Vie très longue en bonne santé : effets économiques

Pourquoi une durée de vie considérablement augmentée pourrait signifier une amélioration de l’humanité, au sens physique comme au sens moral ?

Publié le 28 février 2014, par dans « Immortalité ? »

Dernière partie dédiée à la réflexion sur « Le choix d’une vie très longue en bonne santé : pourquoi? »

Séniors actifs

Préserver et renforcer la part de l’économie non marchande

L’accroissement d’abord progressif, puis éventuellement considérable de la durée de vie en bonne santé a commencé depuis longtemps par se traduire par une augmentation de la quantité d’activité fournie par des personnes curieusement qualifiées par les statistiques françaises de « non-actives ». Si les espoirs transhumanistes se concrétisent, cette population de « jeunes séniors » devraient encore augmenter jusqu’à représenter une part majoritaire de la population globale (la notion de sénior finissant par ne plus signifier grand chose d’équivalent avec ce que nous entendons aujourd’hui). Sans même parler des perspectives que laissent envisager pour le monde du travail la généralisation de la robotisation et plus généralement de l’automatisation, comment faudra-t-il considérer l’activité de ces « non actifs » ?

 

L’activité des retraités est jusqu’à aujourd’hui majoritairement une activité non marchande. Puisqu’ils sont de plus en plus nombreux à être en bonne santé, ils s’investissent dans une quantité impressionnante d’actions qui touchent tous les secteurs. Ils le font en général sur le mode du bénévolat ou du service gratuit. Cette activité échappe largement au monde marchand. Elle n’est donc pas sujet à salaire, ni à cotisation sociale, ni à aucune forme de valeur ajoutée directement financiarisée.

Deux tendances et deux visions s’opposent alors.

Les uns, s’inspirant du modèle néolibéral, souhaitent intégrer cette manne d’activité dans le secteur marchand ; les autres souhaitent au contraire préserver le secteur non marchand, voire même le renforcer en profitant de l’augmentation de la population qui l’anime. Il s’agit de deux visions vraiment antagonistes, reposant sur deux idéologies contradictoires. La vision néolibérale s’impose depuis des décennies à peu près partout dans le monde mais les bouleversements induits par les effets de la convergence technologique pourraient rebattre les cartes.

Selon la première logique, il est inévitable que, dans un premier temps, l’âge de la retraite soit régulièrement repoussé au fur et à mesure que nous gagnons en espérance de vie. Dans la même logique, l’augmentation de la part des fameux « non-actifs » ne peut avoir comme conséquence que ce même recul de l’âge de la retraite afin de maintenir un certain équilibre entre actifs cotisants et retraités pensionnés.

Mais selon la seconde logique, la première vision n’est pas acceptable en terme d’humanité. À quoi servirait-il en effet d’accroître indéfiniment notre durée de vie en bonne santé si c’était par exemple pour rester enchaîné au joug d’une précarité condamnant à alterner durant des siècles périodes de sous emploi et périodes de chômage ? Au contraire, une telle augmentation n’aurait de sens que si elle  était synonyme de plus de liberté et d’une véritable mobilité sociale. D’après cette analyse, la perspective d’un allongement radical de la durée de vie implique à terme un changement tout aussi radical dans la conception encore dominante de la relation travail/position sociale. Aujourd’hui, dans une version très « bourgeoise », la position économique et sociale demeure étroitement liée au travail institutionnellement reconnu. On l’a vu, il est caractéristique que tout travail effectué en dehors des cadres institutionnels ne soit pas reconnu comme « activité ». Il ne me serait pas étonnant que la pression sociale à venir exige que soit de plus en plus dissociés l’activité réelle et les moyens de subsistance, ce qui logiquement, devrait se traduire par la mise en place de « revenus universels » ou encore « revenus minimum d’existence ». En retour, le fait de pouvoir compter sur un revenu minimum garanti par une société redistribuant équitablement les gains de productivité accumulés depuis des siècles permettrait le développement d’un vaste secteur non marchand, libéré des contraintes et des asservissements de la quête éperdue des bénéfices financiers.

 

Ceci, donc, pour quelques arguments qui peuvent rendre désirable une augmentation radicale de la durée de vie humaine.

Une autre fois, je pourrais proposer quelques réflexions sur différents inconvénients supposés ou réels d’une telle perspective (risque de l’ennui, conséquences psychologiques d’une forte diminution de la présence des enfants, ect.), mais ce serait sans doute pour tendre à montrer qu’ils sont dépassables.

 

Conclusion :

Ainsi, sans pour autant prétendre le moins du monde que l’avenir de l’humanité serait forcément radieux grâce à l’allongement considérable de la durée de vie en bonne santé, je pense que les arguments sont nombreux pour nous décider à poursuivre dans cette voie. Nous y trouverions l’espoir de beaucoup d’améliorations, aussi bien à titre individuel que collectif, aussi bien pour notre santé physique que pour l’état de nos sociétés, d’un point de vue moral, en terme d’équilibre, de paix et d’harmonie.

Une telle évolution ne serait pas la résultante nécessaire de l’augmentation radicale de nos vies, et nos décisions politiques resteront déterminantes pour savoir ce qu’il en adviendra, mais le potentiel est bien présent.

Renoncer à l’inverse à un tel espoir, à mon sens, c’est cela qui serait vraiment contraire à ce que nous sommes essentiellement en tant qu’humain.

 

Pour l’AFT:Technoprog!

Marc Roux

 

1ère partie : Le choix d’une vie très longue en bonne santé : pourquoi ?

2ème partie : Effets possibles sur notre psychologie d’une vie très longue

3ème partie : Effets possibles en terme de démographie d’une vie très longue

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Porte-parole de l’Association Française Transhumaniste : Technoprog, chercheur affilié à l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (IEET). En savoir plus