Objections #3 : Transhumanisme et risques sociaux

Cette partie du livre (Partie 4) liste les objections qui sont faites au transhumanisme, et tente d'y répondre. Dans cet article : la crainte d'un transhumanisme inégalitaire, réservé aux plus riches, eugéniste...

Publié le 26 juillet 2017, par dans « Question socialeRisquestranshumanismeTransition Laborale »

Cet article fait partie d’un livre sur le transhumanisme. Pour en savoir plus, cliquez ici.

 

1. Le transhumanisme sera réservé aux plus riches

C’est un cliché très commun en fiction : des augmentations corporelles extrêmement coûteuses, réservées à une petite élite. On pense à Iron Man, Ghost in the Shell, L’Homme qui valait trois milliards… Pourtant, rien n’est moins certain en pratique.

Un bon exemple est celui du téléphone portable. Dans les années 90, c’était un « gadget de riche », et personne ne croyait à sa démocratisation. En 2012, 75% des humains vivant sur Terre avaient un téléphone portable ! La même chose se produit aujourd’hui avec les smartphones.

Les coûts de conception d’objets high-tech sont parfois très élevés. Mais, dans un second temps, ils peuvent être produits en masse pour un coût unitaire très faible. Si une entreprise veut maximiser ses profits, elle n’a pas intérêt à se limiter à une petite niche de clients fortunés. Elle doit au contraire viser le public le plus large possible.

Ce que nous observons aujourd’hui, c’est que les produits qui offrent des avantages objectifs (voiture, téléphone, Internet…) sont accessibles au plus grand nombre. A l’opposé, les produits réservés aux plus riches sont essentiellement des produits de luxe : montres de luxe, parfums de luxe, vêtements de luxe… Mais, en mettant le prestige de côté, leurs équivalents « grand public » offrent quasiment les mêmes avantages.

Notons que ce mécanisme d’effondrement des coûts est « bien, mais pas suffisant ». On peut également améliorer l’accès aux technologies de pointe en encourageant la recherche publique, qui produit des résultats accessibles à tous (voir la section « Libertés et gestion des risques » de la Partie 3).

Voir aussi :


2. Le transhumanisme ne va-t-il pas aggraver les inégalités ?

Cette question a déjà été traitée dans la section « Redistribution des richesses : l’importance d’une société plus égalitaire » de la Partie 3.

Ajoutons à cela qu’il serait absurde d’interdire ces technologies en espérant réduire les inégalités. Si les inégalités économiques font que certains peuvent acheter un vélo et d’autres non, la solution n’est pas d’interdire la technologie de la roue ! Il faut plutôt se demander comment réduire les inégalités économiques préexistantes. Et des technologies de rupture comme internet peuvent justement être un facteur d’égalité : une personne pauvre a accès au même Internet qu’une personne riche.

De telles interdictions pourraient même être contre-productives. Si une technologie est interdite dans un pays donné, les personnes les plus aisées pourront toujours y avoir accès à l’étranger. Si aucune recherche publique n’est faite sur un sujet donné (par exemple, la lutte contre le vieillissement), des entreprises privées s’en chargeront, mais pour un coût final plus élevé. Dans les deux cas, les personnes lésées seront les plus pauvres, et on aura au final accru les inégalités.

 

3. Le transhumanisme est la créature du capitalisme et du néo-libéralisme

Les entreprises réalisent d’énormes profits en vendant des produits de haute technologie. Mais la technologie elle-même n’est pas intrinsèquement liée à un modèle économique en particulier. Par exemple, l’Union Soviétique avait également des programmes industriels ambitieux, et a notamment envoyé le premier objet dans l’espace.

Il n’est pas ici question de vanter le système économique actuel, ni d’en faire le procès. Mais on a inconsciemment tendance à lui opposer un monde « low-tech », supposément écologique et proche de la nature. Or, un niveau technologique avancé est tout à fait compatible avec d’autres systèmes économiques, et même avec une certaine forme de décroissance (voir l’objection « Le transhumanisme n’est pas écologique » dans le chapitre précédent).

Voir aussi : les articles « Transhumanisme et décroissance » et « Transhumanisme et écologie » de Marc Roux.

 

4. Le transhumanisme verse dangereusement dans le « solutionnisme scientifique »

C’est une extrapolation qui est faite par les critiques du transhumanisme. Le transhumanisme considère simplement que certaines technologies peuvent aider à résoudre certains problèmes. Il n’affirme pas que tout peut et doit avoir une solution technologique. En particulier, des problèmes tels que l’accès aux ressources ou les inégalités économiques sont éminemment politiques, bien avant d’être technologiques.

 

5. Le transhumanisme est une nouvelle forme d’eugénisme

Le mot « eugénisme » peut être compris de deux façons différentes.

Au sens strict du terme, nous sommes déjà eugénistes : 96% des femmes qui apprennent qu’elles sont porteuses d’un enfant trisomique choisissent d’avorter.

Mais ce terme évoque également le spectre d’un eugénisme totalitaire : production de clones à la chaîne, stérilisations forcées, extermination des plus faibles… Comme dit dans le premier chapitre de réponse aux objections, cela est à l’opposé des valeurs défendues par les transhumanistes.

Le transhumanisme peut être favorable à la sélection de certaines caractéristiques des enfants par leurs parents. Cela peut amener certains débats éthiques, notamment sur la question de la diversité (voir l’objection « Le transhumanisme veut supprimer le hasard ! » du chapitre précédent). Mais cela n’a rien à voir avec un eugénisme totalitaire et coercitif. Il faut être prudent lorsqu’on manipule des termes aussi lourds de sens et ambivalents.

Article plus complet : « Pour en finir avec les accusations d’eugénisme »

 

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Porte-parole et vice-président de l'Association Française Transhumaniste. Pour accéder à ma page perso (articles, chaîne YouTube, livre...), ou pour me contacter par e-mail, cliquez ici.