Et si nous donnions dix ans à une intelligence artificielle pour rendre Mars habitable ?
Les plans de SpaceX pour Mars relancent l'intérêt pour la planète rouge. Et si l'IA s'en mêlait ?
Publié le 16 février 2018, par dans « Intelligence artificielle • Risques »
La « grey goo« , une gelée grise recouvrant la Terre suite à un dérèglement d’intelligences artificielles peu précautionneuses (qui seraient par exemple programmées pour fabriquer un maximum de trombones et seraient incapables de s’arrêter, mettant en danger l’être humain), est devenue le symbole des risques existentiels théoriques posés par le développement des machines intelligentes.
Même si ce scénario d’écophagie totale par des machines auto-répliquantes est très invraisemblable, il ouvre des pistes de réflexion pour le processus inverse : peut-on commissionner l’IA pour rendre un environnement hostile vivable, en très peu de temps ? La grey goo pourrait-elle être une green goo ?
Terraformer Mars, c’est-à-dire rendre la planète rouge capable d’abriter la vie (humaine notamment), est en effet un processus extrêmement long : au bas mot, plusieurs siècles. Sauf si on lâche la bride temporelle de l’IA.
An 1 : arrivée de la semence
Contrairement aux colonisations impliquant un nombre d’humains élevé dès le début, le scénario « Goolonization » ne requerrait qu’une petite sonde de type Mars Exploration Rover (MER), le petit robot à roulettes envoyé en 2004 à la surface de Mars. A une exception près : le « kit de démarrage » comporterait des outils un peu plus nombreux et surtout un programme élaboré dopé à l’IA. L’idée de ces « germes d’intelligence » serait de suivre un plan très rapide et très précis de réplication et d’exploitation massive des ressources disponibles.
La première année, quelques appareils souffreteux (alimentés à l’énergie solaire) se contentent donc de chercher les gisements accessibles (eau, silice, minerais ferreux…) pour lancer des petites unités industrielles : matières plastiques, sidérurgie, circuits imprimés. La vitesse d’exécution des machines non supervisées par l’humain est telle, dès ces premiers mois, que l’on assiste, de loin, à une sorte de ballet de fourmis incompréhensible.
An 2 : surgissement des « habitants »
Disséminées dans un rayon de quelques kilomètres, les « micro-usines » dimensionnées à la taille de la sonde initiale extraient et transforment malgré tout sans relâche. Des machines minuscules, petites excavatrices et autres mains mécaniques s’affairent à déplacer et organiser la matière.
Les premières unités de production d’énergie voient le jour, et rapidement un réseau électrique donne un coup de fouet au « premier village ». Les machines mobiles élargissent chaque jour leur champ d’action. La première usine de circuits imprimés est opérationnelle : récupérant le programme qui a été dupliqué sur plusieurs supports, les « habitants » foncent droit vers l’objectif qui leur a été assigné (exploration, forage, assemblage…).
An 3 : la colonisation devient visible
Bien sûr, tous les mois, un point de contrôle est fait depuis la Terre, pour s’assurer que les objectifs sont tenus et que les IA ne partent pas en vrille (avec l’idée saugrenue, par exemple, de construire des fusées pour aller chercher tel ou tel matériau sur Terre). Car le déploiement de cette “civilisation en accéléré” devra être bardé de “lois fondamentales” : ne pas autoriser les IA à sortir de Mars, à s’auto-améliorer, ou à s’auto-détruire, par exemple. Ainsi la colonisation serait effectuée par des machines de plus en plus nombreuses, de plus en plus grosses, mais restant au fond des automates ayant une marge de manoeuvre bien définie. La question du dosage de l’autonomie est centrale : l’objectif sera-t-il décomposé en milliers d’étapes soigneusement préparées par des ingénieurs humains, ou au contraire très général (“fabrique une usine de production d’oxygène, demande à Google”) ? Le résultat : à la fin de la troisième année, la “colonie” s’apparente à une tache sombre à la surface de la planète rouge, visible depuis la Terre.
An 4 : les capacités humaines sont dépassées
Les usines martiennes, sans normes environnementales ni comités de voisins sourcilleux, dépassent en cette quatrième année ce qu’il aurait été jamais possible de faire sur terre : des halls de production de milliers d’hectares de superficie, des kilomètres de câbles soutenant des nuages de panneaux solaires grands comme la Corse, des clusters de centrales atomiques à côté desquels Superphénix relève du moulin à eau… C’est la vitesse de calcul des processeurs, encore une fois, qui fixe la limite temporelle : l’oeil humain constate que la tache sombre envahit l’entièreté de Mars, jour après jour.
Ans 5 à 9 : production de masse
De puissants gaz à effet de serre (chlorofluorocarbones) sont crachés quotidiennement par des centrales gigantesques. Le réchauffement, enclenché par le changement d’albédo (surface plus sombre) et augmenté artificiellement, permet le dégel d’une partie de la surface pendant l’été martien. Des végétaux sont plantés en masse. Une magnétosphère artificielle est implantée entre Mars et le Soleil pour empêcher les vents solaires de balayer l’atmosphère renaissante. Plusieurs années de ce régime sont nécessaires pour un changement climatique radical.
An 10 : mission accomplie
Une deuxième planète bleue est apparue dans le système solaire. Les installations industrielles sont démantelées ou désactivées, et une fois que l’environnement (à l’air libre, ou bien, plus probablement, en milieu contrôlé, sous des dômes) est propice à la vie humaine, les premiers touristes peuvent débarquer, prospérer et s’amuser. Sans avoir eu à faire trop d’efforts !
NB : ce scénario n’est ni tout à fait sérieux, ni tout à fait délirant. Ne dites rien à Elon Musk.
Mars : The Green Goo scenario
The « grey goo » is a famous existential risk where an out-of-control AI system rapidly auto replicates and threatens human life by eating up all resources in a limited environment – say Earth.
Even if this scenario of total ecophagy appears highly unlikely, it is food for thought : could we, on the opposite, let an AI transform a hostile environment into a livable one ? Could the grey goo also be a green goo ?
Terraforming Mars is indeed a very long process ; except if we let artificial intelligence manage time as it pleases.
Year 1 : the seed
Unlike classical colonization scenarios implying the arrival of many humans from day one, it would only take the like of a Mars Exploration Rover (MER) to launch a “Goolonization”. With a single difference : the starter kit would include more tools and, above all, an elaborate AI program. The idea behind these “intelligence seeds” is to follow a very fast and precise plan to replicate, exploit resources and expand.
On the first year, a few small robots the size of a RC toy car would go on the hunt for easily accessible deposits (water, silica, iron ore..) in order to launch small sized industrial units : plastic material, metallurgy, printed circuits. In those first months, the speed of unsupervised machines is so great that it looks, from Earth, like an incomprehensible ant colony ballet.
Year 2 : the “inhabitants” are born
Micro factories disseminated within a few square miles extract and transform without pause. Tiny machines, small excavators and minuscule mechanical hands are busy moving and organize matter.
The first energy production units are created, and very rapidly, a bizarre electrical network kickstarts the “founders’ village”. The mobile machines extend their scope day by day. As the first chip factory pops up, the AI program is being replicated and fed into each new microbot. The inhabitants then speed up to their mission objective and location (exploring, digging, assembling…)
Year 3 : the colonization gets visible
Naturally, every month or so, a control check is done from Earth to verify that the objectives are met and that the AI does not go awry (for instance, starting to build rockets in order to get resources on Planet Earth).
Because this “civilization in fast motion” should be laden with fundamental laws, like “don’t destroy other bots”, “don’t leave Mars”, “don’t try to get too intelligent”.
The terraforming machines must multiply, get bigger and faster, but remain basically automatons with limited initiative. The dosing will be an interesting question : will objectives be subdivided into numerous human-prepared tasks, or vaguely defined (“please build an oxygen production plant, ask Google”) ?
the result : at the end of year 3, a dark spot can be seen from Earth – and growing.
Year 4 : human capacities are exceeded
Martian factories, without environment laws or grumpy neighbours, overwhelm now what it could have ever been possible to achieve on Earth : thousand-acre wide production halls, miles and miles of wires upholding clouds of solar panels as large as Ireland, clusters of nuclear power plants that make Earth reactors look like watermills… The processor speed is setting the limit here : the human eye can nothing but witness that the dark spot is slowly filling up Mars’ surface in its entirety.
Year 5 to 9 : mass production
Powerful greenhouse gases (chlorofluorocarbons) are released on a daily basis by giant powerhouses. Global Mars warming, triggered by albedo change (darker surface) and artificially increased, allows for the thawing of parts of the surface during martian winters. Trees are massively planted. An artificial magnetosphere is set between Mars and the Sun to prevent solar winds from sweeping the new atmosphere away. Several years of this regimen are necessary to provoke a radical climate change.
Year 10 : mission accomplished
A second blue planet is born in the Solar System. Industrial facilities are either shut down or deactivated, and once the environment is ready for human life, the first tourists can land, live and prosper – without having sweat that much !
NB : this scenario is neither serious nor crazy. Don’t tell Elon about it.
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