Quel est le rôle du comité d’experts sur le génome humain de l’OMS
Introduction À la suite de l’annonce retentissante de la naissance de bébés génétiquement modifiés par le biologiste Chinois He Jankui, l’Organisation mondiale de la santé, prise de cours, a réuni 18 experts chargés de participer à la régulation internationale de l’édition du génome humain. Leur mission est de “viser au développement de standards de gouvernance... [lire la suite]
Publié le 20 juillet 2019, par dans « transhumanisme »
Introduction
À la suite de l’annonce retentissante de la naissance de bébés génétiquement modifiés par le biologiste Chinois He Jankui, l’Organisation mondiale de la santé, prise de cours, a réuni 18 experts chargés de participer à la régulation internationale de l’édition du génome humain. Leur mission est de “viser au développement de standards de gouvernance et de surveillance de l’édition du génome humain” afin d’encadrer les pratiques pour éviter les dérives éthiques.
À la suite de leur première réunion de mars dernier, les experts ont déclaré qu’il serait “irresponsable” de permettre des applications cliniques impliquant l’édition du génome de cellules germinales, autrement dit des gamètes, qui sont par définition transmissibles à la descendance.
Petit aperçu du rôle de ce comité d’experts, créé très récemment et des enjeux qui entourent ces questions d’ordre bioéthique:
Un consensus international possible ?
Le 29 novembre 2018, quelques jours à peine après la révélation d’He Jankui, la communauté scientifique retient son souffle pour l’ouverture du 2eme sommet international sur l’édition du génome humain. La naissance de deux bébés immunisés génétiquement contre le VIH en Chine est, de fait, au centre des débats.
Ce sommet est le fruit de la collaboration de 4 grandes académies (Académie des sciences de Hong Kong, Royal society de Londres, Académie nationale des sciences des États-unis, l’Académie de médecine des États-unis). L’idée était donc de réunir une majorité des scientifiques spécialisés dans ces questions de modification génomique, suite à l’émergence de la technique CRISPR/cas9 qui facilite les expérimentations en tous genres. Il s’agit pour les 500 personnes présentes (scientifiques, spécialistes d’éthique, représentants de patients) de se prononcer en faveur ou contre l’édition génomique sur les cellules d’embryon qui, contrairement aux cellules d’un individu plus “âgé”, modifie également l’ADN des gamètes entraînant une possible transmission de cette modification génétique à la descendance.
La communauté scientifique mondiale a, depuis de nombreuses années, une tendance au bio-conservatisme justifiée par des considérations morales et éthiques. Néanmoins, certains chercheurs méconnaissent ces principes et se permettent des expérimentations impliquant l’édition génomique des embryons. Ce fut le cas en Chine avec l’expérience de He Jankui. Il semblerait qu’un biologiste russe soit sur le point de réaliser la même expérience avec une méthode qu’il prétend plus sûre.
Le rôle délicat du comité d’experts de l’OMS
Pour les experts chargés de la régulation internationale de l’édition génomique la question n’est pas si simple. En effet, s’il considère que l’édition génomique est “une promesse incroyable pour la santé”, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus (directeur général de l’OMS) considère que cela pose toutefois un grand nombre de questions à la fois sur le plan éthique et médical.
Durant leur première réunion à Genève, le 18 mars derniers, les experts du groupe “WHO expert advisory comitee on Developing global standards for governance and oversight of Human Genome editing” ont analysé l’état actuel des connaissances scientifiques en matière de modification du génome humain. Ils ont également affirmé leur attachement aux principes de transparence dans leurs recherches comme dans leurs recommandations.
Plus généralement, une de leurs premières recommandations a été la suivante : prévoir la création, sous l’égide de l’OMS, d’un registre des recherches sur l’édition du génome humain afin de centraliser et rendre publiques les données concernant les expériences en cours.
Durant les deux prochaines années, les experts vont donc alterner rencontres physiques et consultations virtuelles avec un large panel de personnes allant des spécialistes d’éthique aux groupes de patients. Ainsi, l’OMS donne à ce groupe une responsabilité politique non négligeable puisque son rôle est de favoriser l’émergence de règles communes d’un point de vue international. Toutefois, tant qu’une charte ne sera pas rédigée puis ratifiée par les États, ces recommandations n’ont aucune force contraignante pour encadrer les travaux des chercheurs.
La création d’une association indépendante par les chercheurs eux-mêmes
Depuis décembre, une autre instance a été spontanément initiée par des spécialistes de biologie cellulaire et des éthiciens du monde entier qui partagent l’envie de discuter ensemble de l’encadrement de l’édition génomique. Cette association, intitulée “Association for responsible research and innovation in genome editing” (ARRIGE), a pour but de réunir des chercheurs de plusieurs nationalités et de promouvoir le débat sur les questions de bioéthique indépendamment d’organisations étatiques ou internationales. Les experts s’y réunissent afin d’échanger et, selon leur statuts “de promouvoir une gouvernance globale de l’édition du génome à travers un large réseau pour tous les acteurs du domaine, en particulier les acteurs académiques”.
Logiquement, on retrouve dans les membres de l’association ARRIGE de nombreux responsables nationaux de laboratoire ou d’instituts de recherche en édition génomique ou de spécialistes en bioéthique qui interviennent également au sein du comité d’expert de l’OMS. Au regard de la fréquence des réunions de ce dernier, il semble assez logique de déduire que ce sont les discussions physiques ou virtuelles (grâce au forum mis en place par l’association ARRIGE) qui forgeront le débat en amont des prises de décisions qui auront lieu au sein du comité de l’OMS.
En parallèle de ces réunions à l’OMS, la recherche en génomique ne s’arrête pas.
Par exemple, l’entreprise britannique GlaxoSmithKline, un des dix géants de l’industrie pharmaceutique, a annoncé sa collaboration pour les 5 ans à venir avec l’université de Californie dans la recherche en génomique dans le but de concevoir de nouveaux traitements, notamment en utilisant la technique d’édition génomique CRISPR/cas9. L’américaine Jennifer Doudna, qui a participé au développement de cette technologie novatrice avec la française Emmanuelle Charpentier, devrait rejoindre ce laboratoire au budget dépassant 60 millions de dollars.
Chloé Rousset, juillet 2019.
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