La crise du COVID-19 renforce la perspective transhumaniste
Contrairement aux apparences, et à quelques déclarations emballées d'écologistes mystiques ou de bio-conservateurs thanatophiles, le coronavirus n'aura pas écorné la perspective transhumaniste. Au contraire, il pourrait bien avoir démontré sa pertinence et sa force.
Publié le 8 juin 2020, par dans « transhumanisme »
1. LE TECHNO-PROGRESSISME EN ÉCHEC ?
Sautant sur la trop belle occasion offerte par la désorganisation mondiale, le coûteux confinement, les morts sidérantes qui tournaient en boucle sur les chaînes d’information, certains ont prétendu que le transhumanisme, le solutionnisme technologique, voire l’idée même de progrès avaient subi un revers cuisant, une humiliation profonde, une défaite déterminante.1
L’homme devrait retourner à une humilité, à une acceptation de la nature2, de la mort, de la maladie, etc. Toutes choses synonymes, selon eux, d’humanité.
Combien d’articles pour prétendre, en gros, que les biotechnologies et l’intelligence artificielle n’ont pas produit de vaccin sur l’heure, n’ont pas mis en échec la mort donc n’ont plus rien à promettre et doivent baisser la tête ? Combien pour affirmer que le transhumanisme aurait promis l’immortalité pour hier et aurait attribué une valeur négative à toutes les formes de hasard3 ? Asséner ainsi que nous devrions en revenir, tour à tour, à la spiritualité4, à l’écologie, à l’humanisme conservateur5, etc.
Les bio-conservateurs sont des surfeurs
Il faut savoir surfer pour soutenir cela. Surtout, il faut savoir se mettre en valeur au bon moment pour capter l’attention. Compenser la fragilité de la circonstance par le style. Car en surf, on sait que les grosses vagues arrivent par séries de deux ou trois, entrecoupées de nombreuses vagues plus petites. Là, ils sont partis sur une petite.
2. C’EST LE MONDE ANCIEN QUI EST PRIS EN DÉFAUT
La vague est petite, leur argument boiteux, car c’est le monde ancien, leur monde en fait, qui ne s’adapte pas. La crise n’est pas attribuable aux biotechnologies qui ne sont évidemment pas encore suffisantes pour nous soigner de tout. Selon toute vraisemblance, elle provient d’abord de ce phénomène très naturel et très banal qu’est la mutation virale et la diffusion parmi les espèces vivantes de nouveaux pathogènes, associé à une surexploitation des écosystèmes, qui augmente les contacts entre humains et faune sauvage jusqu’alors isolée. Mais son ampleur et sa rapidité sont aussi la conséquence des options capitalistiques autour des flux d’échanges, et surtout de la santé. La course aux profits à courte vue est tout autre chose que le transhumanisme : elle était déjà là depuis longtemps quand la révolution NBIC6 a démarré.
Le coronavirus n’est pas parmi les plus mortels des virus, il est en revanche très contagieux. Quel rapport avec les biotechnologies ? S’il a fallu confiner la planète et mettre en danger les économies c’est parce que les contacts entre individus pour des raisons économiques et sociales sont plus nombreux, rapides et internationaux que jamais, et parce que la valeur de la vie individuelle, heureusement, est une priorité.
Par ailleurs, la crise écologique qui favorise les épidémies est plus à imputer aux aspects irrationnels de l’organisation de l’économie qu’à un échec de telle ou telle technologie. Au contraire, l’IA assistant la logistique, la gestion des flux et des ressources, ou des technologies comme le contact tracing pourraient être des aides précieuses.
Le monde très ancien pour soutenir le monde ancien ?
Dès lors, en appeler à une spiritualité et une harmonie (largement fantasmée) avec la nature semble étrange, ou à tout le moins insuffisant.
D’une part, ce très ancien monde n’a pas pu contenir le monde actuel, et d’autre part le monde actuel ne tirerait aucun bénéfice, même écologique, à vouloir retourner aux formes prémodernes. Il est même invraisemblable qu’un tel retour soit possible.
Les anciens n’ont jamais été écologistes au sens de la science des écosystèmes : ils ont pu être éventuellement moins destructeurs car moins puissants. Faire de l’écologie, comprendre les écosystèmes passera certainement par les progrès scientifiques : une sophistication de nos modèles et de nos outils technologiques, ainsi que par une poétique renouvelée. En effet, il y a toujours un imaginaire sous-jacent et un aspect de création lorsque l’on intervient ou que l’on choisit de ne pas intervenir. Cette poétique pourrait associer une esthétique et une sensibilité bienveillante à l’esprit critique et à l’intervention technologique.
Il reste cependant bien du chemin à parcourir contre le virus
La puissance technologique mise en œuvre et les investissements ont été considérables. Des milliards de personnes ont été confrontées aux conséquences sociales des quarantaines et ont été incitées à réfléchir à des solutions. Des millions de chercheurs se sont investis partiellement sur le sujet. Des milliers de chercheurs se sont investis à temps plein. L’utilisation de l’intelligence artificielle, de recherches statistiques, et la contribution de patients volontaires pour des tests cliniques ont eu lieu dans de nombreux pays. Bien que nous ne disposions pas encore, plus de six mois après le début de l’épidémie, de vaccins, d’anticorps, de plasmas ou d’autres médicaments à l’efficacité reconnue, il est un fait significatif témoignant des progrès immenses que la recherche médicale a accompli. En effet, il est phénoménal qu’en si peu de temps nous commencions déjà à parler de tester un vaccin, sachant que cela met normalement 10 ans à être développé.
Nous avons cependant dû mettre en œuvre la solution connue depuis des millénaires : « Restez séparés ».
Mais nous avons appliqué cette solution avec un succès d’un niveau qui n’a jamais été possible lors des pandémies passées. Ceci a (presque certainement) sauvé des millions de vies. Et nous progressons chaque jour pour renforcer nos connaissances d’une manière qui doit encore être améliorée mais qui aurait été inimaginable aux temps anciens.
3. LE VIRUS, LA BACTÉRIE ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
La crise du coronavirus a dit beaucoup sur le plan politique, et pas assez sur le plan scientifique. Pire, le coronavirus est même parvenu à éclipser, en ces temps de l’épidémie, une nouvelle d’importance sur un risque sanitaire beaucoup plus impactant. Une menace bien plus terrible encore, et dont la technologie est pourtant parvenue à nous prémunir : les bactéries antibiorésistantes.
Bien que déjà mortelles, elles étaient ont en passe de devenir un problème majeur : dans la course à l’adaptation, ces bactéries nous tenaient sévèrement en échec, mais avec une certaine discrétion médiatique.
Or, une intelligence artificielle a créé un antibiotique qui vient à bout de toutes les souches bactériennes actuellement antibiorésistantes7. En outre, la manière de procéder de cette IA laisse penser qu’elle aura toujours un coup d’avance sur l’adaptabilité des bactéries8, voire pourra anticiper ses mutations probables et cibler celles qui seraient efficaces. Cette avancée technologique est merveilleuse et les perspectives semblent prodigieuses.
Écologie, technologie et inclusion
Évidemment, cela doit aller de pair avec une vision écologique globale, ce que propose le transhumanisme technoprogressiste. Car nous savons bien qu’il est risqué de surexploiter les environnements, risqué de les stériliser. Gérer leur richesse optimale est préférable, puisqu’un des buts est d’accroître la durée de vie en bonne santé des humains en s’appuyant sur des écosystèmes stabilisés et prospères.
Cette crise aura donc montré combien il est urgent de faire advenir un monde nouveau à l’aide des technologies et d’un mode de vie plus serein et réfléchi, qui profite à tous. La santé de chacun favorise celle de tous.
Ce monde nouveau n’est pas nécessairement toujours un monde de l’agitation, on l’a bien vu avec les bénéfices écologiques du confinement. Mais que l’on choisisse de laisser la nature sauvage ou bien de la jardiner, il faut assumer que dans les deux cas il s’agit d’une intervention raisonnée.
Auteur : Fred
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