Révision de la loi de bioéthique : prises de position

En 2018, un grand débat national est organisé dans le cadre de la révision de la loi de bioéthique. Afin de prendre part à ce débat, l'Association Française Transhumaniste prend position sur plusieurs sujets.

Publié le 20 février 2018, par dans « Homme augmentéImmortalité ?Passages médiasQuestion socialeRisquestranshumanisme »

La partie 1 rappelle les principes généraux que nous mettons en avant. La partie 2 concerne les thèmes définis par le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). La partie 3 concerne d’autres thèmes que nous souhaiterions voir abordés.

Plus d’infos sur la révision des lois de bioéthique.

 

1. Principes généraux

– Nous n’affirmons pas que toute technologie est nécessairement positive : toute technologie a ses risques et ses bénéfices. Cependant, nous rejetons toute condamnation « essentialiste » d’une technologie. La question qui doit se poser face à une nouvelle technologie est de savoir si elle est souhaitable, dans une optique conséquentialiste, en mettant en balance ses risques et ses bénéfices (pour l’individu et pour la société).

– Il n’y a pas de raison d’interdire ce qui ne nuit pas à autrui. Un interdiction a priori (ou le maintien d’une interdiction) n’est justifié que s’il y a un risque important pour la société (faisant l’objet d’une estimation scientifique très forte).

– Une action ne peut être considérée comme immorale que si elle cause du tort ou de la souffrance. Par ailleurs, s’opposer à une action qui pourrait soulager la souffrance (ou augmenter le bonheur) sans causer de tort est, d’une certaine façon, immoral.

 

2. Thèmes mis en avant par le CCNE

 

Recherche sur les cellules souches et sur l’embryon

Comme dit plus haut, nous sommes attentifs à la question de la souffrance. Cependant, pour les recherches dont il est question ici, il est scientifiquement avéré qu’il n’y a pas de souffrance en jeu.

Le délai légal d’avortement fixé par la loi n’est pas arbitraire : il correspond à un stade de développement où il n’y a pas de cerveau, donc pas de souffrance possible. Affirmer le contraire n’a pas de base rationnelle. Les opposants à l’avortement utilisent la forme humanoïde de l’embryon pour jouer sur nos sentiments, car nous avons tendance à empathiser avec ce qui nous ressemble.

Concernant les cellules souches, la question est encore moins ambigüe, car il s’agit d’un stade beaucoup plus précoce : un amas de cellules dont on ne peut distinguer aucune forme précise. Il est techniquement impossible que la recherche sur les cellules souches embryonnaires cause une quelconque forme de souffrance. Elle pourrait, en revanche, permettre des avancées médicales extraordinaires, qui permettraient une grande réduction de souffrance.

Le CCNE met en avant la notion de « personne potentielle ». Cette notion, une fois détachée de la notion de cerveau ou de système nerveux, est difficilement viable sur le plan philosophique. En effet, toute combinaison d’ovule et de spermatozoïde est une personne potentielle. Mais seule une infime fraction de ces personnes potentielles verront le jour, quoi que nous fassions. Nous considérons que l’on ne peut parler de droits que pour une personne avérée, et la capacité de ressentir est l’une des conditions nécessaires pour cela.

Nous sommes donc, de façon très nette, favorables à la recherche sur les cellules souches et sur l’embryon.

 

Diagnostic préimplantatoire

Aujourd’hui, dans le cadre d’une PMA, une femme ne peut avorter qu’après implantation. Si cela ne cause pas de souffrance intra-utérine (cf. plus haut), cela peut en revanche causer une souffrance physique et morale à la femme concernée. Cette souffrance pouvant être évitée par le diagnostic préimplantatoire, nous y sommes donc favorables.

 

Séquençage ADN

Aujourd’hui, le séquençage ADN est extrêmement réglementé en France. En dehors de la recherche médicale, un patient ne peut demander de séquençage que dans un cas d’extrême nécessité établi par un médecin.

Nous considérons qu’un individu a le droit de connaître son ADN et ses prédispositions génétiques. Priver la population et les médecins d’un outil de diagnostic qui pourrait sauver des vies est un exemple clair de création d’un risque réel (erreur de diagnostic) au profit d’un risque imaginaire : il n’y a pas de problèmes graves (justifiant une interdiction) dans les pays autorisant l’analyse ADN au grand public.

Par ailleurs, une personne qui en a les moyens peut aisément effectuer un tel séquençage à l’étranger. Les restrictions actuelles ne concernent donc, de facto, que les personnes les plus pauvres (comme l’avortement avant sa légalisation). Aujourd’hui, par exemple, plus de 9 tests de paternité sur 10 en France sont réalisé de façon illégale.

Bien entendu, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille autoriser les compagnies d’assurance à exiger ces données ADN. En Suisse, par exemple, cela est explicitement interdit. Il s’agit donc d’une question législative et non d’une question technique.

 

Gestion des données médicales

Le machine learning sur de grandes bases de données médicales permet des progrès importants. Il faut mettre en place une politique permettant de constituer de larges bases de données médicales, tout en garantissant l’anonymat de chaque individu (ou, à défaut, la confidentialité de ses données médicales).

 

PMA, GPA et euthanasie

Nous sommes favorables à la PMA et à l’euthanasie (avec accord de la personne), car cela rentre dans le cadre de la liberté de disposer de son corps. Nous sommes également favorables à une légalisation encadrée de la GPA, dans la mesure où celle-ci reste gratuite (comme le don d’organes).

 

3. Thèmes que nous souhaiterions amener dans le débat

 

Autoriser les expérimentations sur des sujets volontaires, en particulier pour l’allongement de la durée de vie

Beaucoup de personnes sont prêtes à faire don de leurs organes à la médecine. De la même façon, certaines personnes (dont certains membres de notre association) seraient prêts à se porter volontaire pour des tests visant à allonger la durée de vie en bonne santé, à condition d’être pleinement informés des risques. En contrepartie, les bénéfices pourraient être de vivre effectivement plus longtemps, tout en permettant d’importants progrès à la recherche dans le domaine.

Nous pensons qu’il est temps de traiter les gens comme des adultes sur la question des tests médicaux. Nous parlons bien entendu ici de tests bénévoles et réglementés, comme l’actuel don du sang. Voir cet article pour plus de détails sur la question.

 

Repenser le principe de précaution

Le principe de précaution, inscrit dans la constitution depuis plusieurs années, éveille les critiques de nombreux chercheurs, qui y voient un « principe d’inaction ». En effet, la « certitude scientifique absolue » est un standard tellement haut qu’il est souvent impossible à atteindre. Par ailleurs, la formulation floue du principe rend son champ d’application beaucoup trop vaste.

Avec les standards de précaution actuel, par exemple, les grands vaccins n’auraient probablement pas été découverts et mis en œuvre. Ils ont pourtant sauvé des millions de vie. Il faut faire attention au biais du statu quo : nous avons l’impression subconsciente que l’inaction est toujours moins risquée que l’action. Or, ce n’est pas toujours le cas, loin de là.

Nous invitons à rouvrir le débat sur le principe de précaution, au vu des éléments d’information que nous avons acquis depuis sa mise en place. Nous pensons qu’il pourrait être souhaitable de le faire évoluer vers un « principe de risque raisonnable » (le risque zéro n’existant jamais en pratique).