FAQ

Le transhumanisme est une vision de l’avenir basée sur la conviction que le développement de l’espèce humaine pourrait être perpétuel. L’humain n’est pas quelque chose de figé. Il est au contraire en continuelle transition.

1. Questions générales

1.1 Qu’est-ce que le transhumanisme ?

Le transhumanisme est une vision de l’avenir basée sur la conviction que le développement de l’espèce humaine pourrait être perpétuel. L’humain n’est pas quelque chose de figé. Il est au contraire en continuelle transition.
Nous définissons le transhumanisme de cette façon :

  • C’est le mouvement intellectuel et culturel qui affirme qu’il est possible et souhaitable d’améliorer fondamentalement la condition humaine, en toute rationalité, notamment en développant et en diffusant largement les technologies de lutte contre le vieillissement et d’augmentation des capacités intellectuelles, physiques et psychologiques des êtres humains.
  • C’est l’étude des conséquences, des promesses, des risques et des questions éthiques liées à l’usage de ces technologies qui nous rendront capables de dépasser nos limites actuelles.

Humanisme – Valeurs

Le transhumanisme peut être appréhendé comme une extension de l’humanisme, dont il est en partie originaire. Les humanistes croient en l’importance de l’être humain ainsi qu’en celle de l’individu. Nous ne pouvons pas être parfaits, mais nous pouvons améliorer les choses en privilégiant la pensée rationnelle, la liberté, la tolérance, la démocratie, et l’intérêt pour nos semblables. Cette vision est aussi celle des transhumanistes, qui mettent davantage l’accent sur ce que nous avons le potentiel de devenir.
De la même façon que nous cherchons à améliorer la condition humaine et le monde extérieur, nous pouvons également chercher à améliorer notre organisme. Ce n’est pas notre forme humaine ou des détails actuels de notre biologie qui définissent pour nous l’humain, mais plutôt nos aspirations et nos idéaux, notre conscience de nous-mêmes, nos capacités de projection et d’imagination, nos expériences et le type de vie que nous recherchons. Pour un transhumaniste, le progrès intervient quand plus de gens deviennent capables de « s’auto-façonner » et de façonner leurs vies et leurs relations avec les autres, en accord avec leurs plus profondes valeurs.

Liberté de choix

Les transhumanistes accordent une grande importance à l’autonomie, à la possibilité et au droit des individus de choisir leurs vies. Certains individus peuvent, pour de nombreuses raisons, choisir de ne pas user de la technologie pour s’améliorer. Les transhumanistes souhaitent un monde dans lequel tout choix qui ne mette pas en péril les autres serait respecté, dans lequel des individus autonomes pourraient choisir de s’améliorer ou non.

Puissance et usage des technologies

En raison de l’accélération du développement des sciences et des technologies, nous entrons dans une nouvelle phase de l’histoire de l’espèce humaine.
Dans un futur relativement proche, nous pourrions faire face à la perspective d’une réelle intelligence artificielle. De nouveaux outils cognitifs vont être construits qui combinent l’intelligence artificielle avec une technologie d’interface, nous permettant d’y accéder de plus en plus aisément.
La nanotechnologie moléculaire pourrait créer des ressources abondantes pour tous et nous donner le contrôle sur les processus biochimiques de notre corps, éliminant progressivement la maladie et le vieillissement.
Les technologies comme l’interface cerveau-ordinateur et la neuropharmacologie permettent d’envisager d’accroître l’intelligence humaine, d’augmenter le bien-être émotionnel, d’améliorer notre capacité comportementale à vivre harmonieusement en société et même de multiplier l’éventail et la richesse des émotions possibles.
Les transhumanistes sont conscients que certaines de ces technologies comportent des risques, dont des risques existentiels : la survie même de notre espèce pourrait être en jeu.
Chercher à comprendre et à prévenir les dangers est une part essentielle de la réflexion transhumaniste.

Le transhumanisme est de plus en plus connu ; un nombre croissant de scientifiques, de penseurs et même de personnalités politiques ont commencé à prendre au sérieux les possibilités que ce mouvement représente. De nombreux groupes très différents les uns des autres, se créent partout dans le monde. Certains adhèrent à l’organisation internationale Humanity +. Plus récemment ont commencé à apparaître les premiers partis politiques transhumanistes…

1.2 Qu’est-ce que le technoprogressisme ?

Une critique faite au transhumanisme est celle qui voit en ce mouvement l’expression des tendances les plus inégalitaires (et aujourd’hui dominantes) de nos sociétés hyper-individualistes, capitalistes et néolibérales.

Cette tendance existe ; elle possède même au niveau mondial une formidable puissance d’action. Mais le « transhumanisme démocratique » ou technoprogressisme affirme que ceci n’a rien d’inhérent au transhumanisme lui-même. On peut concevoir une évolution de type transhumaniste qui soit attentive aux questions de justice sociale, des équilibres environnementaux ou des risques sanitaires. Autrement dit, ceux qui pensent qu’il existe un espoir d’amener le capitalisme à une réelle démocratie sociale ne peuvent qu’admettre que le même espoir existe d’une réelle démocratie transhumaniste.

Si au départ (Etats-Unis, années 70-80), la pensée transhumaniste était plutôt individualiste et libertarienne, aujourd’hui, particulièrement en Europe mais aussi aux Etats-Unis*, de plus en plus de mouvements transhumanistes intègrent dans leur réflexion les aspects sociaux, sanitaires et environnementaux.

[ *L’IEET, fondé en 2004 par le philosophe Nick Bostrom et le bio-éthicien James J. Hughes : « Nous mettons en avant le travail de penseurs du monde entier qui examinent les implications sociales du progrès scientifique et technologique. Nous souhaitons ainsi contribuer à la compréhension de l’impact des technologies émergentes sur les individus et sur la société, tant à l’échelle locale que globale. Nous souhaitons également promouvoir des politiques publiques qui redistribuent les bénéfices du progrès technique, et qui cherchent à en réduire les risques. » ]

1.3 Qu’est-ce qu’un transhumain ?

On pourrait se demander, étant donné que notre usage actuel de la médecine et des technologies de l’information nous font faire couramment de nombreuses choses qui stupéfieraient les humains vivant à des époques reculées, si nous ne sommes pas déjà des transhumains.

Une erreur fréquente des journalistes et écrivains est de dire que les transhumanistes « prétendent être des transhumains » ou « se qualifient eux-mêmes de transhumains ». Néanmoins, depuis les années 2000, le développement du concept “d’anthropotechnie” permet de considérer aussi que, l’humain co-évoluant depuis toujours avec ses techniques, nous sommes d’une certaine manière intrinsèquement tous “transhumains” !

En fait, un transhumaniste est simplement quelqu’un qui prône le transhumanisme. L’étymologie du terme « transhumain » vient du Futurologue FM-2030 (pseudonyme pour FM Esfandiary), qui l’a proposé comme diminutif pour « Humain de Transition ». Le terme “transhumain” peut faire, chez certains, référence à un état intermédiaire entre l’humain et le post-humain. Mais alors qu’est-ce qu’un post-humain ?

Référence : FM-2030. Are You a Transhuman? (New York: Warner Books, 1989)

1.4 Qu’est-ce qu’un posthumain ?

Il peut être utile d’envisager de possibles êtres futurs dont les caractéristiques différeraient tellement de celles des humains actuels que nous aurions du mal à les nommer encore humains selon nos standards contemporains. Un terme courant pour désigner de tels êtres est « post-humain » ou posthumain.

On peut imaginer que le simple fait de vivre une vie indéfiniment longue, saine et active amènera tout le monde à la post-humanité, simplement en accumulant mémoire, compétences, et intelligence.

On peut aussi penser que cela se fera grâce à des technologies combinées : génie génétique, psychopharmacologie, thérapies anti-âge, interfaces neurales, outils de gestion de l’information, molécules d’amélioration de la mémoire, vêtements connectés, techniques cognitives…

Les post-humains pourraient élever le génie humain à une hauteur que nous percevrions aujourd’hui comme « inhumaine »; résister à la maladie et aux effets de l’âge ; profiter d’une jeunesse et d’une vigueur perpétuelles ; contrôler leurs désirs, humeurs et états mentaux ; être capables d’éviter des sentiments de lassitude, de haine, ou d’agacement pour des choses insignifiantes ; accroître leurs capacités au plaisir, à l’amour, à l’appréciation de l’art, à la sérénité ; expérimenter de nouveaux états de conscience actuellement inatteignables.

Mais surtout, ils pourraient se façonner eux-mêmes et façonner leur environnement de façon si nouvelle et si profonde que les spéculations que nous pouvons faire sur les caractéristiques détaillées des post-humains et sur le monde post-humain sont probablement fausses.

En français, il est nécessaire de souligner la distinction entre cette définition originelle du posthumain, qui se conçoit sans rupture et pour laquelle le posthumain est toujours un humain, et une définition étymologique qui voudrait que après (“post-”) l’humain il ne puisse plus être question d’humanité.
La première définition est souvent celle utilisée par les transhumanistes, la seconde par leurs détracteurs.

2. Technologies et prévisions

2.1 Biotechnologies, génie génétique, cellules souches et clonage

Quelles sont-elles, et que font-elles ?

La biotechnologie est la mise en pratique de techniques et de méthodes basées sur les sciences de la vie. Cela inclut de nombreux aspects tels que le séquençage et le génie génétique, la création d’insuline et d’hormones de croissance humaines, les diagnostics médicaux, le clonage thérapeutique et le clonage reproductif, les OGM, la bio-transformation de déchets organiques et l’utilisation de bactéries altérées génétiquement pour nettoyer les marées noires, les recherches sur les cellules souches et tant d’autres.

Le génie génétique est le domaine des biotechnologies qui traite de la modification directe du matériel génétique. Les biotechnologies ont déjà de très nombreuses applications dans l’industrie, l’agriculture et la médecine ; c’est un domaine où de nombreuses recherches sont menées. L’achèvement du « Human Genome Project » – une ébauche du génome humain publiée en 2000 – a été, de l’avis de tous, une étape scientifique majeure. La recherche s’oriente maintenant vers le décodage des fonctions et des interactions des différents gènes et vers le développement d’applications basées sur ces informations. Les bénéfices médicaux potentiels sont trop nombreux pour être listés ; les chercheurs travaillent sur les maladies les plus fréquentes, avec différents degrés de succès. Des progrès ont lieu non seulement dans le développement de médicaments et dans le diagnostic mais également dans la création de meilleurs outils et de méthodes de recherche, qui à leur tour accéléreront le progrès. Quand on envisage les développements probables sur le long terme, de grandes améliorations dans le processus de la recherche en lui-même doivent être prises en compte. Le « Human Genome Project » a été achevé plus tôt que prévu, en grande partie en raison du fait que les prévisions initiales sous-estimaient le degré d’amélioration de la technologie des instruments utilisés par les chercheurs pendant la durée du projet.
D’un autre côté nous devons faire attention à ne pas annoncer trop tôt la prochaine avancée prévue. De plus, même quand la découverte désirée est effectuée, cela prend en général 10 ans pour passer de la preuve du concept à la commercialisation.

Les thérapies géniques sont de deux types : somatiques et sur les cellules germinales.

Dans la thérapie génique somatique, un virus est utilisé comme un vecteur pour insérer du matériel génétique dans les cellules du corps du bénéficiaire. Les effets d’une telle opération ne se transfèrent pas à la génération suivante.

La thérapie génique sur les cellules germinales est effectuée sur les ovaires ou sur les spermatozoïdes, ou encore sur le premier stade du Zygote, elle peut être transmissible aux autres générations. Ceci est d’autant plus envisageable avec la mise au point de la technique dite CRISPR-cas9 qui permet une véritable édition de type couper-copier-coller de séquences d’un génome. Même si son application chez l’humain est très controversée,cette technique permet néanmoins d’entretenir de nombreux espoirs pour la prévention et le traitement de nombreuses maladies, ainsi que pour une utilisation en médecine d’amélioration.

Le champ potentiel de la médecine génétique est vaste : virtuellement toutes les maladies et les caractéristiques humaines – l’intelligence, l’extraversion, la conscience, l’apparence physique, etc – impliquent des prédispositions génétiques. Des maladies découlant d’un seul gène, telles que la mucoviscidose, l’anémie à hématies falciformes, et la maladie de Huntington seront probablement parmi les premières cibles pour une intervention génétique. Les traits et les anomalies reposant sur plusieurs gènes devraient suivre (bien qu’ils puissent parfois être modifiés en mieux en agissant sur un seul gène).

La recherche sur les cellules souches offre de grands espoirs pour la médecine régénératrice. Les cellules souches sont des cellules indifférenciées (non spécialisées) qui peuvent se différencier en une cellule spécialisée avec une fonction spécifique dans le corps. En multipliant de telles cellules (dans une culture à l’extérieur du corps) ou en dirigeant leur activité dans le corps, il devrait être possible d’accroître le remplacement des tissus pour le traitement des maladies dégénératives, notamment les maladies du cœur, la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer, les diabètes, et beaucoup d’autres. Il devrait également être possible de créer entièrement de nouveaux organes à partir de cellules souches pour les utiliser lors de transplantations.
Les cellules souches embryonnaires semblent être spécialement polyvalentes et utiles, mais la recherche porte également sur les cellules souches d’adulte et la reprogrammation de cellules ordinaires afin de les faire se transformer en cellules souches. Actuellement le but est atteint en utilisant des cellules de la peau ce qui permet d’éviter d’utiliser des cellules souches provenant d’embryons.

Le terme « clonage » recouvre tant le clonage thérapeutique que le clonage reproductif.
Dans le clonage thérapeutique, un embryon non encore implanté (connu sous le nom de « Blastocyste » – une boule creuse de 30 à 150 cellules indifférenciées) est créé via le clonage, à partir duquel des cellules souches embryonnaires peuvent être extraites et utilisées pour la thérapie. Étant donné que ces cellules souches clonées sont génétiquement identiques à celles du patient, les tissus ou les organes qu’elles produiront pourront être implantés sans déclencher de réponse immunitaire du receveur, permettant ainsi de vaincre un obstacle majeur dans la médecine transplantatoire.

Le clonage reproductif aboutirait à la naissance d’un enfant qui serait génétiquement identique au parent cloné : de fait, un jumeau plus jeune. En France, la mise en oeuvre de cette pratique, qui est qualifiée de “Crime contre l’espèce humaine”, est très sévèrement condamnée par la loi. Les transhumanistes invitent à repenser les considérations qui ont conduit à cette législation tout en soulignant que le clonage reproductif est à peu près sans intérêt.

Si chacun reconnaît les bénéfices pour les patients qui souffrent et leurs familles qu’apporte la guérison de certaines maladies spécifiques, les transhumanistes mettent l’accent sur le fait que, afin de prolonger radicalement la durée de vie « saine », nous avons également besoin de développer des moyens pour ralentir le vieillissement ou pour remplacer les cellules ou les tissus sénescents.
La thérapie génique, la recherche sur les cellules souches, le clonage thérapeutique, et d’autres aspects de la médecine qui ont le potentiel de permettre ces avancées méritent la priorité dans l’allocation des ressources.

La biotechnologie peut être vue comme un cas particulier des capacités plus générales que permettront les nanotechnologies.

2.2 Qu’est-ce que la nanotechnologie moléculaire ?

(En cours de réécriture.)

2.3 Qu’est-ce que la Singularité ?

Certains penseurs conjecturent qu’il y aura un point dans le futur où le taux de développement technologique deviendra si rapide que la courbe de progrès deviendra presque verticale. En très peu de temps (mois, jours ou même quelques heures), le monde pourrait être transformé jusqu’à devenir non reconnaissable. Ce point hypothétique est appelé singularité technologique ou la Singularité. La cause la plus probable d’une Singularité serait la création d’une forme d’intelligence supérieure à l’être humain et s’améliorant rapidement.

Le concept de Singularité est souvent associé à Vernor Vinge, qui considérait que c’est un des scénarios les plus probables pour le futur. Sous réserve que la destruction de la civilisation soit évitée, Vinge pense que la Singularité se produira probablement comme une conséquence des avancées de l’intelligence artificielle, de grands systèmes d’ordinateurs en réseau, d’intégration humain-machine, ou d’autres formes d’amplification de l’intelligence. L’accroissement de l’intelligence, dans ce scénario, mènera à une boucle positive : des systèmes plus intelligents peuvent créer des systèmes encore plus intelligents et peuvent le faire plus rapidement que les humains. Cette boucle positive pourrait être assez puissante pour conduire en peu de temps à l’émergence d’un système super intelligent.

Une société post-singularité pourrait nous être si étrangère que nous ne puissions l’imaginer, exception faite des règles basiques de la physique. Et même pour ces règles, il pourrait y avoir des lois non encore découvertes ou des conséquences non explorées de lois déjà connues permettant des choses que nous pensions physiquement impossibles, comme par exemple traverser des trous de ver, ou remonter le temps. Les transhumanistes diffèrent largement dans la perception qu’ils ont du scénario de Vinge. La médiatisation de ce thème et les annonces quasi messianiques qui ont été faites par Ray Kurzweil, prophétisant une Singularité pour 2045, donnent lieu à de nombreuses critiques de la part des transhumanistes eux-mêmes. Néanmoins, beaucoup de ceux qui pensent qu’une Singularité aura lieu la situent dans ce siècle.

Références:

  • Good, I. J. “Speculations Concerning the First Ultraintelligent Machine,” in Advances in Computers, Vol. 6, Franz L. Alt and Morris Rubinoff, eds, Academic Press, 1965, pp. 31-88.
  • Vinge, V. “The Coming Technological Singularity,” Whole Earth Review, Winter Issue, 1993. http://www.ugcs.caltech.edu/~phoenix/vinge/vinge-sing.html
  • Ray Kurzweil, Singularity is near – When Humans Transcend Biology, , Viking éd. 2006.

3. La société et la politique

3.1 Les nouvelles technologies ne bénéficieront-elles qu’aux plus riches et aux plus puissants ?

On peut dire que le citoyen moyen d’un pays développé a aujourd’hui un niveau de vie supérieur à celui d’un roi d’il y a cinq siècles. Le roi pouvait avoir un orchestre dans sa cour, mais vous pouvez vous offrir un lecteur CD. Quand un roi attrapait une pneumonie il pouvait mourir mais vous pouvez prendre des antibiotiques. Le roi pouvait avoir un carrosse avec 6 chevaux blancs, mais vous pouvez avoir une voiture. De plus vous avez probablement la télévision, un accès internet, une douche avec de l’eau chaude ; vous pouvez discuter avec votre famille même si elle vit dans un autre pays, et vous en savez plus sur la terre, la nature et l’espace que n’importe quel monarque médiéval.

Le modèle habituel pour les nouvelles technologies est qu’elles deviennent moins chères au cours du temps. Dans le champ médical, par exemple, les procédures expérimentales sont habituellement disponibles uniquement aux sujets de recherche et aux très riches. Quand ces procédures deviennent habituelles, le coût diminue et plus de gens peuvent se l’offrir. Même dans les pays les plus pauvres, des millions de personnes ont bénéficié des vaccins et de la pénicilline. Dans le domaine de l’électronique, le prix des ordinateurs et des autres accessoires baisse très vite au fur et à mesure que de nouveaux modèles sont introduits.

Il est clair que tout le monde devra pouvoir bénéficier des technologies d’amélioration. Tant que dure le modèle actuel de répartition du pouvoir, il est probable que les avantages les plus importants iront initialement à ceux qui en ont les moyens, les compétences et la volonté d’utiliser les nouveaux outils ; c’est une tendance qu’il nous appartiendra de réduire au maximum, voire d’éviter.

Certaines technologies pourront accroître les inégalités sociales, par exemple si une technique d’amplification de l’intelligence devient utilisable, elle pourrait être initialement si chère que seuls les plus riches pourront se l’offrir. La même chose pourra se produire quand nous apprendrons comment améliorer génétiquement nos enfants. Ceux ayant déjà les moyens deviendront plus intelligents, ce qui leur permettra d’avoir encore plus de moyens. Ce phénomène n’est pas nouveau : les parents riches envoient leurs enfants dans de meilleures écoles et leur fournissent des moyens supérieurs.

C’est un fait qui n’est pas propre au domaine qui nous intéresse, mais qu’il sera nécessaire de régler. Chacun devra avoir le choix de s’améliorer ou non, et par conséquent les moyens, le choix sans les moyens n’étant qu’une vaste hypocrisie.

Pour autant, tenter de bannir les innovations technologiques pour cette raison serait une mauvaise idée. Si une société considère que les inégalités sont inacceptables, elle peut renforcer et cibler l’intervention de l’Etat (instaurer des taxations progressives, généraliser son système de sécurité sociale, créer un fonds…) pour pourvoir à des services tels que la lutte contre le vieillissement, l’amélioration, etc. En cela, une politique volontariste est nécessaire.

Le progrès technologique ne résout pas les vieux problèmes politiques tels que le degré de redistribution désirable, mais il peut accroître considérablement la quantité globale de ce qui est partagé. Il nous appartient à tous d’agir au niveau politique pour résoudre les problèmes, nouveaux et anciens.

3.2 Les transhumanistes sont-ils en faveur de l’eugénisme ?

NON : on évoque souvent l’eugénisme en référence au mouvement pré 2e guerre mondiale qui préconisait la stérilisation obligatoire des humains considérés comme « génétiquement impurs » ou considérés comme tels. Ces idées sont totalement en contradiction avec les valeurs humanistes et scientifiques du transhumanisme, qui rejette avec force l’hypothèse raciste d’une telle politique.

Les transhumanistes prônent l’autonomie corporelle et la liberté de procréation. Les parents doivent pouvoir choisir de se reproduire par les moyens et les méthodes technologiques qu’ils souhaitent.
Au-delà, on peut considérer que les parents ont une responsabilité morale d’utiliser certaines méthodes, de s’assurer qu’elles sont sûres et efficaces (de la même façon qu’ils ont le devoir de procurer le meilleur soin possible à leurs enfants malades). Mais il s’agit là d’un jugement moral qui doit, concernant l’amélioration, être laissé à la conscience individuelle plutôt que d’être imposé par la loi.

Les restrictions à la liberté de procréation ne se justifient que dans des cas extrêmes et rares. Si, par exemple, un futur parent souhaite modifier génétiquement son enfant d’une façon qui lui serait nocive ou qui restreindrait ses choix dans sa vie, alors il doit en être empêché par la loi, de la même façon que l’état prend en charge un enfant en cas de grave négligence ou d’abus parental.

Cette liberté de procréation est tout à fait compatible avec un système public de santé (médecine prénatale, conseil génétique, contraception, avortement, thérapies géniques…) dans lequel les parents pourraient prendre des décisions en étant informés et libres de leur choix, ce qui tendrait à faire progressivement disparaître le handicap au fur et à mesure des générations.

Certains défenseurs des handicapés qualifieraient cette politique d’eugéniste, mais la société a un intérêt légitime à permettre la naissance d’enfants sains, sans être criminelle ou imposer des modifications génétiques particulières. Des notions de « handicap » et de « sain » qui ne sont pas des vérités absolues mais qui dépendent de chaque société.

Il est parfois dit que l’utilisation des technologies permettant le choix des descendants mènerait à une uniformité de la population. Un certain degré de conformité est souhaitable si chacun peut être plus sain, plus fort, plus intelligent et plus attirant. Qui prétendrait qu’il faut préserver la mucoviscidose pour sa contribution à la diversité ? D’autres types de diversité émergeraient à coup sûr, notamment une fois les adultes capables d’adapter leur propre corps à leurs propres goûts esthétiques. Par exemple, certains parents choisiraient des gènes améliorant l’athlétisme, d’autres pourraient choisir des gènes ayant un lien avec les capacités musicales. Cela pourrait permettre également à des communautés culturelles comme celle des “sourds qui ne veulent pas entendre” de subsister et de se protéger de la normalisation uniformisatrice.

Quoi qu’il en soit, il paraît improbable que les améliorations sur les lignées génétiques aient jamais un impact majeur sur le monde : il faudrait au minimum 40 ou 50 ans pour que les technologies requises soient développées, testées et appliquées largement, donc pour qu’un nombre significatif d’enfants améliorés deviennent adultes. Avant que cela n’arrive, des méthodes plus puissantes et plus directes pour l’amélioration individuelle seront probablement disponibles, basées sur la nano-médecine, l’intelligence artificielle, le téléchargement, la thérapie génique somatique…

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