Comme transhumanistes, nous pensons qu’un monde dans lequel les femmes et les hommes pourraient vivre beaucoup plus longtemps et être davantage maîtres de leur corps et de leurs sensations (améliorations cognitives) serait une planète où les individus prendraient beaucoup plus en compte l’environnement, car ils sauraient qu’ils peuvent y vivre encore bien au-delà du siècle. Rappelons aussi, en ce qui concerne la question du risque de surpopulation, qu’en ce début de 21ème siècle, c’est là où les humains vivent le moins longtemps qu’il y a une croissance de la population très forte (Les gens qui vivent longtemps ont peu d’enfants).
Par ailleurs, l’idée de transformer les humains eux-mêmes pour les adapter à un environnement changé ne nous paraît pas souhaitable dans un avenir prévisible. Mais surtout, il est absolument impossible de réaliser cette hypothèse à court et moyen terme alors que les changements débutent déjà. Premièrement, l’humain tel qu’il est peut vivre dans une gamme de température extrêmement variée, deuxièmement, nous adapter serait « encourager » à des changements plus dangereux encore, et, troisièmement, la perspective de politiques coercitives pour parvenir rapidement à un tel résultat serait inacceptable pour des démocrates.
Par contre, il est deux autres directions dans lesquelles nos sociétés ont intérêt à travailler pour améliorer leurs dispositions à la question environnementale. Il s’agit de l’Éducation et de la neurobiologie.
Une Éducation de qualité pour tous est importante, notamment pour oeuvrer à la libération de la femme, donc à son indépendance en termes de fécondité, ce qui se traduit en général par une baisse de la natalité, donc des consommations et des dégradations environnementales associées. Mais il faut également commencer à éduquer au questionnement technologique y compris les aspects liés au transhumanisme dès l’enfance, afin que ses enjeux soient inclus dans la problématique environnementale.
De nombreux transhumanistes considèrent également que nous ne devons pas négliger la piste de la neuro-amélioration. Il paraît probable qu’une part de nos comportements écologiquement irresponsables (tendance à l’accumulation, à l’Avoir, limites de nos capacités de projection ou d’empathie, etc.) proviennent de prédispositions mentales que nous avons héritées des conditions de vie paléolithiques. Si nous parvenons à développer suffisamment les neurosciences, nous pourrions être capables de proposer à chacun de faire le choix, en toute liberté, de mieux contrôler, voire d’améliorer ces prédispositions.
Enfin, « La Terre est le berceau de l’humanité, mais on ne passe pas sa vie entière dans un berceau » écrivait Constantin Tsiolkovski il a plus d’un siècle. Un jour, nous pourrions quitter cette planète, mais cette perspective est tellement lointaine aujourd’hui qu’elle ne doit être aucunement un alibi pour ne pas se préoccuper d’environnement. Au contraire, si nous voulons un jour pouvoir envisager un épanouissement au-delà de nos frontières spatiales, cela passe d’abord par notre capacité à garder notre environnement actuel viable. Même la perspective d’amener des matières premières en quantités exploitables provenant de l’espace est encore très hypothétique. Réfléchir à ces questions de manière prospective, dans un souhait de dépassement : oui ; y voir une solution aux difficultés contemporaines, non.
Décroissances du non renouvelable et futur plus collectif
Une décroissance radicale de l’utilisation des ressources non renouvelables et des sources de pollution est nécessaire. Cette décroissance radicale doit être globale. Une situation dans laquelle nous consommons des produits moins polluants mais avec une croissance forte de la consommation est nuisible à l’environnement (c’est la catégorie de tout ce qui s’appelle l’effet rebond). En ce sens, à court et moyen terme, toute solution technologique est insuffisante. Une dimension politique est également nécessaire. Les mesures incitatives ne sont pas suffisantes. Il faut des changements de comportement collectifs assurant globalement, pour chaque État et pour chaque citoyen (sauf les plus pauvres) une diminution progressive radicale de l’empreinte écologique. Cela signifie notamment des optiques moins agressives commercialement et moins consuméristes.
L’utilisation efficace de l’intelligence artificielle permet l’automatisation et, l’optimisation des process de production de biens industriels et de consommation avec de moindres demandes en énergies, en matières premières et un meilleur recyclage. L’utilisation d’imprimantes 3D bien gérées permet de diminuer le besoin de stocks des utilisateurs.
Il faut signaler que l’amélioration de la longévité, contrairement à ce que pensent certains, permet de ralentir voire inverser la croissance de la population (et donc la consommation) . Ainsi, le Japon, pays champion de longévité, a la plus forte baisse de démographie des grands pays de la planète.
La maîtrise technologique, avec une dimension collective, passant par la mise en commun des connaissances et de nombreuses ressources, notamment dans une économie « open source » des savoirs, est un élément indispensable pour devenir plus humain dans un environnement durable. Par effet collatéral positif, les choix politiques et environnementaux pourraient générer plus d’égalité en demandant moins d’efforts aux moins favorisés. Tout ceci permettra une transition qui ne se fera pas sans difficulté, mais qui peut combiner décroissance de l’empreinte écologique et croissance du bien-être.
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