Ne nous retirons pas !

Les systèmes de retraites sont un pis-aller pour un monde passéiste. Les transhumanistes proposent une tout autre perspective.

Publié le 31 mars 2023, par dans « Immortalité ?Question sociale »

Le concept de « retraite » a une histoire. Il a notamment été développé dans sa forme contemporaine après-guerre, dans des sociétés où l’espérance de vie moyenne à la naissance évoluait autour de 65 ans. Le système par répartition est basé sur l’idée de solidarité entre générations. Il demande que les plus jeunes cotisent pour assurer les pensions auxquelles ont droit leurs aînés. Face à l’érosion de la pyramide des âges, les gouvernements et les économistes qui appliquent, peu ou prou, le « modèle néoclassique » ne voient pas d’autre solution que de repousser l’âge de la retraite. Bien sûr, les plus radicaux d’entre eux poussent à renforcer les systèmes par capitalisation, mais ceux-ci sont synonymes de davantage d’inégalités. De leur côté, les défenseurs des droits des salariés ou de toutes les professions où l’on s’use dans le travail contraint ne jurent – et c’est bien normal – que par le maintien des acquis sociaux.

Pourtant, les uns et les autres semblent à ce jour incapables de se rendre compte des contradictions insurmontables qui approchent, et des nouvelles possibilités qui commencent à poindre. Déjà, depuis trois quarts de siècle, nos sociétés ont pu maintenir un système dans lequel de moins en moins d’actifs – au sens de la comptabilité nationale – cotisent ou contribuent pour que les plus jeunes bénéficient d’une éducation plus longue, pour que les travailleurs jouissent de quelques vacances et que les plus âgés puissent profiter de quelques années de retraite. C’est que les gains de productivité, bien que très largement accaparés, ont été en partie redistribués. Le travail de moins en moins de personnes était nécessaire au bien-être minimum d’un très grand nombre.

Dans la mesure où le système global ne s’effondre pas, le déploiement de la robotique et de l’intelligence artificielle devrait permettre à cette tendance de se poursuivre, mais surtout le nombre d’années de vie en bonne santé au-delà des soixante ans pourrait reprendre sa marche vers l’avant.

De plus en plus de chercheurs, de laboratoires et de financements s’orientent désormais vers la biologie du vieillissement. Mais ils ne proviennent le plus souvent que de quelques initiatives privées, surtout outre-Atlantique (Google avec CALICO, la Chan et Zückerberg foundation, l’investissement de Jeff Bezos dans Altos Lab, les différentes startup de Bryan Johnson, les 180 millions de dollars de Sam Altman misés dans Retro Biosciences, etc.). Et ils souffrent de ce que les autorités sanitaires ne les soutiennent pas au motif que leurs objectifs ne seraient pas thérapeutiques. Si les systèmes publics décidaient enfin de considérer ce processus comme on aborde les maladies, s’il attirait des fonds importants, le nombre d’années à vivre en assez bonne santé au-delà de soixante ans pourrait bien finir par doubler.

Serait-ce financièrement insoutenable ? Cela devrait-il condamner les actifs à supporter une vie de travail contraint, de boulots et de tâches inutiles (bullshit jobs)  de plusieurs décennies supplémentaires ?

Non. Cela nous mènera forcément à repenser complètement notre système de solidarité intergénérationnelle. La vie ne sera plus du tout faite de la succession des trois phases “éducation/formation” ; “activité professionnelle” ; “retraite” – un modèle déjà bien mis à mal, mais d’une alternance dans des ordres divers de périodes d’éducation et de formation, de loisirs, d’engagements associatifs et politiques, et d’activités, professionnelles ou non, de durées variables. Il faudra permettre à chacun de choisir parfois de reprendre tout ou presque à zéro, s’offrant ainsi la possibilité d’une tout autre vie. D’une part, la durée de la vie active deviendra elle-même indéfinie. Le modèle par répartition pourrait être poursuivi de manière viable, ceux qui se trouveraient en période d’activité professionnelle contribuant pour ceux qui se trouveraient en période sabbatique ou de formation. Mais surtout, un revenu universel de bon niveau sera nécessaire pour que tous puissent avoir accès à ces choix. On vit déjà parfois deux ou trois vies dans une existence de 80 ou 90 ans, cela sera encore plus vrai sur 100, 120 ans, ou davantage. Les chances de sortir de sa condition sociale et de se réaliser dans sa vie devraient s’en trouver considérablement améliorées.

Par ailleurs, si des recherches sur les processus et le contrôle du vieillissement étaient couronnées de succès, des économies gigantesques seraient réalisées du côté des caisses d’assurance maladie. Ce sont en effet les dernières années de vie, celles où le corps se dégradent rapidement, qui coûtent de loin le plus en termes de soins. Les économies réalisées du côté de la santé pourraient contribuer à développer aussi bien l’offre de formations et d’éducation tout le long de la vie qu’un revenu universel.

Les systèmes de retraites sont un pis-aller dans ce monde passéiste et mortifère. Nous avons besoin de politiques bien plus imaginatives, ambitieuses et humaines. La conflictualité sociale, les tensions géopolitiques et les bouleversements écologiques le démontrent dramatiquement. Les  transhumanistes vous proposent une autre perspective : ne nous retirons pas !

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Porte-parole de l’Association Française Transhumaniste : Technoprog, chercheur affilié à l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (IEET). En savoir plus