Quel transhumanisme ? Partie 1 : Liberté et égalité

Quelle forme de transhumanisme peut-il être souhaitable de promouvoir ?

Publié le 26 mars 2017, par dans « Question socialeRisquestranshumanismeTransition Laborale »

Cet article fait partie d’un livre sur le transhumanisme. Pour en savoir plus, cliquez ici.

 

Nous avons passé en revue divers aspects du transhumanisme. Mais on peut à présent se demander : quel transhumanisme voulons-nous promouvoir ? En effet, toutes ces technologies ouvrent des possibilités vertigineuses, aussi bien utopiques que dystopiques.

Dans sa version la plus simple, le transhumanisme revendique la liberté individuelle de se modifier et de s’augmenter. Cependant, nous n’existons pas indépendamment du monde, et chacun de nos choix a un impact sur la société. Plutôt que de parler simplement d’humain augmenté (H+), il faudrait donc également parler de « société augmentée » (S+).

L’Association Française Transhumaniste se réclame du technoprogressisme, qui promeut la convergence du progrès technique et du progrès social. Je vais tenter ci-dessous d’en décrire quatre grands axes. Comme pour les aspects du transhumanisme, la liste n’est pas exhaustive.

Libertés et gestion des risques

Contrairement aux bio-conservateurs, les transhumanistes n’ont pas d’opposition de principe aux différents aspects que nous avons évoqués. Aucune piste ne doit être écartée d’entrée de jeu, de façon irrationnelle ou dogmatique. Cela ne signifie pas pour autant que tout est souhaitable, et qu’aucune limite ne doit être posée ! Mais cela doit être débattu au cas par cas, en laissant toujours une porte ouverte à la discussion.

Un principe simple est la liberté de faire tout ce qui ne nuit pas à autrui. Vivre cinquante ans de plus, acquérir une plus grande maîtrise de soi, effectuer une modification corporelle d’ordre esthétique… De telles choses relèvent de la liberté individuelle, et ne nuisent pas a priori à autrui ou à la société. L’idéal démocratique ne consiste pas à imposer les vues de la majorité aux minorités, mais à protéger les minorités tout en assurant l’intérêt collectif.

Cependant, toute technologie comporte sa part de bénéfices et sa part de risques. Le feu peut servir à cuire des aliments, mais peut aussi créer des incendies. Mais si l’on avait banni le feu d’entrée de jeu, la civilisation humaine telle qu’on la connaît aujourd’hui n’aurait sans doute pas existé ! Entre liberté totale et interdiction complète, il faut donc chercher comment maximiser les bénéfices tout en minimisant les risques.

On ne peut pas stopper un fleuve, mais on peut dévier son cours. Rejeter en bloc les technologies transhumanistes ne les empêchera pas d’exister ; mais elles existeront dans l’ombre, à l’abri de toute régulation, comme l’actuel commerce de la drogue. Au sujet de la drogue, justement : une légalisation encadrée pourrait paradoxalement en réduire la consommation ! De nombreux exemples montrent qu’interdire en bloc n’est ni souhaitable, ni efficace (comme la désastreuse expérience de la prohibition aux États-Unis). A l’inverse, autoriser et réguler intelligemment permet de maximiser les bénéfices pour les individus et pour la société.

Redistribution des richesses : l’importance d’une société plus égalitaire

Un reproche souvent fait au transhumanisme est qu’il aggraverait les inégalités. Mais si cela devait se produire, ce ne serait jamais que le reflet d’inégalités économiques préexistantes. Inégalités économiques que ceux qui font ce reproche ont, pour la plupart, renoncé à résoudre.

Comme abordé dans la partie « Intelligence artificielle et automatisation », l’automatisation massive des emplois risque de mener à l’explosion sociale si rien n’est fait. Elle peut aussi mener à une société beaucoup plus riche, abondante et égalitaire, si des mécanismes de redistribution intelligents sont mis en place. A nous de faire les bons choix.

Les sociétés les plus prospères sont celles où les technologies essentielles sont accessibles au plus grand nombre. C’est aujourd’hui le cas avec le numérique : l’informatique, les smartphones et internet. Un internet ou un réseau téléphonique réservé aux plus riches n’aurait que peu d’intérêt… y compris pour les plus riches.

C’est sur ce genre de technologies, qui ont le potentiel de se démocratiser massivement, qu’il faut miser en priorité. C’est dans l’intérêt de tous, y compris des plus riches. Dans les pays fortement inégalitaires (comme le Mexique), la vie des plus fortunés n’est pas si rose : ils doivent se barricader dans des villas hautement sécurisées, doivent éviter de nombreuses zones, et ne peuvent se promener sereinement qu’avec des gardes du corps. A l’inverse, dans des pays développés de façon plus égalitaire (comme le Japon), chacun peut se promener sereinement dans la plupart des lieux, sans craindre pour sa sécurité.

Cette thèse est développée (et amplement validée par les chiffres) dans le livre « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous » de Richard Wilkinson et Kate Pickett. Cela serait encore plus flagrant si l’on voyait apparaître les premiers humains augmentés [1].

Il est dans l’intérêt de tous que la société soit globalement prospère, et que le plus grand nombre ait accès aux technologies les plus importantes du moment (ainsi qu’au logement, à la santé, à l’éducation…). A chaque époque, nous devenons plus exigeants sur le « minimum de base » qui devrait être accessible à chacun… et cela est une excellente chose ! Faisons en sorte que cela continue pendant la révolution transhumaniste.

Le célèbre carrefour de Shibuya à Tokyo (Japon) : un lieu moderne et accessible à tous

Notes

[1] Voir à ce sujet la présentation du transhumaniste britannique David Wood à TransVision 2014, à partir de 10:53 : « A more unequal society is worse for everyone » (« Une société plus inégalitaire est pire pour tout le monde« )

Voir aussi

Nos pages « Question sociale » et « Risques ».

 

> Lien vers la partie 2 de l’article <

> Retour à la liste des chapitres <

Porte-parole et vice-président de l'Association Française Transhumaniste. Pour accéder à ma page perso (articles, chaîne YouTube, livre...), ou pour me contacter par e-mail, cliquez ici.