J’ai testé pour vous… le cerveau augmenté

Qu'est-ce que cela ferait d'avoir un "cerveau augmenté" ? J'en ai eu un petit aperçu récemment, et c'est vraiment vertigineux. Par Pierre-Antoine Dekker.

Publié le 8 septembre 2023, par dans « Homme augmenté »

Cet article est assez long, donc voici un petit résumé de son contenu :

– Votre humble serviteur a expérimenté une substance « X » (dans un contexte 100% légal) qui affecte profondément le fonctionnement du cerveau pendant quelques heures. Lisez pour plus de détails, mais vous ne devez en aucun cas sauter la partie « disclaimer ».

– Subjectivement, cela permet d’atteindre des états de conscience très variés et intéressants. Celui qui m’intéresse ici est un état de « flow » radical, où l’on est intégralement dans l’instant présent, où toutes les tâches s’enchaînent sans effort, et où tout semble incroyablement satisfaisant.

– La manière même de penser est altérée, d’une manière très difficile à décrire. Les pensées s’enchaînent de façon très claire et rapide, de manière trop intense pour un débutant. Mais la perspective de « maîtriser » cette manière de penser est vertigineuse.

– Scientifiquement, « X » endort le « gendarme » du cerveau, le faisant ainsi passer d’un fonctionnement « vertical » à un fonctionnement davantage « horizontal ». Cela fait communiquer entre elles des zones du cerveau qui ne se « parlent » que très peu en temps normal (cf. l’image d’illustration de l’article), et le niveau d’activité du cerveau explose.

– La substance « X » pose quelques petits problèmes, et je n’encourage en aucun cas son usage ici. Toutefois, résoudre lesdits problèmes ne semble pas du tout hors de portée, avec un effort de recherche scientifique suffisant.

– Si une telle substance voisine « Z » était développée et approuvée légalement, cela permettrait de démocratiser cet état de « flow ». Ce qui serait, je pense, un bénéfice énorme pour l’humanité, en termes de joie de vivre, de productivité, de degré de conscience et de réalisation de son potentiel.

Introduction

Le sous-titre de ce site internet est : « Nous prônons l’usage des sciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales humaines. »

OK, parlons donc de l’amélioration mentale. J’avoue que c’est l’un des aspects du transhumanisme qui me fascine le plus : qu’est-ce que cela ferait d’avoir un cerveau « augmenté » ? Cela semble (par définition) impossible à imaginer avec notre petit cerveau d’homo sapiens, tout comme une grenouille ne pourrait pas imaginer ce que cela fait d’être un humain.

Et pourtant, j’ai pu en avoir un aperçu récemment. Par quel moyen ? Bon, là, c’est le moment où je dois prendre des pincettes, elles-mêmes tenues avec des pincettes.

Pincettes et contexte

Abordons le sujet ainsi : j’ai consommé une substance X dans un pays Y, un pays où cela est parfaitement légal en 2023 (sous un format bien précis, du moins). Je ne promeus aucunement l’usage de cette substance, y compris dans un cadre légal. Mon but ici est de faire un parallèle entre cette expérience vertigineuse (que je ne peux plus « dé-avoir ») et la perspective transhumaniste de l’augmentation mentale.

A ce stade, certains lecteurs se diront peut-être : « Ah, OK, c’est un junkie qui va nous raconter ses frasques… Qu’est-ce que cela vient faire sur le site de l’AFT ? »

Si vous êtes tentés de porter ce genre de jugement, laissez-moi juste dire deux choses :

– Avec une très forte probabilité, vous consommez quotidiennement une drogue d’augmentation légère : le café, afin de donner un petit « coup de fouet » à votre cerveau au réveil. Certains consomment même des boissons énergisantes de type « Red Bull », dont l’effet est beaucoup plus violent. Si vous prenez du café ou du Red Bull pour vous « réveiller » et être plus productif au travail, alors vous consommez délibérément une drogue d’augmentation cognitive.

– Avec une très forte probabilité, vous consommez également, de manière occasionnelle, une drogue psycho-active à vocation récréative : l’alcool. J’ajouterai même : une drogue beaucoup plus dure, toxique et dangereuse que celle dont je vais parler. Si, lors d’une soirée, vous avez enchaîné quelques verres dans le but d’atteindre un état d’ébriété, même légère, alors votre démarche est la même que quelqu’un qui consomme une substance psychédélique dans le but d’avoir un « trip ». La seule différence est que l’effet de l’alcool sur le cerveau est beaucoup plus basique et inintéressant (mais pas moins violent).

Insistons bien sur ce point : la seule différence qualitative entre la consommation d’alcool et de café, et ce dont je vais parler ici, c’est l’acceptabilité culturelle et sociale. Ce ne sont même pas des drogues « plus légères » : enchaîner les canettes de Red Bull peut vous envoyer aux urgences, et enchaîner les shots de vokda (outre les risques pour la santé) peut vous amener à avoir des comportement extrêmement dangereux. Tout est dans le dosage.

Nous allons donc parler d’une substance dite « psychédélique ». Plus particulièrement, d’un « aliment » dont l’effet est identique à celui des champignons hallucinogènes, à ceci près que son statut légal est très différent, au moins dans un pays. Il s’agit des « magic truffles » (« truffes magiques »), qui sont en vente libre dans les « smartshops » d’Amsterdam.

Si vous vous interrogez sur la différence avec les champignons hallucinogènes : disons, pour faire simple, que c’est une sorte de champignon que l’on aurait forcé à se développer de façon totalement souterraine (« sclerotium »). Pour des raisons légales un peu étranges qui regardent les Pays-Bas, il se trouve que les champignons hallucinogènes sont illégaux, alors que les « magic truffles » sont en vente libre.

Ce nom un peu « goofy » suggère une substance, disons… stupide, que l’on consommerait avant d’aller à un festival de musique électronique, par exemple. C’est, effectivement, un usage possible. Mais ce n’est qu’une infime partie du potentiel de cette substance.

Dernier disclaimer avant de continuer : ici, je vais uniquement parler de la consommation de « magic truffles » à Amsterdam (un produit très précis, à un endroit très précis). Je ne vais en aucun cas parler de champignons hallucinogènes, que je n’ai jamais consommés, dont la consommation est fortement réprimée en France, et dont je dois donc fermement déconseiller l’usage. Par ailleurs, je n’encourage personne à se rendre à Amsterdam afin d’essayer ces fameuses « truffes » (ni moi, ni l’AFT). Si, à un moment donné de votre vie, vous êtes néanmoins amenés à le faire (pour des raisons indépendantes de cet article), alors je vous incite très vigoureusement à passer au minimum cinquante heures à vous renseigner sur le sujet, avant toute consommation, même légère. En particulier, vous devez faire très attention à toute contre-indication médicale : anti-dépresseurs, schizophrénie, interaction avec d’autres substances… Bien que non-addictive et quasiment non-toxique, il s’agit vraiment d’une substance « extrême », comme on va le voir dans un instant, et il ne faut surtout pas la prendre à la légère.

Ceci étant dit, passons aux choses intéressantes.

La substance X

La substance psychédélique contenue dans les « truffes magiques » est la psilocybine. Elle explique la plupart des effets sur le cerveau, mais pas tous (notamment le fait que l’effet peut beaucoup varier entre deux variétés de truffes différentes, à concentration égale).

Dans la suite de cet article, je vais simplement appeler cette substance « X » (note : rien à voir avec le rebranding de Twitter par Elon Musk).

Mais avant de parler de X sous un angle scientifique, je me dois de décrire « littérairement » l’expérience. Je me considère comme une personne extrêmement rationnelle, et pourtant, X pose un sérieux challenge à ma rationalité. Le langage ordinaire ne permet pas de décrire correctement l’expérience, et raconter cette expérience de manière poétique et métaphorique peut être (paradoxalement) une description beaucoup plus fidèle et précise.

Qu’est-ce que X, subjectivement ? C’est… beaucoup de choses. Beaucoup trop de choses à la fois, même. Cela peut rendre légèrement euphorique, et rendre toutes nos perceptions plus sensibles et aiguisées : couleurs plus vives, objets plus détaillés, sons plus profonds… Cela peut provoquer des hallucinations visuelles très belles, très effrayantes, ou les deux à la fois. Cela peut plonger dans un état de terreur absolue, ou donner le sentiment de sombrer dans la folie pendant plusieurs heures, où le temps semble s’écouler infiniment lentement. Cela peut déclencher une transe extatique où tout semble faire sens, et où tous les sens se mélangent (la fameuse « synesthésie » : les images ont un goût, les sons ont une texture tactile…). Cela peut distordre la perception de l’espace : tout semble trop proche, et en même temps trop éloigné, et en même temps à la bonne distance. Cela peut dissoudre l’égo, et donner le sentiment d’être « un » avec l’Humanité ou avec la Nature. Cela peut donner envie d’éclater de rire et de fondre en larmes, simultanément. Je pourrais continuer longtemps…

Mais l’effet dont je voudrais parler ici, c’est le suivant : avec la bonne variété et le bon dosage, cela peut donner le sentiment, pour le dire assez grossièrement, d’avoir « 300 de QI » (note : je suis très critique du QI comme indicateur d’intelligence, mais vous voyez l’idée). C’est sans doute en partie une illusion, mais pas que : X altère profondément la manière même de penser.

Mon cerveau sous X

Parlons de cet état précis, que j’ai accidentellement atteint lors de l’un des mes « trips » (après diverses expérimentations en termes de variétés et de dosage). Représentez-vous un instant la satisfaction qu’un savant fou éprouverait au moment où il fait une découverte géniale, ou celle qu’éprouverait un « evil mastermind » en élaborant un plan diabolique (tel le Joker dans Batman). Imaginez à présent ressentir cette satisfaction de manière continue, pendant des heures, à propos de tout et n’importe quoi, avec de grands éclats de rires intarissables. Tout semble incroyablement intéressant, complexe, satisfaisant. La musique, en particulier, semble dix fois plus entraînante qu’en temps normal. On discerne de nouvelles structures dans des musiques pourtant familières, des structures musicales que l’on peut presque toucher, lécher, manger. Je pourrais passer des heures à écouter une playlist de musique « énergisante », en jonglant avec un objet quelconque, et en éclatant de rire.

Ceci est l’état émotionnel général. Mais le plus intéressant, c’est l’altération de la manière même de penser. Là encore, c’est extrêmement difficile à décrire. Les consommateurs réguliers parlent de « patterns de pensée différents », faute de mieux. Les pensées s’enchaînent très rapidement, comme des images sur un smartphone, avec une structure très précise, une structure que l’on peut presque visualiser (et toucher, manger… comme dit plus haut). C’est comme si on pouvait jouer au piano avec tous les concepts. Ou plutôt, de la guitare électrique, vu le sentiment d’énergie extrême. Les mots mêmes du langage semblent avoir des yeux, des dents et des tentacules (cette phrase n’a aucun sens, mais elle en a clairement un, sur le moment). Et c’est extrêmement satisfaisant. Et drôle. Et vertigineux.

Pour pousser le parallèle avec un instrument de musique, je pense que je suis tel un enfant de 6 ans en train de s’amuser avec un piano. Mais qui commence à savoir jouer quelques mélodies très basiques. Et qui entrevoit, à terme, la possibilité de jouer du Mozart ou du Chopin.

Pour le moment, je suis très loin de maîtriser l’instrument « cerveau sous X ». Les pensées s’enchaînent tellement vite que cela provoque des « carambolages » de pensées, qui provoquent eux-même d’énormes éclats de rire incontrôlables.

Dans la Silicon Valley, de nombreuses personnes font ce que l’on appelle du « micro-dosing » de X (ou autres substances psychédéliques) : des prises quasi-quotidiennes de petites quantités, trop faibles pour déclencher un « trip », mais suffisantes pour surfer sur la frontière du trip, et booster leur productivité. On peut expérimenter cet état en fin de trip : l’effet est redevenu assez faible pour ne plus être submergé et perdre le contrôle… tout en restant assez fort pour en exploiter les bénéfices : patterns de pensée altérés, satisfaction, focus, etc. C’est un peu l’équivalent intellectuel de prendre un demi-verre d’alcool pour être « un peu joyeux ».

(Note : là encore, je n’encourage en aucun cas la pratique du micro-dosing, même dans un contexte 100% légal. Et encore moins la consommation quotidienne d’alcool !)

Tout cela est bien joli, mais qu’est-ce qui se passe exactement dans le cerveau, lorsqu’il entre en contact avec X ?

Ce qui se passe vraiment dans le cerveau

J’ai écouté de nombreuses conférences sur le sujet, mais en voici une qui synthétise bien les aspects les plus intéressants, et que je vous encourage à écouter, si vous comprenez l’anglais :

Une notion centrale, ici, c’est celle de « Default Mode Network » (DMN). C’est une notion que j’ai rencontré dans de nombreux livres sur les neurosciences ou la méditation. Pour faire simple, il s’agit, comme son nom l’indique, de la zone du cerveau qui est activée « par défaut », lorsque l’esprit n’est pas occupé à quelque chose de précis.

Et, pour le plus grand malheur de l’humanité, cette zone du cerveau est également la source de la plupart de nos souffrances : rumination de pensées négatives et auto-dévalorisantes, anxiété, dépression, pensées suicidaires… Une citation très appropriée, que j’avais lue dans un livre de méditation : « the idle mind is the Devil’s workshop » (« l’esprit désoeuvré est l’atelier du Démon »). On pourrait d’ailleurs ajouter deux petites voyelles, et « DMN » devient « DeMoN »…

Et donc, que fait X au cerveau ? Eh bien, principalement : cela « endort » le DMN. Et cela a un effet inattendu et spectaculaire : cela réveille des connexions neuronales entre d’autres zones du cerveau, des zones du cerveau qui ne se « parlent » presque jamais entre elles, en temps normal (d’où la fameuse « synesthésie », entre autres). La représentation graphique ci-dessous est assez éloquente :

Il s’agit d’une représentation de l’activation des connexions neuronales entre diverses zones du cerveau. A gauche, en temps normal. Et à droite, « sous X ».

(Source : https://www.wired.com/2014/10/magic-mushroom-brain/ )

Ainsi, de façon paradoxale, « endormir » une certaine zone du cerveau (une zone assez vilaine et déplaisante, comme mentionné plus haut), cela peut… « réveiller » un potentiel caché dans le cerveau, en provoquant de nouvelles connexions neuronales.

Métaphoriquement, représentez-vous une soirée dans un restaurant, avec 6 ou 7 personnes. L’une d’elle est le DMN : un mec lourd, un peu bourré, qui parle très fort, monopolise complètement la parole, et passe son temps à se plaindre. Puis, soudain, cette personne désagréable quitte le restaurant… et les personnes restantes peuvent enfin discuter entre elles, et avoir des discussions très intéressantes, sur leurs goûts respectifs, sur le sens de la vie, etc.

De façon extrêmement intéressante, la visualisation ci-dessus est similaire à ce que l’on peut observer dans le cerveau d’un expert en méditation, lorsqu’il est en train de méditer. Je parle ici de la « méditation en pleine conscience », une pratique assez mal nommée, car il ne s’agit pas vraiment de méditer sur le sens de la vie. Il s’agit plutôt d’essayer d’être pleinement dans l’instant présent, et de focaliser son esprit sur une sensation ou une idée précise, avec la puissance et la précision d’un laser.

D’une certaine manière, X permet d’expérimenter, pendant quelques heures, l’état d’esprit d’une personne experte en méditation (mais sans la sagesse qui va avec, d’où les comportements potentiellement dangereux de certains débutants). C’est précisément ce qui est recherché à travers le micro-dosing : booster cette « capacité de focalisation » sur une tâche précise, et ainsi être beaucoup plus productif (au lieu de se perdre dans la procrastination et la rumination de pensées négatives, comme nous savons malheureusement si bien le faire).

En me relisant, je m’aperçois que je n’ai même pas abordé l’un des aspects les plus fascinants de X : sa capacité à « recâbler » les connexions du cerveau de façon durable. Il y a également une amélioration significative et durable de la capacité à apprécier la musique (à « kiffer la vibe », comme certains diraient), un aspect dont je me suis très bien rendu compte, et sur lequel je pourrais écrire un article entier. Mais cet article est déjà beaucoup trop long. Si ces deux aspects vous intéressent, voici un podcast par un chercheur de Stanford qui en parle en détail, ainsi que de bien d’autres choses (le podcast est chapitré) :

Perspectives transhumanistes

Pour diverses raisons, je ne peux ni ne veux faire la promotion de X. En revanche, après tout ce que j’ai dit plus haut, je peux faire un parallèle avec le transhumanisme.

Imaginez que, dans un futur proche ou lointain, on développe un produit nommé « Z », aux effets comparables à X, mais avec peu d’effets négatifs ou imprévisibles (qui est, je pense, la principale raison de sa « non-légalité » dans la plupart des pays). Un produit qui aurait passé tous les tests d’approbation médicale et légale, et serait disponible librement en pharmacie, pour une somme dérisoire, tel une boîte d’aspirine (qui, en passant, est un produit largement plus dangereux que X).

Un des « inconvénients » de X est que l’on développe une tolérance extrêmement rapide. Cette tolérance est complètement remise à zéro après quelques semaines, mais elle a pour conséquence qu’il est impossible d’avoir un « trip » quotidien avec une dose fixée. D’où le fait que beaucoup optent pour le micro-dosing.

Mais imaginons que le produit Z n’ait pas ce problème de tolérance, et permette d’accéder à l’intensité d’un « trip » quotidiennement. Pour le dire autrement, le produit Z serait un produit capable d’endormir notre DMN de façon prévisible et quotidienne. Au vu des progrès scientifiques actuels, la création d’un tel produit ne me semble pas du tout hors de portée, dans les décennies à venir.

Je me demande ce que serait ma vie si je pouvais moduler à volonté le niveau d’activité de mon DMN, aussi facilement que l’on règle le volume d’une musique sur un baladeur. Lorsque son activité est largement réduite, suis-je encore vraiment moi-même, ou une sorte de « double », comme Docteur Jekyll et Mister Hyde ? Quel pourcentage de ma vie pourrais-je passer dans cet état de transe, de rêve éveillé ? Est-ce que je pourrais m’y habituer complètement, ou faudrait-il que je me « repose » plusieurs heures par jour, en revenant dans mon état « normal » ? En tout cas, dans cet état, je me sens un peu comme un « humain augmenté », utilisant davantage le potentiel de mon cerveau, ayant atteint un degré de conscience un peu plus élevé.

Tout cela n’est que de la spéculation, mais je me plais à imaginer ce que donnerait une humanité qui pourrait consommer cette hypothétique « pilule Z » quotidiennement. Serait-elle plus heureuse ? Très probablement : de nombreuses conférences mentionnent des cas de guérison spectaculaire de dépression avec X (note : là encore, je déconseille de tenter quoi que ce soit à ce niveau, et de toujours se renseigner très en détail avant d’approcher toute nouvelle substance). Serait-elle plus « consciente » ? Définitivement, c’est un peu comme si l’expertise en méditation était soudain démocratisée. Serait-elle plus intelligente ? Je serais prêt à parier là-dessus, si l’on alterne les états « normaux » et « augmentés » avec la bonne fréquence. J’ai dit plus haut que le « cerveau sous X » était comme un instrument de musique qu’on pourrait apprendre à maîtriser. Si Z existait, ce serait sans doute le cas également.

Sauf erreur de ma part, rien ne m’interdit de me faire l’avocat de recherches visant à créer cette hypothétique « pilule Z », en respectant l’éthique médicale et les étapes de légalisation, bien entendu. Généraliser une telle substance demanderait de nombreuses expérimentations très prudentes, de plus en plus larges. Notons cependant que l’on a déjà généralisé des composés bien plus dangereux : les opioïdes (qui font des ravages de santé publique aux Etats-Unis), et les anti-dépresseurs (qui sont très loin d’être une solution idéale pour la dépression). Sans même parler de l’alcool, que l’on peut acheter librement partout et consommer en quantité illimitée, jusqu’à mettre en danger notre sécurité et celle des autres, voire notre propre vie. En vertu de ces « jurisprudences », créer et légaliser le « composé Z » semblerait assez raisonnable en comparaison, et les bénéfices seraient incomparablement plus élevés que toutes les substances susmentionnées.

Enfin, rappelons qu’il existe une « face sombre » du transhumanisme, développée dans des fictions telles que Black Mirror, où des technologies d’augmentation cérébrale seraient utilisées pour contrôler et soumettre les populations, par exemple. Face à ces perspectives angoissantes, le « composé Z » serait presque une forme de contre-pouvoir démocratique, voire révolutionnaire. Dans sa « war on drugs », le président américain Richard Nixon a notamment voulu tuer dans l’œuf la contre-culture psychédélique, en mettant ces substances dans le même panier que la cocaïne ou l’héroïne. Cela a stoppé net la recherche sur X, qui n’a repris que récemment, lentement et péniblement. Si cette interdiction (y compris pour la recherche) n’avait pas eu lieu aux Etats-Unis, je pourrais parier, avec une assez bonne confiance, que Z existerait déjà. Et que nous vivrions globalement dans un monde beaucoup plus sympathique… voire, osons le dire : transhumaniste.

En facilitant la recherche sur X (aujourd’hui très complexe et laborieuse, pour des raisons légales héritées de l’ère réactionnaire de Nixon), nous ne sommes peut-être qu’à quelques décennies de la création de Z. Qu’en pensez-vous ? Cela devrait-il être une cause transhumaniste ? Voire, tout simplement… humaniste ?

Merci d’avoir lu jusque là. Si vous souhaitez me contacter à propos de cet article : pierre.antoine.dekker@gmail.com

Pierre-Antoine Dekker

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