#Metoo … et le transhumanisme : tribune (version courte)
Dans les débats de la vague #Metoo, il manque presque toujours l'analyse de la place de notre condition biologique. Or, le transhumanisme a certaines choses à dire à ce sujet.
Publié le 28 février 2022, par dans « transhumanisme »
nb: Ce texte a été refusé aussi bien par Le Monde que par Libération …
Vous pouvez retrouver sa version « article » (plus longue : temps de lecture ≈ 10mn)
Depuis le début de la vague #Metoo, il est frappant que le rôle de notre condition biologique soit quasi absente dans le débat public.
Par exemple, dans les révélations sur le vaste coup de filet mené dans les milieux de la pornographie, tout le monde s’entend pour dénoncer l’horreur des sévices commis par le gang des French Bukkake. Mais peu de monde se demande pourquoi, au fond, ces vidéos sont regardées.
Beaucoup dénoncent les actes eux-mêmes, mais aussi les structures sociales et mentales qui ont permis ces crimes sexuels. Ces actes sont encore commis sur des millions de femmes ou d’enfants dans le monde sans que nos sociétés ne s’en émeuvent outre-mesure pour la simple raison que, la plupart du temps, ils restent non-dits. Que la « normalité » de cette situation soit remise en question constitue un réel progrès humain. Malheureusement, cela ne se produit qu’en certains lieux, parfois avec des excès inversés, la peur changeant de camp.
Par contre, le transhumanisme a quelque chose à dire sur un autre impensé. En effet, si les comportements virilistes, agressifs voire violents, à caractère sexuel, sont en grande partie la conséquence de constructions héritées de millénaires de patriarcat, ils trouvent aussi en partie leur origine dans des pré-déterminations purement biologiques.
Aussi désagréable que cela puisse paraître, il faut admettre que ces vidéos révèlent chez davantage d’hommes qu’on ne voudrait le croire, une tendance à tirer du plaisir de la violence sexuelle, ou, par procuration dans des sociétés largement policées, du « spectacle » de cette violence. Il est alors nécessaire de se demander d’où provient ce genre de plaisir.
On peut se demander pourquoi le modèle de domination masculine s’est imposé de manière si universelle. Le contrôle social du processus de procréation par les hommes, comme tous les facteurs liés au passage à la sédentarisation sont importants. Mais il faut aussi interroger les pulsions purement sexuelles et le processus de la « dominance ».
Qu’est-ce qui se passe dans le cerveau d’un homme lorsqu’il éprouve du désir sexuel ? Dans quelle mesure est-il capable de contrôler l’afflux d’hormones et de neurotransmetteurs qui mènent au rut ? Que propose la société pour aider les hommes à vivre harmonieusement et pacifiquement leur vie sexuelle ?
La réponse la plus répandue semble bien être celle des sites pornographiques. Quant aux réponses s’intéressant à la dimension biologique de la question, la plus connue est sans doute celle du VIAGRA. Dans ces deux exemples, la logique fait équivaloir le plaisir masculin à une performance.
Un autre aspect peu souvent analysé invite à réfléchir à ce que produit, psychologiquement et biologiquement, les rapports de dominance dans l’acte sexuel. Le fait d’exercer sa domination morale ou physique sur son prochain peut avoir pour effet, à travers la libération de sérotonine, de procurer une sensation de bien-être.
En effet, avant tout, chez l’homme, le rapport sexuel n’est-il pas biologiquement programmé pour aboutir à une production de spermatozoïdes permettant la reproduction ? La réalisation de cet acte n’est-elle pas récompensée par un degré de jouissance des plus élevés ?
Mais même en admettant ce constat réducteur du plaisir masculin, que pouvons-nous proposer ? Les contraintes que les différentes sociétés ont développées pour réguler les rapports de genre, et notamment les rapports sexuels sont certes nécessaires mais se révèlent d’une efficacité insuffisante. Par exemple, où que ce soit dans le monde, le viol semble loin de disparaitre.
Permettre à qui le souhaite d’utiliser la technique pour contrôler ses pulsions
C’est à ce point que la pensée transhumaniste a quelque chose à dire. Ne sommes-nous pas décidés à utiliser la technique pour faire reculer la maladie et le vieillissement et à pratiquer des vaccinations massives afin de lutter contre le fléau d’une pandémie ? Or, il serait hypocrite de nier que cela aura des conséquences sur la condition biologique des humains. Pareillement, nous pourrions envisager de faire appel – en plus de notre arsenal culturel, social ou législatif, à la biologie pour permettre à ceux des hommes, voire des femmes qui le choisiront d’apprendre à contrôler leurs pulsions et de repousser ainsi le fléau de la violence !
Une telle évolution irait d’ailleurs dans le sens de la tendance de ceux qui souhaitent pouvoir davantage choisir leur orientation de genre et les modalités de leur vie sexuelle. On peut espérer que ce glissement social et culturel vers des rapports de genres moins marqués et donc moins conflictuels soit favorable à leur apaisement. Il pourrait amener davantage de respect mutuel.
Pourtant, il ne fera pas disparaître les pré-déterminations biologiques qui continuent de résider au plus profond de chacun d’entre nous. Si nous souhaitons progresser de manière décisive dans la direction de ce respect et de cet apaisement, il sera nécessaire d’ajouter tôt ou tard une amélioration biologique à nos avancées sociales.
Rappelons encore l’avertissement lancé par Henri Laborit dès 1980 :
Tant qu’on n’aura pas diffusé très largement à travers les hommes de cette planète la façon dont fonctionne leur cerveau, la façon dont ils l’utilisent et tant que l’on n’aura pas dit que jusqu’ici cela a toujours été pour dominer l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quoi que ce soit qui change.
Revoir le film d’Alain Resnais, Mon oncle d’Amérique
À l’époque où étaient prononcées ces paroles, le fonctionnement de nos cerveaux restait très peu accessible. Après quarante ans de neurosciences, nous savons toujours à peine comment intervenir sur notre système neurologique pour moduler notre tendance à la dominance. Des progrès considérables sont encore indispensables pour pouvoir agir de manière efficace et sécurisée, mais il faudra passer par la biologie si nous souhaitons que, de la condition humaine, la propension à la violence, notamment sexuelle, puisse un jour disparaître.
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