Longévité, IA, risques existentiels : dangers et opportunités (partie A)

Aujourd’hui, comme presque chaque jour depuis plus de cinquante ans, nous vivons le jour le plus heureux parce que partout dans le monde, notre espérance de vie, notre santé ainsi que notre confort matériel n’ont cessé d’augmenter. Mais c'est également le jour le plus dangereux car chaque jour, notre capacité à détruire ne fait qu’augmenter elle aussi.

Publié le 17 janvier 2016, par dans « Risques »

 

Partie A : Nous vivons mieux mais dangereusement des vies encore bien trop courtes

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1. Aujourd’hui est le jour le plus beau et le plus dangereux de l’histoire de l’humanité

 

Aujourd’hui, comme presque chaque jour depuis plus de cinquante ans, nous vivons le jour le plus heureux parce que partout dans le monde, notre espérance de vie, notre santé ainsi que notre confort matériel n’ont cessé d’augmenter. Malgré l’impression que nous en donne l’actualité médiatique, la famine et la guerre déclinent. L’espérance de vie globale augmente tous les jours de 5 à 6 heures. Ceci est directement dû à nos progrès en matière de croissance économique, d’entente et de compréhension entre cultures et sociétés, de paix, d’hygiène et de science médicale.
Mais c’est également le jour le plus dangereux car chaque jour, notre capacité à détruire ne fait qu’augmenter elle aussi.

L’arme nucléaire reste toujours à ce jour l’arme la plus destructrice à notre disposition. L’inquiétude face à ce risque n’est plus aussi vivace qu’autrefois. Il n’en reste pas moins que si les relations internationales devaient se dégrader, au moins un des huit pays disposant de l’arme nucléaire pourrait entrer en guerre. Ceci pourrait entraîner rapidement un conflit nucléaire généralisé.

Nous avons en réalité été chanceux en ce qui concerne les armes nucléaires durant les 70 dernières années. Les développements ont été relativement lents comparés à d’autres domaines. Assembler une arme aussi destructrice reste une tâche extrêmement complexe. Pouvez-vous vous imaginer un monde dans lequel fabriquer une arme nucléaire serait à la portée de l’organisation terroriste moyenne ? Ou pire encore, à la portée de n’importe quel individu avec un tant soit peu d’argent, assez pour acheter suffisamment de matériel fissile et l’expertise de quelques scientifiques atomiques ?

Le risque de conflits aboutissant à des destructions massives, avec toutes ses conséquences, loin de diminuer, est en fait en hausse.

En effet :

  • Les progrès technologiques grandissants et généralisés de ces dernières années se poursuivent. Ils peuvent être appliqués à l’amélioration des armes nucléaires.
  • Une technologie plus poussée peut nous mener à la conception d’armes de destruction massive basées sur d’autres principes, à ce jour inconnus, que ceux sur lesquels les armes nucléaires actuelles sont basées.
  • Nous pourrions utiliser une intelligence artificielle capable de débuter une guerre, que cette guerre soit nucléaire ou encore d’un autre type non imaginable à l’heure actuelle.

Eliezer Yudkowsky, un théoricien en intelligence artificielle, a un jour remarqué en plaisantant à moitié que tous les 18 mois le quotient intellectuel minimum suffisant pour détruire le monde diminue d’un pourcent.

Il commence déjà à être possible de contrôler un ordinateur et ses opérations par la pensée. Certaines armées utilisent déjà des drones, dont le contrôle est en partie délégué à un ordinateur..

Si ce pouvoir est offert à un grand nombre, il ne faudrait pas longtemps pour que la technologie de demain, alliée au manque de sagesse d’aujourd’hui, ne mène à un cataclysme. Il pourrait théoriquement suffire d’une seule personne fortement déprimée ou psychologiquement instable pour détruire le monde tel qu’il est aujourd’hui.

Nous pouvons tempérer le pessimisme qui précède en notant que le risque total encouru à cause des progrès technologiques n’est pas déterminé seulement par notre capacité à détruire, mais aussi par notre capacité à protéger. S’il est possible de déclencher une vague de destruction généralisée avec juste une pensée, il devrait alors aussi être possible de réagir à la vitesse de la pensée pour empêcher ce désastre, pour enclencher et diriger les mécanismes qui auront été mis en place pour nous protéger. Cependant, l’équilibre entre l’attaque et la défense est bien souvent précaire. Par exemple, il n’existe pas encore à ce jour de bonne parade à l’arme atomique et encore moins à son utilisation locale par un dirigeant militaire dans son propre pays.

Une autre façon de tempérer ce pessimisme est d’envisager que nos sociétés décident largement de ne pas utiliser ou développer d’armes qui seraient trop dangereuses et de concentrer l’inventivité dans d’autres domaines.

 

 

2. Développer la recherche en matière de longévité est important

 

Chaque jour, 110.000 personnes environ meurent de maladies dues au vieillissement. Par comparaison, les maladies transmissibles, la guerre, la famine, les crimes violents, les accidents, les suicides de par le monde entier tuent en les combinant tous ensemble, deux fois moins de personnes. Il n’y a aujourd’hui plus une seule personne encore vivante de par le monde qui soit née avant le 29 avril 1899, date où une voiture (“La jamais contente”) dépassa la vitesse de 100 kilomètres à l’heure pour la première fois. La voiture est, elle, toujours entière.

Le droit à la vie, aussi longtemps que possible et souhaité, est non seulement un des droits les plus fondamentaux de l’homme, mais aussi un des plus nécessaires, car il préconditionne la possibilité de jouir de tous les autres droits.

Si nous acceptons d’envisager la possibilité que le vieillissement puisse être soigné grâce aux progrès de la science, alors nous pouvons affirmer qu’en 2016, il n’y a pas de problématique politique, économique ou sociale plus importante que celle d’investir dans la recherche qui nous permettra d’enrayer la sénescence.

Une vie plus longue et plus saine n’est pas seulement importante au niveau de l’individu. C’est aussi quelque chose de positif pour la société dans son ensemble. De nombreux risques seront réduits si nous vivons plus longtemps. En effet :

  • Nous serons plus prudents car abréger prématurément une vie plus longue aura plus de poids, en d’autres termes une vie plus longue aura plus de valeur.
  • Nous aurons plus de temps pour apprendre à comprendre, aimer et respecter notre prochain.
  • Si la mort devient un événement exceptionnel, le trauma psychologique causé par le fait de tuer quelqu’un sera bien plus fort. De nos jours, tuer quelqu’un ne fait en fait qu’avancer un peu l’heure de sa mort, qui est de toute façon proche et inéluctable. Dans une société où la mort est bien plus rare, un meurtre devient un crime encore bien plus impensable.
  • Les personnes plus âgées commettent moins de crimes que les personnes plus jeunes, particulièrement les crimes violents. La différence dans les niveaux de criminalité commence très tôt. La relation inverse entre âge et criminalité est déjà assez prononcée chez les jeunes adultes. Ceci signifie que la différence n’est pas due principalement à la faiblesse physique des personnes âgées. Le facteur principal semble être qu’apprendre à vivre harmonieusement en société prend du temps. Un adulte de 30 ans, voire même un jeune adulte de 25 ans, sera déjà moins violent qu’un adulte plus jeune. Mais un adulte ayant la chance de vivre beaucoup plus longtemps le sera bien moins encore.

 

 

3. Développer la recherche en matière de longévité est extrêmement difficile

 

Durant les 150 dernières années, l’espérance de vie a progressé d’en moyenne trois mois chaque année. Cependant, la plus grande partie de ces gains sont dus à la baisse de la mortalité infantile, ainsi qu’à la diminution du nombre de morts dues aux épidémies et à la violence en général.

Ce n’est que depuis quelques dizaines d’années que les progrès médicaux permettent également de réellement s’attaquer efficacement aux maladies liées au vieillissement.

Malheureusement, cette amélioration ne concerne que l’espérance de vie moyenne. Pour ce qui est d’une vie vraiment beaucoup plus longue, l’espérance de vie maximale n’a pas vraiment changé. La première personne à atteindre et dépasser l’âge de cent ans a presque certainement vécu quelque part en Chine ou en Grèce il y a de cela plus de deux millénaires. Le nombre de personnes atteignant un âge aussi avancé reste toujours très faible, même dans la société contemporaine. Le nombre de centenaires de par le monde est estimé à moins d’un million, à peine un citoyen du monde sur mille.

De plus, environ 99,9 % des centenaires ne deviendront jamais supercentenaires (un supercentenaire est une personne vivant plus de 110 ans). Si nous prenons en compte la totalité de la population mondiale, moins de 500 personnes ont aujourd’hui un âge aussi avancé.

Il n’est pas rare de lire qu’une petite fille qui naît aujourd’hui a une chance sur deux de devenir centenaire. En fait, la dure réalité est que, pour qu’il nous soit possible d’augmenter notre espérance de vie maximale, pour que nous puissions en moyenne vivre plus longtemps que 90 ans (ou 95 ans pour une femme), il nous faudra de nombreuses avancées scientifiques et des investissements dans la recherche contre le vieillissement.

C’est à la fois triste et contre-intuitif quant à l’idée générale que l’on se fait du progrès. Si l’on compare le début du 21e siècle aux rêves les plus fous d’il y a 2.500 ans, nous pouvons maintenant voyager des centaines de fois plus rapidement, passant d’un continent à un autre en moins d’un jour. Nous pouvons atteindre le ciel, voler, poser le pied sur la lune ou explorer le fond des océans. Nous comprenons de mieux en mieux le corps humain, nous pouvons examiner nos cerveaux et contempler le siège de nos pensées et émotions. Nous sommes capables, jusqu’à un certain point de manipuler nos cellules, notre ADN. Nous commençons à percevoir les relations complexes entre les millions d’êtres vivants dans un écosystème et ce y compris l’écosystème que représente le corps humain avec tous ses parasites et symbiotes. Il nous est possible d’éliminer la plupart des maladies infectieuses et de nombreux parasites qui nous avaient fidèlement accompagnés durant toute l’histoire de l’humanité. Et pourtant, malgré tout cela, nous faisons à peine mieux que ce qui est naturel et habituel lorsqu’il s’agit de garder nos corps en bonne santé face au vieillissement.

Ce manque de progrès est particulièrement douloureux en ce qui concerne les maladies neurodégénératives, telles la maladie d’Alzheimer. Le cerveau humain, souvent mentionné comme étant l’objet le plus complexe de l’univers, est capable de créer, maintenir et envisager des choses qui n’étaient même pas imaginables il y a de cela un siècle. Mais ce cerveau reste incapable de se prémunir de sa simple dégénérescence due au poids des ans.

Tout ceci est plus étrange encore si nous comparons ces difficultés aux autres questions scientifiques qui autrefois semblaient insolubles. Par exemple pour voler dans les cieux, il fallait tout à la fois quitter le sol et voler assez vite. Pour pouvoir voyager jusqu’à la lune, il fallait vaincre la gravité terrestre et franchir des environnements hostiles à la vie. Par contre, il n’existe pas de barrière intrinsèque à notre espérance de vie maximale. En fait, nous savons même déjà que si limite il y a, celle-ci est supérieure à 200 ans puisque certains animaux (baleines, tortues, mollusques) la dépassent régulièrement. Mais nous continuons à vieillir presque aussi vite.

 

(Partie B à venir)

 

— Didier Coeurnelle

 

> Lien vers la partie B de l’article <

 

 

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Vice-président de l’AFT-Technoprog Je me définis comme un activiste du social essayant de promouvoir l’égalité et la solidarité à tous les niveaux notamment grâce aux progrès technologiques utiles qui nous permettent de vivre mieux, plus longtemps et d’échanger de plus en plus de connaissances. En savoir plus