Note de lecture : The Transhumanist Reader
Max More et Natasha Vita-More nous proposetn cette anthologie réunissant nombre d'acteurs du transhumanisme. L’une des impressions qui se dégage au fil des articles c’est l'idée d’une grande variété. Selon les auteurs et leurs points d’intérêts, l’attention du lecteur oscillera car tant dans la forme que dans le fond, cet ouvrage démontre que les visions monolithiques du mouvement transhumaniste sont erronées.
Publié le 31 octobre 2014, par dans « transhumanisme »
The Transhumanist Reader
Classical and Contemporary Essays in the Science, Technology, and Philosophy of the Human Future
Max More & Natasha Vita-More
Le si redouté T-Word
Le transhumanisme… derrière ce terme né pourtant bien avant le mouvement qu’il désigne aujourd’hui se cache une réalité contrastée et des concepts variés. Le terme véhicule une image parfois si négative que le philosophe américain Francis Fukuyama le qualifie “d’idée la plus dangereuse au monde”. L’assertion parut si véhémente qu’elle eut quelque écho dans la communauté des gens se réclamant de ce courant de pensée ; le philosophe transhumaniste Nick Bostrom y consacra d’ailleurs un papier. Il essaya de comprendre le pourquoi d’un tel rejet qui plus est chez une figure en vue de l’establishment intellectuel d’outre-Atlantique.
Il faut dire que l’idée transhumaniste s’attaque à l’intime. Les technologies de la révolution NBIC promettent de transformer l’homme, de l’améliorer et d’en faire un posthumain. C’est cette forme radicale de perception de notre nature qui peut peut-être choquer. Les religions ont du mal à se positionner et nombreux sont ceux qui se méfient ou condamnent quand d’autres y voient une nouvelle religion, prenant appui sur les annonces parfois trop idéalisées de certaines figures de proue comme Ray Kurzweil.
Mais toutes ces critiques tombent souvent sous le même biais : ils voient le transhumanisme comme un tout unifié et monolithique, une sorte de philosophie politique figée. Or il n’en est rien. Ce mouvement est très varié et dynamique opposant parfois des visions très différentes de ce qu’est être transhumaniste. C’est ce que ce livre démontre, entre autres choses.
A propos des anthologistes
Ainsi donc, Max More et Natasha Vita-More réunissent dans cette anthologie des textes divers et variés de grandes figures du transhumanisme. L’objet est de couvrir les principaux thèmes du mouvement de l’humain augmenté à la Singularité, en passant par la longévité et les impacts sociaux-politiques de ces technologies.
Il faut dire que ces deux là ne sont pas inconnus des transhumanistes anglo-saxons, même si leur notoriété est moindre de ce côté-ci de l’océan.
Max More est le fondateur de la première organisation transhumaniste, l’Extropy Institute qui promouvait l’extropianisme : cette idée que nous devrions être proactifs et prendre notre évolution à bras le corps en utilisant toutes les technologies à notre disposition pour nous améliorer, afin de dépasser notre condition et devenir ce posthumain capable de prouesses hors de portée de l’homo sapiens. Le tout dans une logique à la fois rationaliste et optimiste comme le précise Max More dans un article sur les principes extropiens. Il est aujourd’hui le PDG d’Alcor société leader mondial de la cryonie.
Natasha Vita-More est une des principales porte-parole du mouvement transhumaniste aux États-Unis. Elle a défendu le droit à la liberté morphologique que nous permettront les technologies à venir ; au même titre que nous avons aujourd’hui la liberté d’opinion nous pourrions acquérir le droit de choisir librement les modifications que nous nous autoriserions sur notre propre corps. Actuellement, elle est la présidente de Humanity+ qui est la principale organisation transhumaniste et dont l’ancien nom est d’ailleurs World Transhumanist Association.
Ancrage dans la science d’un mouvement contrasté
Si, jusqu’à présent dans cette critique, je n’ai que peu parlé de l’ouvrage et beaucoup plus de ce qui entoure le thème auquel il se réfère, c’est qu’il est difficile à résumer. En effet, l’une des impressions qui se dégage au fil des articles c’est cette idée d’une grande variété. Selon les auteurs et ses points d’intérêts, l’attention du lecteur oscillera car tant dans la forme que dans le fond, cette anthologie démontre que les visions monolithiques du mouvement transhumaniste sont erronées.
Le choix est vaste, en effet, entre les réflexions freudiennes sur l’intelligence artificielle d’un Marvin Minsky et la présentation de la Singularité technologique d’un Vernor Vinge ; avec la présence de réflexions philosophiques ou de postures politiques ; ou encore avec la promotion d’une victoire sur le vieillissement par Aubrey de Grey jusqu’au fascinant dialogue entre Ray Kurzweil et Eric Drexler. Bref, cet ouvrage nous emmène dans un voyage en Transhumanie qui décrit un futur exaltant, certes plein d’incertitudes et pas sans risques, mais où domine une confiance en l’Homme capable de se dépasser, bien loin des Cassandre qui voient dans chaque progrès technique notre future Némésis.
Cependant, un point commun se dégage aussi de cet ouvrage, tant par le contenu que par le pedigree des intervenants majoritairement doctorants : la réflexion transhumaniste est très ancrée dans le rationalisme scientifique. Loin des clichés qui voudraient présenter ce mouvement comme l’illustration d’une pensée technicienne irrationnelle, il en est tout autre. Il apparaît ainsi que ce mouvement de pensée s’appuie sur les avancées scientifiques pour déployer son discours ; et si certains se sont laissé emporter par des prédictions parfois hasardeuses, cela est loin d’être représentatif.
De plus, il apparaît aussi que par son rapport au savoir et le fait que l’être humain est toujours au centre des préoccupations, la pensée ne déshumanise pas la technologie… mais fait plutôt le contraire. Et par nombre d’aspects, elle n’est qu’un prolongement moderne de la pensée humaniste née de la Renaissance.
Cyril Gazengel
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