La mort de la mort. Lettre de février 2015. Numéro 71.

Maintenant, c’est certain. Un jour, ils découvriront comment garder les hommes vivant pour toujours, mais je serai déjà morte. Citation d’une duchesse de quatre-vingt ans assistant à la première ascension d’une montgolfière en 1783. Thème du mois: La durée d’une vie et d’autres échelles de temps Dans le torrent des siècles, notre vie n’est qu’un mince... [lire la suite]

Publié le 6 mars 2015, par dans « transhumanisme »

vanite_craneMaintenant, c’est certain. Un jour, ils découvriront comment garder les hommes vivant pour toujours, mais je serai déjà morte. Citation d’une duchesse de quatre-vingt ans assistant à la première ascension d’une montgolfière en 1783.


Thème du mois: La durée d’une vie et d’autres échelles de temps


Dans le torrent des siècles, notre vie n’est qu’un mince filet. Si les montagnes avaient une conscience, elles verraient la vie d’un être humain, comme nous voyons la vie des roses. Une existence qui ne dure que l’espace d’un matin.

Par contre, si les souris étaient douées d’une intelligence proche de la nôtre, elles percevraient probablement la durée de leur existence au regard de celle des humains comme une injustice fondamentale.

Dans cette lettre, une vie humaine contemporaine sera comparée à d’autres échelles de temps. Pour ces comparaisons, une durée de quatre-vingt ans est choisie comme durée de vie humaine. C’est bien plus que la durée moyenne d’une existence de femme ou d’homme durant toute l’histoire de l’humanité mais quatre fois vingt années est l’espace de temps moyen actuel de vie des habitants de l’Union européenne.

La vie humaine comparée à des périodes de temps non liées à des êtres vivants

L’histoire de l’Univers débute il y a près de 14 milliards d’années, cela fait l’équivalent de 175 millions de vies humaines, un chiffre d’une ampleur inconcevable.

Il y a des millions d’années que des hominidés parcourent la planète, mais les femmes et les hommes semblables génétiquement à nous n’existent que depuis approximativement 200.000 ans. Cela représente approximativement 2.500 vies successives. Le dernier homme de Néandertal a probablement disparu, il y a une trentaine de milliers d’années, soit moins de 400 existences successives.

L’histoire des civilisations, depuis la maîtrise de l’écriture et les premières cités jusqu’au début du 21ème siècle, c’est « seulement » l’équivalent d’une centaine de vies.

Maintenant, livrons-nous à un exercice pouvant être qualifié de « mise en abyme ». Si l’existence de notre planète durait une vie d’être humain, le premier dinosaure serait apparu après 76 ans, le premier hominidé aurait marché au début du dernier mois de la vie, la première lettre d’amour de l’histoire de l’humanité aurait été écrite au début de la dernière minute d’existence et la vie réelle d’une personne humaine représenterait une demi-seconde.

La vie humaine comparée à d’autres vies

Quatre-vingts ans, c’est cinquante fois moins d’années que le temps écoulé depuis qu’ont germé les graines qui ont donné naissance aux arbres encore vivants les plus âgés au monde.

Quatre-vingts ans, c’est deux ou trois fois moins de temps que la plus longue existence possible d’un mammifère, à savoir la baleine, mais c’est cinquante à cent fois plus que ce que vivront les plus malchanceux -de ce point de vue- des mammifères (des musaraignes).

Un peu moins d’un siècle, c’est dix mille fois la durée de vie des animaux multicellulaires ayant la vie la plus courte (certains vers appelés gastrotriches meurent « de vieillesse » après trois jours)

La vie humaine comparée à la longueur de l’ennui et à la rapidité de l’informatique

Une existence humaine, cela peut paraître long. Trente mille jours, sept cent mille heures, deux et demi milliards de secondes, cela peut être très long. Certains souhaitent l’immortalité mais ils ne savent déjà pas quoi faire un dimanche après-midi pluvieux, écrivait l’auteure britannique Suzan Ertz, auteure qui vécut quand même plus de 90 ans, sans guère s’ennuyer.

La vie n’est pas si courte car certaines dimensions deviennent immémoriales, comme si elles avaient toujours été là, bien avant que notre existence s’achève. Il y a quarante ans, le caractère € n’avait aucune signification et la monnaie d’un pays comme la France était un symbole sacré de l’indépendance nationale. Aujourd’hui, moins de vingt ans après l’instauration de l’euro, les citoyens qui utilisent cette monnaie le font généralement sans plus se poser de question de conversion (sauf pour les montants importants).

L’échelle de temps change aussi à la faveur de la transition vers l’informatique. Si nous étions appelés à utiliser un téléphone mobile ne permettant que de passer des appels, cela serait absurdement dépassé pour beaucoup d’entre nous. Si nous étions confronté demain à un système informatique datant d’il y a dix ans, nous oscillerions entre la nostalgie de passés oubliés et le désarroi.

L’échelle de temps change aussi et surtout de par la rapidité de la circulation de l’information que l’informatique rend possible c’est-à-dire in fine de par le passage de la vitesse humaine à la vitesse de la lumière. Quatre-vingts ans, c’est de l’ordre de cinq milliards de fois le temps nécessaire pour télécharger l’histoire d’une vie sous forme de livre accessible en ligne. Quatre-vingts années, c’est également de l’ordre de cinq milliards de fois le temps nécessaire pour que la lumière parcoure la distance que parcourut un chasseur du paléolithique ou même Léonard de Vinci tout au long de son existence.

Pour conclure

Le temps disponible est une condition nécessaire mais pas suffisante pour notre bonheur. Pour la grande majorité des citoyens, ajouter du temps de vie en bonne santé au temps vie déjà disponible est et sera presque certainement une bonne chose que ce soit pour passer de 2 à 2,5 milliards de secondes par vie comme nous l’avons fait par le passé ou pour nous diriger vers 3 milliards de secondes et au-delà comme nous pourrions le faire au cours de ce 21ème siècle.

Le temps se déroule à des rythmes assez différents selon nos perceptions. Nous connaissons ces films où un individu, juste avant sa mort ou avant un très grave accident, voit défiler sa vie à l’accéléré. Il semble que ce phénomène qui a été réellement ressenti par certains ait cependant été exagéré. Le temps réel se déroule également plus vite que le temps subjectif chez les personnes plus âgées, autrement dit pour les personnes plus âgées, « le temps passe plus vite ».

Nous n’avons aujourd’hui pratiquement pas de contrôle dans ce domaine. Il est cependant imaginable qu’un jour, il soit possible, grâce à des progressions technologiques concernant le fonctionnement du cerveau, d’agir sur la perception du temps subjectif. Ceci ouvrirait des perspectives de longévité ressentie qui pourraient être presque sans limites.

Il est vrai que cette évolution vers une vie subjective beaucoup plus longue, que ce soit en termes subjectifs ou en termes objectifs, « ce n’est pas pour demain la veille »! En attendant ce jour incertain, les progrès de la médecine plus classique se poursuivent.


La bonne nouvelle du mois : progrès rapides pour les modifications génétiques à visée thérapeutique


Une des difficultés les plus importantes pour ce qui concerne les thérapies géniques, c’est de réaliser la modification génétique précise souhaitée. L’utilisation d’enzymes très spécifiques dans le cadre d’un procédé appelé CRISPR (acronyme anglais pour Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats), permet de modifier des gènes de manière beaucoup plus aisée qu’auparavant.

En environ deux ans, les chercheurs ont réalisé de nombreuses expériences utilisant ces enzymes. Le développement de thérapies géniques efficaces apparait facilité dans de plus nombreux cas qu’auparavant.


Pour en savoir plus:

Vice-président de l’AFT-Technoprog Je me définis comme un activiste du social essayant de promouvoir l’égalité et la solidarité à tous les niveaux notamment grâce aux progrès technologiques utiles qui nous permettent de vivre mieux, plus longtemps et d’échanger de plus en plus de connaissances. En savoir plus