Viande artificielle par la biologie de synthèse – Frankenburger ?

Communiqué de presse en réaction de la première dégustation publique d'un steak haché (viande de synthèse) entièrement issu de la biologie de synthèse.

Publié le 12 août 2013, par dans « Question socialetranshumanismeTransition Laborale »

Cette semaine a été proposée à Londres la première dégustation publique d’un steak haché entièrement issu de la culture in vitro de cellules souches. Cette originalité gastronomique permise par la prouesse de l’équipe du professeur Mark Post de l’université de Maastricht aux Pays-Bas a donné lieu à des réactions diverses. Par exemple, l’appellation péjorative de « Frankenburger » donnée à ce premier plat produit par biologie de synthèse (ex : « Frankenburger » : dégustation du premier steak de bœuf « in vitro »).

Analyse de cet événement par l’Association Française Transhumaniste « Technoprog »

Une technologie en plein développement

Les processus de création d’aliments à partir de cellules-souches sont encore loin d’être maîtrisés notamment parce que les substances actuellement utilisées pour nourrir les cellules sont elles-mêmes issues d’animaux (N.D.E : en 2021, cette affirmation nécessite une mise à jour). Mais l’arrivée d’aliments provenant de la biologie de synthèse constitue bien potentiellement l’une des nombreuses étapes dans notre évolution collective parce qu’elle induit probablement à terme des modifications dans ce que nous sommes au sens biologique. Même s’il est trop tôt pour pouvoir l’affirmer avec certitude, il nous paraît logique de penser qu’une modification importante dans la constitution de notre alimentation à l’échelle cellulaire devrait finir par se traduire, au moins sur le long terme, par des modifications de notre propre biologie (À court ou moyen terme, il parait plus probable que nous voyons d’abord débarquer dans nos assiettes d’avantage d’algues ou … d’insectes).

La nourriture influe sur notre biologie

En leur temps, le passage d’une alimentation de chasseurs-cueilleurs (paléolithique) à celle d’agriculteurs-éleveurs (néolithique), ou le passage de l’alimentation peu transformée des populations essentiellement rurales (de l’antiquité à l’époque moderne) à celle très transformée des population majoritairement citadines (époque contemporaine) ont eu des conséquences génétiques ou épigénétiques sur l’évolution de l’espèce humaine (modification de la dentition, réactions au gluten, augmentation de la durée de vie …). De la même manière, l’être humain ne serait pas l’être humain s’il n’avait pas inventé cette transgression fondamentale qu’est la consommation d’aliments cuits, transgression qui est devenue indispensable à notre existence quotidienne. Ainsi pareillement, il serait étonnant qu’une généralisation à grande échelle et sur une longue période de temps de la consommation de nourriture issue de la biologie de synthèse ne finisse pas par se traduire par des adaptations spécifiques de notre condition biologique. Le simple fait, par exemple, que ce fameux hamburger ne contienne absolument aucune graisse ne provoquera-t-il pas des spécificités en terme de digestion ?

Un bio-conservatisme très mal placé

Mais une appellation comme « Frankenburger » sous entend une chose : en manipulant le vivant à leur guise, les scientifiques commettraient un véritable hybris, une transgression sacrilège dont les conséquences ne pourraient que nous être dramatiquement néfastes. C’est là une approche largement irrationnelle, certes nourrie par les multiples scandales sanitaires qui ont éclatés ces dernières années notamment dans les filières de l’alimentation animale (du bœuf aux hormones au trafic de viande de cheval en passant par la « vache folle »), mais surtout sous tendue par la sourde conviction que toucher au vivant, c’est mal !

Position de l’Association Française Transhumaniste « Technoprog » sur la biologie de synthèse

Une analyse transhumaniste amène à penser au contraire que nous devons assumer notre capacité croissante à manipuler le vivant en visant sans cesse l’amélioration de nos conditions d’existence. Il n’est pas souhaitable de nous raidir dans des positionnements « bioconservateurs » face à ces progressions technologiques. Ce qui est nécessaire, c’est de développer au mieux le cadre dans lequel nous pourrons en exploiter les avantages de manière pertinente et responsable.

C’est la raison pour laquelle les transhumanistes « techno-progressistes » comme ceux de l’Association Française Transhumaniste « Technoprog » appellent non seulement à encourager la recherche dans le domaine de la biologie de synthèse mais encore à consacrer des parts de budget très importantes dans la prévention des risques. La recherche des toxicités ou des effets secondaires éventuels doit être menée dés l’origine, en parallèle avec le développement des nouveaux produits et elle doit être systématique. Parce que lorsqu’il s’agit de toucher au plus intime du vivant et de l’humain, il est impératif de faire preuve du plus haut degré de responsabilité. Pour les mêmes raisons, il est nécessaire que les pouvoirs publics s’engagent pour s’assurer que le développement industriel de ces technologies ne donne pas lieu à des dérives provoquées par l’appât inconsidéré des bénéfices qu’elles pourraient susciter. En une telle matière, la recherche de l’intérêt financier à court terme pourrait bien, lui, être une nouvelle fois à l’origine de conséquences dramatiquement néfastes. En même temps qu’une réglementation appropriée, ce dont nous aurons besoin, ce sera d’innovateurs responsables.

Conclusion

Ainsi, la capacité annoncée par cette première scientifique de développer une alimentation de synthèse permettrait de limiter l’élevage et l’abattage bovin, de réduire les souffrances animales qui y sont associées, de faire des économies en eau et en surfaces agricoles ou de réduire l’effet de serre. Mais elle pourrait également nous permettre de mieux maîtriser un chainon supplémentaire d’un processus qui participe de notre définition en tant qu’humains : le fait que nous mangeons. Ce ne doit pas être une source de frayeur irrationnelle mais une source d’espoir.

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