Réalité Virtuelle : un langage émergent
Réalité Virtuelle : un langage émergent
Publié le 27 janvier 2019, par dans « transhumanisme »
Par Valentin Kyndt, membre de l’association.
Gros pataquès, environ un an de cela, autour de la VR ! Et depuis… on attend. Point mort ? Non, au contraire. Ça se développe toujours +, en toujours + d’applications possibles. Ah, où en sont mes manières. VR, pour les personnes qui ne seraient pas encore dans la confidence du terme, signifie Virtual Reality ce qui donne en FR le titre de cet article : Réalité Virtuelle. Expression pouvant faire tiquer certains, car d’évidence on conçoit les deux termes comme antinomiques. Sacrebleu ! par définition, le virtuel n’est pas réel. Beh, en vrai, c’est plus complexe que ça. On peut songer à l’utilisation du terme virtu par N.Machiavel dans son livre Le Prince, où s’affiche toute l’ambiguïté du concept. Si on regarde l’étymologie du Littré et du site CNRTL, le « virtuel » provient de virtu qui renvoi à la signification de vertu, force, puissance. Bref, plus on cherche plus on tend vers la conclusion que le virtuel n’est pas synonyme de fictif, ou d’irréel. Voilà pour la littérature, mais si on planche sur l’état des lieux actuel, on ne peut, pareillement, qu’arriver à cette même conclusion.
En quoi un simple livre ne serait pas une sorte de simulation ? En quoi même penser et parler avec ce qu’on appelle des mots ne serait pas une simulation ? Voilà grosso modo le topo de mon taf sur la VR. Le titre est Réflexe Virtuel – Chronique d’un langage émergent. J’y postule que, de la même façon que le langage verbal qu’on utilise en commun au sein d’une communauté (ex: le français pour la francophonie), la VR en devenir est une espèce de plateforme sur laquelle on se regroupe. On peut y penser, communiquer, traduire, faire imaginer, transmettre x, y et z. Aujourd’hui, on se demande comment on pourrait transmettre certaines idées/émotions sans le recours au langage verbal, ou plutôt à la traduction du concept mental brut, du ressenti brut de l’émotion en une forme médiatique abordable, compréhensible : des mots et des structures syntaxiques. En mathématique aussi on a recours à des symboles d’une efficacité redoutable comme celle d’exprimer la force de gravitation par la courte formule suivante : F = G x (M1xM2)/D². La force de gravitation correspond à un phénomène bien concret physiquement, et on utilise le mot force pour le qualifier/désigner, et en mathématique on le résume à une lettre, F, au sein d’une formule brève. Toutes ces couches de symboles (écrit comme oral) du langage verbal nous permettent de naviguer dans des abstractions. Abstractions qui nous étaient accessibles difficilement, si ce n’est accessibles tout court, auparavant. Pourtant, ces entités abstraites existent bel et bien, elles ne sont pas vraiment fictives, au pire elles complètent ou enrichissent/complexifient notre réalité biologique la plus élémentaire. Ce langage verbal constitue donc un outil intégré extrêmement puissant, plein de potentiels.
Oui, cependant il y a aussi des limites, comme on l’a vu avec l’exemple innovant du langage mathématique. Si l’on devait exprimer cette formule en n’étant muni que de mots, on pourrait dérouler des parchemins entiers de phrases énigmatiques… sans parvenir à cerner l’objet de notre attention. Pensons aussi aux difficultés que l’on rencontre lorsque, chez le toubib, nous devons exprimer avec des mots un mal spécifique, qui nous paraît pourtant très clair en nous. Et bien, songeons alors au potentiel d’expression énorme qui se dessine par l’évolution de la VR dans notre quotidien. Elle ne va certainement pas remplacer le verbal classique mais compléter nos outils de pensée et de communication. Une continuité ! Certains artistes savent mieux communiquer par les images que par le verbal, pareil pour l’univers sonore des musiques et films/séries. Alors imaginons ce que ces univers immersifs de la VR pourront vraisemblablement nous offrir bientôt, à tous. Bien entendu, dit ainsi, ça nous parait un peu capillotracté car on ne s’imagine pas se balader avec un aussi gros casque h24. Mais ce serait comme de réduire les potentiels de l’écrit à une gravure sur monolithe d’il y a des milliers d’années : << Tiens tu as vu le monolithe que je t’ai envoyé ce matin ? >> :p
Tous ces mécanismes du langage existant et émergent sont détaillés et mis en perspective dans l’essai Réflexe Virtuel. Ah et – oué – du coup la destinée de ce livre n’est pas de se perdre dans un labyrinthe de sempiternelles élucubrations « qu’est-ce que le réel ? », de rejouer à Matrix version philo pour ado. Ouf ! Au contraire on y balise des contours essentiels, bien concrets, de façon analytique, holistique et parfois un peu métaphorique, pour la forme 😉
En quoi la VR aurait un lien avec le H+ ? Et bien on se pose souvent la question du propre de l’humain, et même s’il est difficile de réduire la spécificité de l’humain à son langage verbal élaboré, il est aussi difficile d’affirmer qu’il n’y a aucun rapport. Ce média nous donne la possibilité de ramener des souvenirs, des textes vieux de plusieurs milliers d’années, de nous projeter dans des scénarios pour le futur, d’anticiper ceci-cela. Pareil pour la VR, dans des proportions beaucoup plus profondes. Le verbal est utilitaire, mais aussi consubstantiellement (désolé pour le gros mot) poétique. Pareil pour la VR. On pourra donc continuer à explorer notre humanité à toute berzingue, dans quasiment tous les domaines : science, industrie, artisanat, santé, art, histoire, religion, social, etc. En attendant un développement plus consistant, intuitif et mobile de ce média-plateforme en devenir, les qualités du verbal, et notamment de l’outil livre, permettent encore et toujours des usages gargantuesques ! Pour nous, là, aujourd’hui, tout de suite. Alors autant profiter de ce média construit sur le terrain par une pratique millénaire. #teamlivre Parce qu’il n’y a pas à choisir entre le low et le high tech. Parce que le livre est la réalité virtuelle hightech d’hier. Parce que le smartphone n’a plus dix ans devant lui.
Petites précisions : je considère que la VR n’est pas vraiment dépendante du support casque actuel. Elle pourrait se compléter par ce qu’on appelle aujourd’hui de l’AR, pour « augmented reality », des hologrammes, du XR, pour mixed reality, etc. Je considère aussi que tous ces termes et distinctions vont probablement s’effacer pour garder un seul terme générique, plus pratique au quotidien, probablement le terme de VR mais peut-être un autre terme qui n’existe pas encore. Je considère encore que la VR constituera un nouveau langage commun à l’humanité, et nous permettra de penser et de communiquer de manière différente du verbal actuel, donc probablement d’appréhender de nouvelles idées, de nouvelles modalités, nuances, abstractions, réalités, etc. Mon postulat est que le verbal est déjà une sorte de scénarisation permanente, tellement permanente qu’on n’y pense plus de la sorte, qu’on est limite incapable de penser et de communiquer en dehors de ce média « intégré ». La VR en devenir ouvre donc vraisemblablement des potentiels gigantesques, dans la continuité du verbal.