Résurrections : connaissances et croyances. La mort de la mort. Janvier 2018. N° 106.

Chacun d’entre nous est le descendant d’une longue lignée de cellules qui ont continué à fonctionner et à se diviser pendant des milliards d’années

Publié le 25 janvier 2018, par dans « Immortalité ?transhumanisme »

 

Chacun d’entre nous est le descendant d’une longue lignée de cellules qui ont continué à fonctionner et à se diviser pendant des milliards d’années, ce qui nous semble être la preuve la plus solide que la durée de vie des systèmes cellulaires peut en principe être prolongée indéfiniment. Jim Mellon, milliardaire britannique ayant écrit un livre en faveur d’investissements privés pour la longévité (avec Al Chalabi dans le livre Juvenescence, 2017, traduit de l’anglais).


Thème du mois: Revenir d’entre les morts ?


Revivre dans son corps régénéré après la mort. C’est une idée fréquemment envisagée par les religions, mais également abordée parfois par les scientifiques contemporaines, par la littérature et enfin par des prospectivistes optimistes.


Résurrections religieuses

Les croyants, presque universellement, envisagent la possibilité d’une existence après la mort. Cette existence peut prendre des formes innombrables : réincarnation dans un autre corps, fusion avec d’autres êtres, transformation en un « esprit », passage dans une âme immatérielle, …

Dans de nombreux cas, il est affirmé que le corps de la personne décédée pourra être reconstitué, soit à l’identique, soit sous une forme améliorée.

La forme de résurrection qui vient d’abord à l’esprit de la plupart des lecteurs francophones est la résurrection telle qu’elle est décrite par l’Eglise catholique et plus largement par les chrétiens. Au jour du Jugement Dernier, les femmes et les hommes reviendront d’entre les morts et retrouveront leur corps d’antan. Cependant, ce corps sera amélioré puisque les humains ressuscités ne souffriront plus (sauf s’ils vont en enfer) et seront immortels.

Dans la religion catholique, Dieu a également la possibilité des ressusciter des humains avant la fin des temps (pour Jésus, qui est à la fois Dieu et homme mais aussi pour Lazare).

Généralement, les chrétiens du 21e siècle pensent que la mort, puis la résurrection, sont les conditions de la transformation des corps en entités immortelles. C’est cependant inexact car selon les textes chrétiens, le Christ viendra juger les vivants et les morts.

Pendant près de deux millénaires, l’église a accordé beaucoup d’importance à l’enterrement car le corps était supposé revenir à la vie par une « reconstitution » à partir des restes enterrés. Cela n’a cependant jamais été une condition de la résurrection. Un chrétien qui meurt par exemple noyé ou dans un incendie peut ressusciter. Aujourd’hui d’ailleurs, l’incinération du corps n’est presque plus désapprouvée par les catholiques.

Pour les musulmans, les conceptions sont assez proches, mais l’enterrement dans un linceul, le corps tourné vers la Mecque est une exigence religieuse stricte, malgré que cela ne soit pas non plus indispensable à la résurrection.

Il faut noter que, même si les textes religieux fondamentaux n’ont pas changé, la conception du retour à une enveloppe charnelle très similaire à celle d’avant le décès semble devenir moins forte. De plus en plus, le concept de vie après la mort devient plus « abstrait », plus éthéré…

Dans l’Egypte antique, la résurrection était également envisagée, mais elle exigeait une préparation des morts extrêmement complexe et exigeante à savoir tout le travail d’embaumement. Seuls ceux qui avaient été correctement préparés pouvaient revenir à la vie, ressusciter à l’issue d’un parcours hasardeux et dont la préparation avant la mort était très coûteuse.

Résurrections dans les conceptions populaires et dans l’art

Le retour d’après la mort est un thème courant dans les littératures fantastique, de science-fiction et populaire. Il peut s’agir d’un événement surnaturel ne concernant qu’une ou quelques personnes, mais également d’une situation plus courante.

Souvent, les êtres ranimés sont animés de mauvaises intentions. Les vampires, zombies et autres morts-vivants ont été abordés dans la lettre de janvier 2013. Un récit détaillé de science-fiction est Le monde du fleuve dans lequel tous les humains ayant vécu sur la planète sont ressuscités par une civilisation technologique.

Ressuscitations et conceptions contemporaines

Le concept de ce qu’est la mort d’un être humain varie selon les époques, selon nos connaissances scientifiques, voire nos perceptions philosophiques.

Par le passé, les modalités d’établissement du décès étaient moins strictes qu’aujourd’hui et bien sûr le niveau de connaissance était moindre. Il pouvait donc arriver qu’une personne déclarée morte « se réveille ». L’idée qu’une personne une fois enterrée puisse reprendre conscience et mourir « à nouveau » dans le cercueil terrorisait un nombre important d’européens au 19è siècle. Pour éviter cela, il semble qu’il arrivait que ceux chargés d’enterrer « croquent » un orteil du mort (d’où le surnom de « croque-mort« ) pour que la douleur fasse bouger celui qui serait seulement inconscient. Certains riches inquiets se firent même construire un cercueil adapté (parfois d’un système breveté!) avec ouverture automatisée et accès à une sonnette pour appeler au secours en cas de réveil sous terre.

Lors d’un décès, la respiration s’arrête (le « dernier souffle »), le coeur s’arrête, la température corporelle n’est plus maintenue et le cerveau cesse de fonctionner. Pour la respiration, pour le rythme cardiaque et pour la température corporelle, il peut arriver, notamment suite à des accidents graves, que les fonctions interrompues soient rétablies après une situation qui, normalement, ne laissait plus d’espoir. Dans les cas de rétablissement, le terme de ressuscitation sera employé. La température corporelle la plus basse jamais atteinte sans décès est de 12 degrés, la période la plus longue sans respiration de 23 minutes (dans ce cas, il ne s’agissait pas d’un accident mais d’une expérimentation) et la période la plus longue sans battement cardiaque de 96 minutes.

Pour ce qui concerne le fonctionnement du cerveau, il arrive aujourd’hui fréquemment, qu’une personne dont le coeur et les poumons fonctionnent encore (et donc qui par le passé aurait été considérée comme vivante) soit déclarée cliniquement morte car il n’y a plus d’activité cérébrale détectée. Il peut arriver que des personnes pour lesquelles plus aucune activité n’était détectée retrouvent à nouveau des activités cérébrales mais, en principe, cela s’explique par une déficience des instruments de mesure et pas par une activité cérébrale qui s’était « arrêtée » avant de « redémarrer ».

Enfin, un nombre important de personnes ont eu l’impression de « revenir » d’une situation médicale extrême qui a pu être perçue par le personnel soignant comme une mort clinique. Les patients revenus à la pleine conscience décriront qu’ils ont ressenti une décorporation, un tunnel de lumière, une paix intérieure (mais parfois aussi malheureusement de la terreur). Il s’agit des expériences dites de mort imminente, généralement considérée aujourd’hui comme s’expliquant par des mécanismes neurologiques.

Ressuscitation après cryogénisation

Depuis 50 ans, certaines personnes font conserver leur corps à très basse température après leur décès (cryonie). Actuellement, il s’agit de quelques centaines de corps de femmes et d’hommes qui sont ainsi conservés à -196° Celsius dans de l’azote liquide, surtout aux Etats-Unis. L’espoir est qu’un jour, il sera possible de les ranimer.

Ceci est actuellement très hypothétique notamment parce que :

  • il n’a jamais été possible de ranimer un animal cryogénisé de plus grande taille qu’un ver nématode;
  • les produits injectés dans le corps de la personne après son décès pour rendre la cryogénisation plus efficace empêcheraient sa survie ultérieure;
  • après avoir ranimé la personne, il faudrait la guérir de ce dont elle est décédée;
  • si une personne était ranimée, il n’est pas certain  que son cerveau fonctionnerait encore;
  • si un jour, il devient techniquement possible de ranimer, il faudra encore décider de le faire (cela pourrait être refusé pour des raisons sociales, juridiques ou autres), en avoir les moyens financiers et vérifier que le corps a été conservé convenablement (sans « panne de refroidissement », sabotage, erreur, …).

Mais ceci ne signifie pas nécessairement que ranimer restera toujours impossible.

Certains ont aussi envisagé, plutôt que de se faire cryogéniser, de se faire conserver par plastination, c’est-à-dire que les différents liquides organiques sont remplacés par du silicone, ce qui permet de préserver les tissus à température ambiante. Ceci n’a cependant probablement encore jamais été mis en pratique dans un but de ressuscitation éventuelle.

Résurrection prospectiviste

Il y a déjà plus d’un siècle, le philosophe russe orthodoxe « cosmiste » Nikolaï Feodorov imaginait que, dans un futur lointain, il serait possible de reconstituer les corps par des moyens scientifiques. Si Nikolaï Feodorov vivait aujourd’hui, son idée de reconstitution physique des corps serait probablement partiellement étayée par l’examen des possibilités contemporaines ouvertes par les imprimantes 3D et les développements informatiques permettant de simuler des environnements.

Et après-demain ?

La résurrection réalisable par la médecine n’est pas envisageable dans un avenir prévisible. Mais l’ensemble des réflexions dans ces domaines enrichit les débats relatifs à la longévité d’aujourd’hui, de demain et d’après-demain.


La bonne nouvelle du mois : Juvenescence, le livre qui donne toutes les raisons d’investir pour la longévité


Le milliardaire britannique Jim Mellon explique aux candidats investisseurs, dans un ouvrage de 437 pages, les raisons médicales, sociales, politiques, économiques et, bien sûr, financières pour lesquelles il est important et utile d’investir dans les entreprises qui effectuent des recherches pour la longévité. Jim Mellon et son coauteur Al Chalabi ont notamment rencontré les plus grands spécialistes mondiaux du sujet.

Il n’est pas interdit aux responsables publics de France et d’ailleurs de se poser les mêmes questions. Ceci peut se faire notamment en termes de bonne allocation des deniers publics dans le cadre des traitements de prévention, voire de guérison des maladies liées au vieillissement, d’investissements utiles potentiellement à tous les citoyens âgés et de régulations pour garantir l’accès de thérapies nouvelles au plus grand nombre.


Pour en savoir plus:

 

 

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Vice-président de l’AFT-Technoprog Je me définis comme un activiste du social essayant de promouvoir l’égalité et la solidarité à tous les niveaux notamment grâce aux progrès technologiques utiles qui nous permettent de vivre mieux, plus longtemps et d’échanger de plus en plus de connaissances. En savoir plus