Hyperhumanisme (3) : Être humain, demain

Comment être humain dans le transhumain ou le posthumain? Analyse du slogan de l'AFT : être humain, demain.

Publié le 6 octobre 2022, par dans « transhumanisme »

Nous avons vu avec Jean-Yves Goffi comment la vision que l’on a de la nature humaine, ouverte ou fixée, influence notre rapport à la notion d’humanisme et d’humain. A partir de là s’ouvre le débat sur l’humanisme ou le posthumanisme des transhumanistes. Reprenons la question en examinant le slogan – assurément polysémique – de l’AFT-Technoprog : Être humain, demain

Rester humains, demain

Dans cette perspective, l’idée est d’assumer la filiation humaniste du transhumanisme. Il s’agit alors de préserver ce qui est véritablement humain dans l’homme, alors que le monde, l’environnement naturel, technologique et institutionnel sont en mutations accélérées. Comment accompagner les changements, comment user des nouvelles technologies pour que la vie perdure et se renforce, pour que la conscience et la bienveillance humaine continuent de se développer? 

Le transhumanisme consiste alors à maintenir les conditions d’une vie humaine digne et pleine, dans un environnement le plus préservé possible et respectueuse des autres espèces. Pour ce faire, il convient de penser les risques technologiques, de concevoir les outils permettant d’épargner l’environnement (toute la thématique viridienne (1) de l’AFT-Technoprog), voire de modifier l’homme pour lui permettre de rester humain (amélioration morale (2) pour éviter les guerres et réduire la violence, améliorer sa physiologie pour économiser sa santé et optimiser son empreinte écologique). 

Dans ces conditions, potentiellement modifiées sur le plan biologique, l’homme peut rester un être conscient, pensant, aimant et social. On peut dire ici qu’il y a un transhumanisme humaniste.

Mais préserver l’humain au maximum de ce qu’il est, notamment mortel et sexuellement fixé (3), alors que les technologies nous permettraient d’agir, est-ce quelque chose que l’humain désire vraiment?

Devenir humains, demain

Ici, on voit le caractère ironique et drôle du slogan. Être humain, demain, cela résonne avec demain on rase gratis. L’idée , c’est que l’on ne pourra devenir vraiment humain que demain. Seules les nouvelles technologies, les améliorations morales et cognitives, la longévité pourront nous permettre de véritablement nous soucier de nos semblables, de prendre du recul quant à nos penchants naturels agressifs et notre peur panique de la mort et de l’autre (4). 

En outre, les nouvelles technologies nous permettrons d’explorer tous les possibles humains: veillir puis rajeunir, devenir homme puis femme, puis homme, vivre indéfiniment pour expérimenter les activités et situations. Ce serait être plus humain car nous explorerions, ou pourrions explorer, tout l’humain. Dès lors, nous serions plus ouverts (et à la souffrance des autres espèces (5) ), plus tolérants, plus compréhensifs. Au sens littéral, plus intelligents. 

Cette vision pourrait être qualifiée de transhumanisme hyperhumaniste.

Mais est-il dans la nature humaine, de pouvoir explorer tout l’humain? De vivre indéfiniment? L’humain ne s’est-il pas, à tort ou à raison, défini comme mortel, limité, situé et assez radicalement fixé? Dès lors, n’est-on pas déjà en train de devenir quelque chose de nouveau?

Inventer l’humain, demain

Une autre manière de lire le slogan, c’est de penser que le transhumanisme ne doit pas permettre seulement d’accompagner l’humain dans les mutations du monde, ni même de lui permettre d’explorer tous les possibles humains, mais encore de lui ouvrir la possibilité d’expérimenter des hybridations avec des formes d’existence non-humaines : cybernétiques, animales, extra-terrestres.

Dès lors, une multitude de possibilités s’ouvrent, limitées seulement par l’imagination, la volonté et l’ingéniosité telles qu’envisageables pour des humains de demain . L’homme, ou plutôt l’esprit humain peut partir à la découverte des autres espèces, de l’espace, des mondes numériques issus de sa créativité (6). Posthumanisme ?

Il semble ici que l’on soit, d’une certaine manière, au-delà de l’humanisme traditionnel tout comme de l’hyperhumanisme. Mais si l’on pense avec Marc Roux que l’humain se définit d’abord par la conscience et l’esprit créatif, alors ces distinctions n’ont plus vraiment de sens, sinon pour délimiter des écoles de pensée ou des périodes historiques.

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Notes :

  1.  https://transhumanistes.com/manifeste-viridien-propositions-technoprogressistes-et-ecologistes/
  2. Voir Marc Roux https://transhumanistes.com/de-lamelioration-morale/
  3. Voir par exemple ici, Vers un transhumanisme africain théocompatible ?
  4. “L’amour non possessif ne paraissait concevable que si l’on vivait soi-même dans une atmosphère saturée de délices, d’où toute crainte était absente, en particulier la crainte de l’abandon et de la mort, qu’il impliquait au minimum et entre autres choses, l’éternité…” Houellebecq, La possibilité d’une île, p.198
  5. Par exemple, les réflexions du philosophe David Pearce https://transhumanistes.com/david_pearce_technobouddhisme_transveganisme/
  6. Notre quizz sur l’émulation du cerveau https://transhumanistes.com/quiz-etes-vous-prete-pour-lemulation-de-cerveau/
Trésorier et porte-parole de l'AFT-Technoprog. Auteur notamment de "Transhumanisme: la méditation des chiens de paille", accessible sur ce site.