Comment avance la recherche biomédicale ?

Que sont devenus cinq projets prometteurs annoncés depuis plusieurs années ?

Publié le 25 septembre 2025, par dans « Homme augmentéImmortalité ?__Amélioration des capacités humaine__Longévité radicale »

Depuis bientôt dix ans, l’AFT-Technoprog a mis en place une procédure de suivi de diverses annonces scientifiques. Quand nous repérons une annonce prometteuse dans un champ scientifique qui concerne les perspectives transhumanistes (neurosciences, nanotechnologies, lutte contre le vieillissement biologique, régénération cellulaire, implants, futur de la procréation, etc.), nous enregistrons les informations clés de l’annonce, et surtout, les dates auxquelles les chercheurs déclarent espérer obtenir des résultats.

La plupart du temps, la presse de vulgarisation scientifique, ou les pages sciences des grands médias font grand cas de ces annonces, puis se désintéressent complètement de leur suivi … surtout si les recherches débouchent sur des échecs. C’est sans doute que les échecs ne font pas vendre.

Nous avons publié il y a 4 ans un premier article synthétisant notre suivi de 2016 à 2020. Nous y présentions les résultats de cinq études qui avaient été annoncées pour être conclues cette année-là : “Annonces technologiques … et après ?”. Les nouvelles n’étaient pas toutes bonnes. En fait, sur les cinq études que nous répertorions dans cet article (nous en suivons bien d’autres) aucune n’avait atteint les objectifs qui avaient été prédits.

Quatre ans après ce premier article, voici une nouvelle synthèse de ce qui nous a paru le plus intéressant. Nous vous présentons à nouveau cinq projets. Certains sont la continuation d’études antérieures (Eligo Biotech ; Neuralink) et d’autres sont des études plus récentes. Voyons ce qu’ils sont devenus …

1) Vers un utérus artificiel fonctionnel : Le projet Perinatal Life Support

(Annoncé en 2019 / Résultats espérés en 2025)

Dans un contexte où les naissances extrêmement prématurées (<28 semaines de gestation) posent encore d’énormes défis médicaux et éthiques, le projet européen Perinatal Life Support (PLS), mené à l’Eindhoven University of Technology, vise à repousser les limites de la néonatologie. Son objectif : développer un système de support extra-utérin, c’est-à-dire un environnement artificiel permettant à un fœtus très immature de poursuivre son développement en dehors de l’utérus maternel, dans des conditions physiologiquement optimales.

L’enjeu est de taille : chaque semaine gagnée dans le développement d’un grand prématuré augmente considérablement ses chances de survie sans séquelles. Le site du projet (perinatallifesupport.eu) propose un suivi détaillé des progrès. Voici les principales avancées à ce jour :

  • Validation de modèles informatiques simulant la physiologie fœtale.
  • Développement de mannequins fœtaux instrumentés pour tester les procédures médicales (WP3).
  • Fabrication et test réussi d’un oxygénateur mimant le placenta humain.
  • Validation d’un système de monitoring hybride (technologies DCS/TD-NIRS).
  • L’intégration technique complète du système est en cours (WP6).

Une publication de 2024 met en lumière l’usage de la simulation médicale pour développer les outils de transfert entre l’utérus et l’environnement artificiel. Ces simulations permettent de tester la faisabilité du passage du fœtus dans un incubateur liquide, sans provoquer l’exposition prématurée de ses poumons à l’air, favorisant ainsi une maturation pulmonaire plus naturelle.

2) Synchron : une interface cerveau-ordinateur… compatible iPhone

(Existe depuis 2010 / Repéré en 2020 / Syncron en était déjà à ses premiers essais cliniques.)

Pendant que Neuralink, l’entreprise d’Elon Musk, communique en général à grand bruit,  l’entreprise américaine Synchron mène actuellement des essais cliniques de phase I avec un implant cérébral peu invasif sur le double de patient (10 au lieu de 5), visant à redonner de l’autonomie à des patients atteints de paralysie.

Leur essai clinique en cours (NCT05035823) prévoit d’inclure de nouveaux patients jusqu’en 2026. Les premiers résultats, positifs, ont été obtenus dès septembre 2024.

Synchron a récemment annoncé deux avancées marquantes :

  • Le contrôle d’un iPhone, iPad et Apple Vision Pro grâce à leur BCI (Brain Computer Interface).
  • Une démonstration où un patient paralysé utilise le système pour nourrir son chien par commande neuronale.

Un article publié en 2025 revient sur les défis de la traduction clinique de cette technologie prometteuse.

Les tests de sécurité sont très encourageants (aucun événement grave observé).

Le positionnement des électrodes sur le cortex moteur reste un enjeu majeur.

L’équipe se concentre sur le décodage de mouvements simples et stables, comme le tapotement d’un pied, pour optimiser la précision des commandes.

Synchron prévoit prochainement une demande d’autorisation à la FDA pour un essai pivot, étape décisive vers une future commercialisation.

Notons que le projet Synchron repose sur une technologie similaire à celle de l’implant KIWI dont nous avions parlé il y a quatre ans. L’aventure de son promoteur, Newton Howard, a échoué, mais l’idée a donc été reprise par une autre équipe qui, elle, est en train de réussir.

3) Où en sont les tests cliniques de NeuraLink ?

(Annoncé en 2019 / Premiers tests cliniques en 2024)

Neuralink, l’entreprise cofondée par Elon Musk, développe des interfaces cerveau-ordinateur (BCI) visant à restaurer des fonctions perdues chez des patients paralysés ou atteints de troubles neurologiques sévères. Ces dispositifs, implantés directement dans le cerveau, permettent de traduire l’activité neuronale en commandes numériques pour contrôler des appareils externes.

En 2025, Neuralink poursuit activement ses essais cliniques humains avec son interface cerveau-ordinateur (BCI). Après avoir obtenu l’approbation de la FDA en mai 2023, l’entreprise a implanté des dispositifs dans plusieurs patients, principalement atteints de paralysie due à des lésions de la moelle épinière ou à la sclérose latérale amyotrophique (SLA). D’après le New York Post, en juillet 2025, le cinquième patient a été implanté avec succès.

Les participants utilisent les implants pour contrôler des appareils numériques par la pensée, accomplissant des tâches telles que jouer à des jeux vidéo, dessiner ou rédiger des messages. Ces avancées ont été rendues possibles grâce à des améliorations du dispositif, notamment des électrodes plus nombreuses, une bande passante accrue et une durée de vie de la batterie prolongée.

En mai 2025, la FDA a accordé à Neuralink le statut de «breakthrough» pour son implant destiné à restaurer la communication chez les personnes souffrant de troubles du langage sévères, tels que ceux causés par la SLA, les AVC ou les blessures de la moelle épinière. Neuralink a aussi obtenu en 2025 des autorisations pour lancer des tests au Canada, au Royaume-Uni et aux Émirats arabes unis.

4) Des phages au service de la médecine de précision : la promesse d’Eligo Biotech

(Premières annonces en 2017 / Tests cliniques prévus initialement en 2020, mais commencés en 2022)

Et si, au lieu d’utiliser des antibiotiques pour éradiquer les bactéries nuisibles, on pouvait simplement réécrire leur génome, une lettre à la fois ? C’est exactement le pari d’Eligo Biotech, une start-up française à la pointe de la biotechnologie, qui développe des vecteurs dérivées de phages modifiées.

Ces vecteurs, dérivés de phages naturellement spécialisés dans l’infection des bactéries, sont transformés en outils de chirurgie génétique ultra-ciblée. Grâce à des systèmes de type CRISPR-Cas ou des éditeurs de bases (des enzymes capables de modifier une seule lettre de l’ADN sans casser la double hélice), Eligo conçoit des vecteurs capables de cibler des bactéries spécifiques du microbiote, pour les modifier avec précision, sans les détruire, mais en les rendant inoffensives.

Une publication récente dans Nature (Brödel et al., In situ targeted base editing of bacteria in the mouse gut, 2024) illustre cette approche. Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé des particules dérivées de phages pour délivrer un éditeur de base dans l’intestin de souris colonisées par Escherichia coli. Résultat :

– 93 % des bactéries ciblées ont été modifiées en une seule dose,

– les modifications sont restées stables pendant plus de 40 jours,

– et surtout, le vecteur utilisé était non réplicatif, ce qui limite tout risque de dissémination génétique incontrôlée.

Eligo ouvre ainsi la voie à des thérapies ciblées du microbiote, qui pourraient transformer la prise en charge de nombreuses pathologies chroniques ou résistantes. Leur site présente très clairement cette technologie, avec des schémas explicites : eligo.bio/platform.

5) Une pilule “anti-vieillissement” ? Essais cliniques de l’armée américaine à base de NAD+

(Annoncé en 2021 / des essais cliniques étaient espérés en 2022)

Un autre projet intriguant concerne l’investigation par l’armée américaine d’une éventuelle pilule “anti-vieillissement” à base de NAD+, une molécule impliquée dans le métabolisme cellulaire et les voies liées à la longévité. Annoncés il y a quelques années, ces essais avaient pour objectif de tester si une supplémentation en précurseurs du NAD+ pouvait ralentir certains aspects du vieillissement chez l’humain.

Malgré plusieurs recherches, aucun résultat public plus récent que 2021 n’a pu être identifié. Parmi les sources ayant relayé ces informations figurent Trust My Science (« L’armée américaine va tester une pilule anti-vieillissement »), Futuro Prossimo et BTLV. Les informations disponibles restent limitées et de nombreuses questions subsistent sur le protocole des essais, les doses utilisées et les résultats attendus.

Conclusion

Outre les informations et les perspectives très intéressantes que donnent ces études, il est frappant de voir comment plusieurs d’entre elles ont évolué.

On a vu que le projet de la startup Ni2o, l’implant KIWI, a disparu, mais que son concurrent, le Stentrode de Synchron est en excellente voie. Neuralink a pu décevoir tellement les annonces d’Elon Musk étaient fracassantes, pour ensuite accumuler les retards. Mais petit à petit, loin des médias, le projet fait son chemin. Eligo Tech est passé par plusieurs phases, alternant des annonces de réalisation qui ne se sont pas toutes concrétisées, mais ils progressent dans une évolution polymorphe (à la lutte contre l’acnée s’est ajouté l’action sur le microbiote intestinal). Enfin, des études comme celles menées par les armées avancent sous les radars.

Ainsi, la recherche scientifique progresse de manière particulièrement sinueuse, à travers de nombreux méandres, avec des bras morts, des passages souterrains, des résurgences et des rapides. Ce n’est définitivement pas un long fleuve tranquille.

article réalisé avec la collaboration de Ninon Lecoquierre

Restons en contact

Porte-parole de l’Association Française Transhumaniste : Technoprog, chercheur affilié à l’Institute for Ethics and Emerging Technologies (IEET). En savoir plus